Hier soir notre estimé confrère Olivier D'AOUT faisait état d'un arrêt de la Cour d'appel de Liège rendu ce 8 mars 2023 invoquant l'article 344§1er du CIR pour refuser le régime fiscal des droits d'auteur à un contribuable.
L'octroi de droits d’auteurs peut-il être constitutif d’abus fiscal dès lors que le contribuable qui en bénéficierait s’écarterait des objectifs de la loi fiscale qui a introduit ce régime ?
Que nous apprennent les travaux préparatoires de la loi du 16 juillet 2008 ? Il est indéniable que l’objectif premier du législateur était de protéger les artistes, dont le statut était précaire et pour lesquels se posaient des problèmes de qualifications quant à leurs revenus.
Est-ce à dire que les contribuables qui n’effectuent que des « prestations artistiques " sont les seuls bénéficiaires du régime et que tous les autres contribuables, tes les graphistes, informaticiens n’y ont pas droit au motif qu’ils ne forment pas le public visé par la loi de juillet 2008 ?
En réalité, le renvoi aux objectifs d’une loi n’a de pertinence que lorsque la volonté du législateur n’est pas clairement définie ou lorsqu’elle prête à de multiples interprétations.
Or, tel n’est précisément pas le cas pour le régime fiscal des droits d’auteur puisque le champ d’application de la loi de 2008 est expressément défini par le législateur par le fait du renvoi qui était fait, dans l’article 17, § 1er, 5°, du CIR , aux œuvres au sens de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
Ce renvoi explicite à la loi sur les droits d’auteur implique donc un champ d’application bien plus élargi que celui visé initialement par les auteurs de la loi.
Marielle Moris rappelle la manière dont il convient de cerner la notion d’objectif du législateur : "L’objectif de la disposition fiscale en cause ne peut être défini ni par l’administration ni par le juge mais doit l’être par le législateur lui-même. Il faut, dès lors, que cet objectif résulte de la volonté du législateur et qu’il soit défini dans les travaux préparatoires de la disposition légale visée. Cette condition résulte du principe constitutionnel de la légalité de l’impôt, suivant lequel seule la loi peut établir un impôt, à savoir que la loi doit définir les éléments constitutifs de l’impôt, l’assiette imposable et le taux d’imposition".
Cela a pour conséquence que tout contribuable auteur d’une œuvre visée par cette loi de 1994 est en droit de revendiquer le régime fiscal favorable. Il ne peut être tenu grief à des milliers de contribuables d'y avoir ainsi eu recouru .
Ajoutons aussi que toutes les décisions rendues par le SDA sur les droits d’auteur reprennent systématiquement cette formule : " il peut être considéré que l’article 344, § 1er C.I.R. 92 n’est pas applicable en l’espèce. »
Face à un tel arrêt plus que contestable, un pourvoi en Cassation est fort heureusement introduit. Affaire à suivre .