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Taxes douanières: ne céder ni à la panique, ni à quelques lobbies

Oui, le libre-échange augmente la taille du gâteau économique et est, dès lors, mais sous conditions, à préférer à l’isolationnisme, mais méfions-nous de nos peurs aussi dans le domaine du commerce international, et sachons voir que l’agenda de ceux qui annoncent une catastrophe peut ne pas correspondre à l’intérêt général.

La ligne intellectuelle la plus directement cohérente – et la cohérence est primordiale – est, si l’on est convaincu des vertus des échanges commerciaux par-dessus les frontières, de laisser Donald Trump et, avec lui, les Etats-Unis, se tirer une balle dans le pied en annonçant des hausses de tarifs douaniers, avec un impact de la balle d’autant plus douloureux que la hausse est marquée. Les économistes convergent sur le pronostic : celui qui a le plus à perdre dans le relèvement des barrières tarifaires outre-Atlantique est le consommateur américain. Certes, l’entreprise qui exporte vers le pays de l’Oncle Sam pourrait être forcée, pour garder des prix, tarifs inclus, compétitifs par rapport au producteur local, de comprimer ses prix (et donc ses coûts et/ou ses marges). Toutefois, ceci suppose qu’il y ait dans le chef de l’acheteur américain une possibilité de substituer une production locale à une production importée. Or, le champ pour une telle substitution est limité, et d’autant plus à court terme. Dès lors, l’essentiel de la hausse des tarifs sera supporté par l’acheteur. D’ailleurs, à ce jour, on ne remarque pas de fléchissement des prix à l’importation aux Etats-Unis, des prix mesurés avant droits de douane. Donc, non, les exportateurs extra-américains n’absorbent pas les mesures tarifaires, et, oui, c’est le consommateur américain qui va payer.

Dans ce contexte, et plus encore si on est sûr des grandes vertus du libre-échange, l’Europe a bien fait de ne pas riposter aux mesures de Trump par des mesures du même acabit. L’économiste Charles Wyplosz l’a dit avec conviction : il suffit d’attendre que l’inflation s’accélère aux Etats-Unis. Dans ce contexte, les produits américains deviendront moins compétitifs et les salaires devront augmenter, ce qui alimentera à son tour l’inflation. Les taux d’intérêt à long terme seront également poussés à la hausse, ce qui à son tour pénalisera l’activité économique américaine, tant en termes de consommation que d’immobilier ou d’investissements. Les faits l’emporteront !

Bien sûr, il n’y a pas que l’économie. Sur le plan politique, en ne ripostant pas, l’Europe a été perçue comme faible et désunie, quand nous la souhaiterions forte et unie. Mais s’il faut savoir avoir une vision, un projet, une ambition, une direction, il faut aussi savoir voir les choses en l’état. Et l’état de l’Union européenne est connu : en matière de politique internationale, pour ne parler que de cela, elle n’est ni forte, ni unie. Faire front aux Etats eux Unis quand, malgré notre appellation d’Union, nous ne sommes pas unis est difficile, et donc riposter de manière ferme était hors de portée. Et il est une autre faiblesse, à la fois politique et économique, de l’Europe : sa multi-dépendance envers les Etats-Unis. C’est sa dépendance en termes de sécurité, mais c’est aussi sa dépendance en termes énergétiques, monétaires et technologiques. Il est plus facile pour les Américains de se passer de bière et de vin européens que pour les Européens de se passer des GAFAM américains …

Le relèvement des barrières douanières aura un coût économique. Pour les Etats-Unis, selon les calculs du Budget Lab, on aurait une amputation à court terme de l’ordre de 1 point de PIB et dans la durée de 0,4 point. Ce n’est pas rien, mais c’est relativement mineur. L’Europe est plus exportatrice, mais ne verrait son commerce baisser qu’avec les Etats-Unis, là où pour ces derniers, c’est avec l’ensemble de leurs partenaires commerciaux qu’il y aura relèvement. Dès lors, l’impact macroéconomique devrait être nettement moindre pour nous. Reconnaissons-le, il est des secteurs, et on pense ici à la bière ou aux médicaments et, en Allemagne, à l’automobile, pour lesquels les nouveaux tarifs douaniers seront un souci d’importance, mais à l’échelle de l’économie belge ou de l’économie européenne, c’est loin d’être un choc majeur. Cela n'a rien à voir avec la Covid ou la crise financière !

Il y a deux raisons pour lesquelles le monde patronal tire la sonnette d’alarme. La première est connue depuis Mancur Olson : on entend fort ceux qui ont fort à perdre. Eux se mobilisent, eux sont les plus vocaux. Il en résulte, dans l’opinion publique, une perception biaisée de l’importance des événements. La seconde relève d’une tactique « bête et méchante » de négociation : on monte en épingle le coût des mesures tarifaires de Trump pour obtenir, par ailleurs, des mesures favorables aux entreprises, notamment en matière de régulation, avec une focalisation déplacée et déplaisante sur la régulation environnementale.

Le secteur automobile thermique européen a été mauvais. Il a cherché par tous les moyens, y compris la fraude, à préserver « sa poule aux œufs d’or » et a pris un retard considérable par rapport à l’électrification. En économie libérale, on parle de destruction créatrice : celui qui n’a pas été bon doit céder la place ! Chercher à le protéger est une grave erreur, et plus encore aujourd’hui si, pour obtenir une inflexion de la Maison Blanche le concernant, on accepte en échange des concessions pour certains produits américains. Dans le conflit commercial actuel, c’est ce genre d’attitude en faveur de tel ou tel secteur, de tel ou tel lobby, qui est le plus dangereux !

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