​Un capitalisme désenchanté : un peu d'histoire est bienvenu.

En moins de trois décennies, nos économies européennes ont plongé dans un nouvel ordre capitaliste. Celui-ci est axé sur le juridique et tente d'individualiser les incertitudes de la vie tout en limitant la protection collective.

Le choc des modèles est profond : les communautés européennes recherchent des certitudes réglementaires et une uniformité, tandis que le modèle anglo-saxon soumet les individus aux aléas de l'économie.

Cependant, nous devons localiser la divergence entre ces deux modèles. Mais où ? Inévitablement, presque inexorablement, le chercheur est confronté à la profonde division qui a opposé les catholiques et les protestants au XVIe siècle. Le schisme religieux du XVIe siècle a catalysé des prédispositions socio-économiques qui ont conduit à l'émergence du capitalisme moderne.

Alors, où perdure l'esprit de Jean Calvin, le père de la réforme patricienne genèvoise, dans nos économies ? Jean Calvin avait retiré le travail et l'argent du domaine de la pure nécessité pour leur donner une signification religieuse, mais il n'aurait pas approuvé les récents excès du capitalisme. Fidèle à l'idéal de pauvreté de Saint Paul, le théologien prônait la sobriété et le renoncement aux gloires terrestres pour se soumettre à la volonté divine et défendre la vérité évangélique. Il abhorrait la cupidité et la passion pour le gain.

Dans l'éthique réformée, la sobriété et la tempérance dans la consommation façonnent l'individu magnanime. Cela a même conduit à l'ascétisme puritain, loin des excès du capitalisme débridé.

Le sociologue allemand Max Weber, qui spéculait sur les affinités électives entre la Réforme et le capitalisme dans son ouvrage 'L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme', considérait le manque de scrupules, l'intérêt personnel, la cupidité et la quête inlassable du profit comme des traits caractéristiques d'un capitalisme qui avait 'pris du retard'. Dans son Histoire économique, il révélait une perspective pessimiste en suggérant que 'l'éthos était né sur le sol de l'idéal ascétique (mais que) maintenant, on lui ôtait sa signification religieuse. Les conséquences étaient graves...' Weber voyait dans la dilution du puritanisme calviniste une 'triste déviation de notre culture.'

La Réforme était à l'origine une force spirituelle et ecclésiastique révolutionnaire, mais elle a décliné en un dépérissement que Weber avait identifié et que nous associons à un capitalisme désillusionné. À la fin de 'L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme', Weber suggère que 'le souci des biens extérieurs devrait peser sur les épaules des saints comme un manteau léger qu'on peut rejeter à tout moment. Mais le destin a transformé ce manteau en une cage de fer.' Peut-être que la sécularisation des communautés anglo-américaines, associée à la montée du néolibéralisme, a conduit à leur anomie, c'est-à-dire à la désintégration de leurs valeurs sociales.

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