Une proposition de loi déposée le 17 juin dernier (Ecolo/Groen/CD&V/Spa/PS) prévoit l’obligation de soumettre tous les actes de donations notariés à l’enregistrement.
Si cette proposition est entérinée, cela signifierait donc la fin des actes notariés effectuées aux Pays-Bas pour éviter de payer en Belgique les droits d’enregistrement de 3%, 3,3%,5,5% ou 7% sur une donation mobilière.
Tout acte de notaire belge doit être nécessairement soumis à l’enregistrement. Il s’agit d’une règle du Code des droits d’enregistrement.
Par ailleurs, le Code civil impose, à peine nullité, que toute donation directe (et tel sera, par exemple, nécessairement le cas d’une donation avec réserve d’usufruit) intervienne par acte authentique. La combinaison de ces deux règles entraînera nécessairement, si la donation intervient devant un notaire belge, la soumission de l’acte aux droits de donation.
Depuis des décennies, le contribuable belge a réussi à échapper à cette taxation obligatoire, tout en respectant les règles du Code civil. La solution consiste à faire acter la donation par un notaire à l’étranger, mais pas dans n’importe quel pays toutefois : il fallait se rendre dans un Etat dans lequel des droits de donation ne sont pas dus lorsque l’acte intervient entre deux personnes qui ne sont pas résidentes de cet Etat. Tel est, notamment, le cas des Pays-Bas (ainsi que de quelques cantons de Suisse).
C’est ce que l’on appelle communément la « Kaasroute ».
Le Code des droits de succession[1] prévoit que lorsqu’une donation n’a pas été enregistrée, les droits de succession sont dus si le donateur décède dans les trois ans de la donation (voire sept ans dans certains cas particuliers).
A défaut d’enregistrement spontané, celui qui choisissait la « Kaasroute » coure donc le risque de payer des droits de succession si le donateur décède dans les trois ans de l’acte (sauf à couvrir ce risque par le recours à un contrat d’assurance).
Depuis quelques années déjà, l’administration fiscale flamande (le VLABEL) tente de lutter contre cette planification permettant de donner sans payer de droit donation, considérant celle-ci comme injustifiée au vu des tarifs des droits de donation mobilière très faibles.
Ainsi, Vlabel avait pris une position aboutissant à ce qu’une donation avec réserve d’usufruit ne puisse plus être réalisée sans procéder à un enregistrement préalable pour échapper in fine au paiement des droits de succession au décès du donateur. Cette position très critiquée a été annulée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 juin 2018, la considérant comme contra legem.
C’est dans ce contexte que le législateur fédéral vient au secours des régions en déposant une proposition de loi qui leur sera profitable puisque ce sont les droits de donation aboutissent dans les caisses des régions.
La proposition de loi vise à mettre un terme à la « Route du fromage » en rendant obligatoire l’enregistrement des actes notariés étrangers de donations mobilières.
Toutes les donations ne sont donc pas visées par cette obligation de soumission aux droits de donation.
La proposition vise ici uniquement les donations intervenant par acte authentique (par contre, assez paradoxalement, toute donation – mobilière ou immobilière – est visée par le texte tel que rédigé actuellement alors que l’objectif est de viser uniquement les donations mobilières).
Autrement dit, un donateur pourra toujours faire don d’objets mobiliers (des tableaux, des meubles, etc.) de manière « manuelle ». Les donations de comptes bancaires ou de sommes d’argent en pleine propriété avec un pacte adjoint (en vue de prévoir, notamment, une clause de retour ou une charge de rente) seront toujours possibles sans devoir soumettre la donation à l’enregistrement, mais toujours avec les conséquences en droits de succession si le donateur décède dans les trois (ou sept) ans.
L’enregistrement relève certes d’une compétence fédérale, mais cette modification profiterait concrètement aux trois régions : toute donation mobilière qui concerne un donateur flamand, wallon ou bruxellois, devrait être enregistrée et entraînera alors nécessairement des droits d’enregistrement qui arrivent dans les caisses des régions.
A ce stade, il ne s’agit que d’une proposition de loi qui doit encore suivre son chemin parlementaire L’urgence a toutefois été adoptée. Le processus législatif devrait donc être rapide si le texte est, in fine, approuvé.
Un contribuable qui envisage de procéder à une donation devant notaire hollandais doit certainement le faire rapidement, puisque la loi – si elle est adoptée - entrera en vigueur dix jours après sa publication au Moniteur belge.
Cette évolution vers une obligation d’assujettissement aux droits d’enregistrement peut laisser craindre d’autres « aggravations » du système : (i) l’augmentation du délai de trois ans, déjà annoncé en Flandre, qui passerait à quatre ans, voire même (ii) l’augmentation des taux forfaitaires, si l’enregistrement devient obligatoire.
En pratique, ceci pourrait accroître davantage la concurrence fiscale entre les différentes régions qui pourraient choisir des voies différentes. On rappellera utilement que la région compétente pour prélever les droits de donation est celle dans laquelle le donateur à son domicile fiscale, ce qui pourrait inciter certains contribuables à déménager dans une autre région dont la législation leur serait plus favorable.
[1] Article 2.7.1.0.5., § 1er du Code flamand de la fiscalité en Région flamande.