Tax TV Show de novembre : la veille jurisprudentielle!

Voici 3 jurisprudences qui ne manquera pas de marquer vos esprits.


1. Refus d’application du régime de faveur des transmissions d’entreprises familiales pour inactivité de l’exploitation

Arrêt de la cour d’appel de Gand du 05 septembre 2023 – n° 2022/RG/659

Cette décision n’étant pas encore publié, le résumé qui suit est basé sur le commentaire publié dans le fiscologue (Stefaan Van Crombrugge, Fiscologue, 1853, p. 1118 octobre 2024)

Contexte

Cette affaire concerne la demande d’application du taux réduit de 3% pour la transmission d’une entreprises familiales par les héritiers en ligne directe du défunt en Flandre (art.2.7.4.2.2, §1, 1° CFF). Pour rappel, ce régime octroie aux héritiers des sociétés ou entreprises en personne physiques familiales, la possibilité de bénéficier d’un régime favorable au niveau successoral.

Par dérogation aux taux progressifs des droits de succession, les transmissions d’ « entreprises familiales » sont soumise au taux de 3% en ligne directe, à condition entre autres que :

  • l'entreprise soit exploitée personnellement par le légateur/testateur ou son partenaire, avec ou sans tiers, conformément aux articles 2.8.6.0.3, §2, 1° et 2.7.4.2.2, §2, 1° du VCF ;
  • les biens à transmettre doivent avoir été investis professionnellement par le donateur/défunt ou son partenaire dans l'entreprise familiale, conformément à l'article 2.8.6.0.3, §1, 1° ou 2.7.4.2.2, §1, 1° VCF ;
  • le bien immobilier transféré ne doit pas être utilisé ou destiné principalement à des fins d'habitation comme stipulé à l'article 2.8.6.0.3, §1, 1° ou 2.7.4.2.2, §1, 1° VCF.

En l’espèce, il s’agissait d’entreprise agricole familiale détenue via une société simple constituée par les parents et les enfants comme c’est souvent le cas. Au décès de leur la mère en 2019, ses enfants et leur père (le conjoint) ont demandé à appliquer ce régime de faveur à la succession, ce qui leur a été refusé par l’administration au motif que la condition d’exploitation personnelle n’était plus remplie au moment du décès.

Décision de la cour

La Cour d'appel de Gand a rejeté le bénéfice du taux réduit après avoir constaté que les preuves fournies par les héritiers ne démontraient pas une exploitation personnelle et effective de l'entreprise par celle-ci au moment de son décès.

En particulier, la Cour a relevé l'absence de revenus déclarés par les parents et le faible montant de leurs cotisations sociales, ce qui serait le signe d’un manque de participation active dans l’entreprise. Elle a également mis en évidence que la société n’avait distribution aucun revenu provenant de l’exploitation agricole alors que la convention de la société simple prévoyait un prélèvement en faveur des associés dans la mesure de leur contribution effective.

La circonstance que les parents étaient associés de la société simple n’a pas été considéré comme suffisant pour démontrer l’exercice effective de l’entreprise par la défunte. Autrement dit, le fait de s’associer dans le cadre d’une société simple avec les personnes exploitant l’activité économique ne suffit pas et le défunt devait exploiter lui-même personnellement l’entreprise, avec des tiers ou non (en l’espèce ses enfants).

La condition d’exploitation personnelle n’étant pas remplie, la succession devait dès lors être soumise aux taux progressifs qui sont beaucoup plus élevés et atteignent rapidement 30%.

Ce qu’il faut retenir

Dans pareille situation, il est crucial de se poser la question de la démonstration de l’exploitation personnelle au préalable. Afin, si cette condition n’est pas remplie, de s’orienter vers des alternatives de planification successorales.

Cette affaire illustre également que le régime de faveur actuel en Flandre (et dans la Région Bruxelles-capital) n’est pas toujours adapté aux transmissions d’entreprises agricoles. En effet, il est très fréquent que l’exploitation de l’entreprise soit reprise par les enfants sans que le patrimoine agricole immobilier leur soit transmis du vivant des parents. En Région wallonne, ces situations ont été appréhendées puisque il est permis aux parents de bénéficier de régime de faveur sur les terrains agricoles qu’ils n’exploitent plus personnellement s’il a cédé au préalable l’entreprise aux exploitant.


2. Informations provenant de l’étranger et respect des délais par l’administration fiscale

Arrêt de la cour d’appel d’Anvers du 22 octobre 2024Cette décision n’étant pas encore publié, le résumé qui suit est basé sur le commentaire publié dans le fiscologue (Jan Van Dyck, Fiscologue, 1856 p. 1, 8 novembre 2024).

Contexte

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 22 octobre 2024 porte sur une question qui revient systématiquement dans les contrôles effectués par l’administration à la suite de la réception d’informations de l’étranger dans le cadre de l’échange automatique d’informations (contrôles CRS/FATCA). Cette question est celle de savoir si dans le cadre de la réception d’information provenant de l’étranger, le pouvoir d’investigation doit être limité aux revenus sur lesquels portent les informations reçues de l’étranger, ou si, comme prétend l’administration, elle est en droit d’investiguer systématiquement les 5 exercices d’imposition précédent l’année de prise de connaissance de l’information provenant de l’étranger articles 358, § 1er, 2° et 333/2 CIR 92.

