Pendant que la Banque Centrale Européenne continue de s’embourber dans son projet théorique d’euro digital, les États-Unis s’apprêtent à opérer un basculement potentiellement révolutionnaire : l'approbation des stablecoins privés.
Initialement, les États-Unis semblaient pencher pour une monnaie numérique de banque centrale (CBDC), centralisant le contrôle au sein de la Réserve Fédérale. Mais la doctrine a changé. La voie désormais privilégiée est celle des stablecoins privés : des dollars numériques émis par des entreprises privées, comme Circle ou peut-être demain Amazon, mais garantis par des actifs sûrs, principalement des bons du Trésor américain.
La logique derrière ce pivot est d'une redoutable efficacité et poursuit trois objectifs simultanés :
Nous assistons donc à la naissance d’un nouveau monde monétaire, dont l'avènement sera bien plus rapide que nous ne l'imaginons.Cependant, cette innovation me confronte à un paradoxe fondamental, régi par un principe monétaire aussi ancien qu'implacable : la loi de Gresham, qui stipule que "la mauvaise monnaie chasse la bonne".
Dans ce nouveau système dual, la distinction entre "bonne" et "mauvaise" monnaie devient vertigineusement complexe. À première vue, les stablecoins, en tant que créances privées sur des entités opaques, devraient être la "mauvaise monnaie". Mais cette logique s'inverse si la politique de l'administration américaine conduit à un dollar fiduciaire perçu comme arbitraire, sujet à une inflation galopante et à une dépréciation orchestrée. Dans ce cas, ce sont les stablecoins, précisément parce qu'ils sont adossés à des bons du Trésor, qui deviendraient paradoxalement la "bonne monnaie" à thésauriser. Le dollar classique, simple monnaie de transaction non rémunérée et condamnée à perdre de sa valeur, deviendrait alors la "mauvaise monnaie", celle dont tout le monde chercherait à se défaire.
Ce n'est donc pas une simple concurrence qui s'annonce, mais une véritable guerre de confiance fratricide au sein même de l'écosystème du dollar. Une lutte intestine qui pourrait accélérer la fuite vers des actifs de refuge extérieurs et menacer de faire imploser le système de l'intérieur.