Transmission intrafamiliale : préoccupation des baby-boomers

Cette décennie 2020 sera celle au cours de laquelle ceux qui appartiennent à la génération dite des « Baby Boomers » (1945-1960) s’interrogeront notamment sur la manière de transmettre leur entreprise.

Les premières réflexions

La première étape est bien entendu d’identifier un potentiel repreneur au sein du cercle familial. Dans les cas de transmissions familiales, le scénario le plus classique est la reprise par un ou plusieurs des enfants, notamment lorsqu’ils sont déjà impliqués dans l’activité. Se pose alors la question de savoir si la transmission devrait avoir lieu à titre gratuit ou à titre onéreux. Diverses considérations permettent d’orienter ce choix, telle que la conservation du contrôle ou des revenus par le cédant et la volonté de maintenir (ou non) l’égalité au sein de la fratrie.

Dans ce cadre, l’évaluation de l’entreprise est une étape cruciale. Outre l’importance d’être conscient de ce qu’on donne et de ce qu’on reçoit, elle permet de déterminer le coût fiscal de l’opération et des alternatives envisagées ainsi que les charges à imposer au repreneur.

La transmission en pratique

Wallonie

En Région Wallonne, l’enregistrement d’une donation d’actions est soumise au taux classique applicable à la donation de biens mobiliers, soit 3,3% en ligne directe. Toutefois, moyennant le respect de certaines conditions, ce type de donations peut bénéficier d’un taux de 0%. Le respect de ces conditions s’apprécie d’une part au jour de l’acte et d’autre part durant les cinq années suivant l’acte.

La donation doit premièrement consister en une donation de droits réels sur les titres d’une entité dont le siège de direction est localisé au sein de l’Espace Economique Européen. Cette entité doit exercer une activité économique réelle et occuper dans ce cadre du personnel dans l’Espace Economique Européen. Les droits de vote s’élevant au minimum à 10% doivent être transmis. Si ces conditions sont remplies au moment de l’opération, la Région Wallonne émettra une attestation d’octroi du taux de 0%. Par ailleurs, l’entreprise devra maintenir pendant 5 ans une activité économique, 75% de l’emploi en moyenne ainsi que le capital social. A l’issue de cette période, un formulaire doit être introduit auprès des autorités afin de demander le maintien du taux de 0%.

Bruxelles

A Bruxelles, une exonération de la donation peut également être postulée. Les conditions à respecter sont relativement similaires sous réserve de quelques points, notamment :

  • les conditions relatives à l’emploi ne s’appliquent pas à Bruxelles ;
  • le donateur et sa famille doivent détenir au moins 50% des actions de l’entreprise ;
  • l’activité doit subsister en tant que telle durant 3 ans ;
  • durant cette période de 3 ans (et non 5 comme en Région Wallonne), le capital ne peut être diminué par des remboursements et le siège doit être maintenu au sein de l’EEE.

Donation / vente avec charges

Toutefois, dans bon nombre de cas, l’entreprise et sa transmission sont l’occasion pour celui qui en est à la tête de s’assurer un revenu lui garantissant un repos bien mérité. Des alternatives à la donation pure et simple permettent d’atteindre cet objectif, telles que la donation / vente avec réserve d’usufruit ou la donation assortie d’une charge consistant en une rente.

Holding familial

Une autre option est celle de la constitution par le(s) enfant(s) repreneur(s) d’une holding qui rachètera à la génération précédente les parts de la société d’exploitation. S’agissant du financement de cette acquisition, plusieurs pistes peuvent être envisagées et combinées. Outre l’emprunt bancaire classique, les parties peuvent convenir d’un vendor loan en vertu duquel les vendeurs détiendront un compte-courant vis-à-vis de la holding. Ce compte-courant sera ensuite géré grâce à divers mécanismes selon les besoins propres au cas d’espèce. Il peut par exemple être donné en tout ou en partie par les parents à leurs enfants (afin de garantir l’égalité parfaite au sein de la fratrie). Cette donation peut concerner tant la pleine propriété que la nue-propriété du compte courant. Tant que tout ou partie du compte-courant n’est pas remboursé (par exemple grâce à la remontée des dividendes de la société d’exploitation), celui-ci sera productif d’intérêts. Ces intérêts seront fiscalement déductibles pour autant, entre autres, qu’ils soient conformes au taux de marché. L’article 55 du Code des impôts sur les revenus permet de déterminer le taux dont il faut tenir compte et ne pas dépasser[1], dépendant notamment du taux IFM. Pour l’année de revenus 2024, le taux visé par l’article 55 CIR s’élève à 8,02%.

L’administration fiscale a par le passé tenté de requalifier sur base de la disposition anti-abus ce type d’opération en une distribution de dividendes soumise au taux de 30% (au contraire des plus-values sur actions réalisées dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé qui sont exonérées d’impôts). Or, dans son jugement du 7 septembre 2022, le Tribunal de Première Instance de Luxembourg a tranché en faveur des contribuables. Le Tribunal rappelle qu’une telle requalification nécessite de démontrer une unité d’intention entre les différents actes. En l’espèce, aucune unité d’intention n’a pu être prouvée entre d’une part la constitution de la holding par leur fils (avant la vente), la vente des actions de la société à la holding, le don du compte-courant détenu suite à la vente à leurs trois enfants et la décision prise de manière autonome par leur fils, en qualité de représentant permanent de la holding, de remonter des dividendes de la société d’exploitation à la holding pour rembourser ce compte-courant. A défaut, l’opération ne pouvait être requalifiée et l’administration fiscale n’a pu imposer la prix de cession à 30% au titre de dividende.

L’importance d’un accompagnement adapté

En synthèse, en matière de transmissions intrafamiliales, il existe autant d’alternatives que de cas d’espèce. Un accompagnement adapté peut rapidement s’avérer incontournable afin de déterminer de commun accord avec toutes les parties impliquées les mécanismes à activer et de correctement documenter le travail d’évaluation, l’acte de cession, et plus généralement toutes les étapes du processus (des premières réflexions à la réalisation effective).

Dans ce cadre, il convient d’être conscient de la possibilité de solliciter la Région Wallonne pour une intervention dans le cadre du chèque transmission d’entreprises dans les honoraires relatifs aux prestations éligibles telles que la valorisation, les conseils juridiques, etc. Ce subside peut représenter, sous réserve d’acceptation de la demande, 75% de l’enveloppe d’honoraires avec un plafond de 20.000 EUR HTVA (soit une intervention de 15.000 EUR HTVA).


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[1] « Taux d'intérêt pratiqué par les IFM, publié par la Banque nationale de Belgique, pour les prêts d'un montant inférieur ou égal à 1.000.000 euros avec taux variable et fixation initiale du taux d'une durée inférieure ou égale à un an, octroyés aux sociétés non financières, conclus au mois de novembre de l'année civile précédant l'année civile à laquelle les intérêts se rapportent, augmenté de 2,5 p.c ».

Tax TV show 20/02/2024


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