Une lancinante perplexité et – je l’avoue – une sourde inquiétude commencent à m’envahir à la lecture des diverses informations émanant de responsables politiques au sujet des risques de guerre. Et je dois confesser que mon inquiétude est fluctuante : tant que le conflit ukrainien et l’élection de Donald Trump étaient loin, les réalités guerrières l’étaient tout autant.
Mais voilà, les choses ont changé. Et subitement, le risque de guerre affole les chancelleries. Pas parce que la Russie est plus agressive, s’enlisant dans un conflit qui ressemble à une guerre de positions, mais parce que l’Europe ne bénéficiera plus de la protection américaine, les États-Unis et la Russie ayant probablement signé un nouvel accord de Yalta.
Mais que penser de ces déclarations ? L’Europe recommande de constituer un kit de survie pour « tenir » pendant trois jours. Mais c’est grotesque : si un conflit, quelle que soit sa nature, se déclenche, les choses ne reviendront pas à la normale après trois jours, comme une mauvaise grippe. Et quand le secrétaire général de l’OTAN promet une réponse dévastatrice si la Russie s’attaque à un pays de l’OTAN – qui ne sera certainement pas la surarmée Pologne (ayant retenu la leçon du 17 septembre 1939), mais plutôt un État balte – et promet une réponse dévastatrice, de quoi parle-t-il ? D’envoyer des troupes ? Ou d’attaquer la Russie ? Vraiment ? Avec l’accord des Américains ? Certainement pas. Mais avec le risque d’une riposte immédiate de la Russie, ce qui entraînerait un déclenchement continental du conflit.
Il ne s’agit pas de nier les risques de conflit, mais de réfléchir. Non pas à la guerre, mais à la paix, qui, contrairement à ce que l’adage prophétise, ne se veut pas en préparant la guerre. Les peuples doivent exiger la paix. Toujours. Le tracé de l’humanité est une guerre permanente, et le XXe siècle a soigneusement démontré que nous étions capables d’en organiser deux mondialement, et de saccager la nature au nom de nos insatiables désirs matériels. N’en est-ce pas assez ? Ne valons-nous tous pas mieux que d’être les objets de l’équilibre de la « terreur », comme si la terreur apportait un quelconque équilibre ?
Ce que j’écris est peut-être naïf, mais c’est un monde de confiance que nous devons léguer. C’est un monde où la parole doit être belle et confiante. Où les tristes passions sont combattues. Un monde où les résignations sont écartées. Il faut disperser les nations en guerre.
Et dans ces moments d’indécision, je relis souvent les sermons de Bossuet, et en particulier celui sur la mort, prêché en 1662 : mais c’est nous, mortels misérables, qui refusons de voir ce triste spectacle, comme la conviction de nos erreurs.
À méditer en ce jour de printemps où les bourgeons explosent.