En l’espèce, l’administration avait reçu, en 2019, des informations sur des revenus non-déclarés du contribuable sur ses exercices d’imposition datant de 2018 et 2019. L’Administration fiscale a donc entamé une investigation et a procédé à une taxation d’office pour les exercices d’imposition 2018 et 2019 mais également pour les exercices de 2014, 2015, 2016 et 2017 au motif que ces exercices auraient été couverts par le délai de 5 ans prévu à l’article 358, §1, 2°, a) du CIR et à l’article 333/2 CIR. similaires pour cette période. De plus, l’administration avait enrôlé un accroissement d’impôt de 50% car elle estimait que la non-déclaration des revenus mobiliers et des comptes à l’étranger révélait une intention frauduleuse.

Décision de la cour

La Cour d’appel a confirmé le raisonnement du Tribunal de Première Instance d’Anvers, qui avait annulé la cotisation d’office pour les exercices d’imposition de 2014 à 2017. Selon la Cour, en s’appuyant sur les travaux parlementaires, le pouvoir de contrôle conféré à l’administration par l’article 333/2 CIR 1992 doit être strictement limité aux revenus visés par l’échange d’informations reçu par l’administration. En effet, les travaux parlementaires précisent que le délai d’imposition spécial prévu à l’article 333/2 CIR92 est en réalité un délai d’investigation supplémentaire visant à permettre la vérification de l’information reçue de l’étranger et doit être interprété strictement étant donné qu’il s’agit d’une exception aux délais « ordinaires ». En d’autres mots, investigations complémentaires ne peuvent être menées, si nécessaire, qu’en lien direct avec les informations obtenues pour en vérifier l’exactitude.

Dès lors, la Cour d'appel d'Anvers a jugé que l'absence de déclaration des comptes à l’étranger ne traduisait pas nécessairement une intention frauduleuse de la part du contribuable. Elle a précisé que si l'administration fiscale souhaitait invoquer cette intention, il lui incombait d'en apporter la preuve, ce qu'elle n'a pas fait en l'espèce. La Cour a ainsi confirmé la réduction de l’accroissement de 50% à 10 % prononcée par le Tribunal de Première Instance d’Anvers.

A noter que le Tribunal de Première Instance a prononcé plusieurs jugements dans le même sens. Les affaires sont pendantes devant la Cour d’appel de Liège.


3. Plus-value exonérée ou avantage anormal imposable

Cour d’appel Gand, 3 octobre 2023, n° 2022/RG/756. Cette décision n’étant pas encore publié, le résumé qui suit est basé sur le commentaire publié dans le fiscologue (Stefaan Van Crombrugge, Fiscologue, 1856 p. 10, 8 novembre 2024)

Contexte

La question centrale dans cette affaire est de savoir si la plus-value réalisée par une société sur la vente ou l'apport d'actions doit être considérée comme un avantage anormal ou bénévole imposable (comme le voudrait l’administration), plutôt que comme une plus-value exonérée (comme l’a déclaré l’entreprise).

Dans cette affaire, une société belge avait acquis, entre 2002 et 2004, des actions dans une société polonaise pour un montant de 237.631 euros.

En 2016, elle apporta les actions qu’elle détient dans la société polonaise à une holding, recevant en échange de nouvelles actions de la holding valorisées à 33.296.797 euros. Cette valorisation s’est faite sur base d’une réévaluation effectuée grâce à un rapport d’évaluation lié à un important projet immobilier de la société polonaise qui a fortement fait augmenter sa valeur. La société belge avait appliqué l’exonération pour les plus-values sur actions dans les relations mères-filles à la plus-value de 33.059.166 euros (art. 192, § 1, al. 1, CIR 1992). L’administration considéra qu’un avantage anormal ou bénévole avait été obtenu pour la partie de la valeur d’échange excédant la valeur que l’administration considérait comme « normale ». L’administration considère également que la société n’apporte pas la preuve réelle des actions.

Décision de la Cour

Même si, en théorie, la Cour d’appel de Gand ne s’est pas opposée à l'idée que la partie de la plus-value sur actions excédant la valeur réelle puisse être qualifiée d'avantage anormal ou bénévole obtenu, elle a rejeté cette qualification avancée par l'administration car l’administration n'apporte pas la preuve que la valeur des actions de la société polonaise utilisée par les parties ne correspond pas à leur valeur de marché en 2016. La valeur réelle correspond aux prix qu’un acheteur, ou ici l’émetteur des actions dans le cadre d’un apport, placé dans des circonstances similaires aurait été disposé à payer.

Après avoir rappelé les règles en matière de charge de la preuve en vertu desquelles il appartient à l’administration de démontrer que la valeur utilisé ne correspondait pas à la valeur réelle, la Cour d’appel de Gand s’est référé au rapport de valorisation du projet immobilier établi par un expert indépendant qui rien ne permettait de discréditer, quand bien même d’autres méthodes de calcul auraient pu être utilisées.

Concernant, la qualification de ce montant déclaré, la Cour a déterminé qu’il ne pouvait pas être considéré comme un avantage anormal ou bénévole imposable, mais devait être traitée comme une plus-value exonérée. Pour arriver à cette conclusion, la Cour a justifié que bien que la valorisation des actions soit élevée, elle était basée sur des circonstances économiques tangibles, évaluée par un expert reconnu et donc sérieuse et vérifiable. De plus, ce n'est pas parce qu'il existe une méthode de calcul permettant une valorisation inférieure que celle utilisée ne puisse être valide.

Cet arrêt rappelle l’importance de veiller à documenter sérieusement toutes les opérations et en particulier celles intervenant dans un contexte intragroupe.


Cet article est publié dans le cadre du Tax Tv Show du mardi 19 novembre 2024.



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