Plus je rassemble mes intuitions sur le paysage économique des dix prochaines années, plus je suis convaincu qu’elles seront difficiles et accablées par une très faible croissance.
La décennie précédente a été artificiellement soutenue par la création monétaire et des taux d’intérêt anormalement bas. Il y a eu un effet d’aubaine dont la dissipation va entraîner de très grandes difficultés pour les banques (essentiellement américaines) et les entreprises.
Cette réalité va se conjuguer avec des besoins d’endettement stratosphériques pour la transition énergétique, pour autant, bien sûr (car je n’en suis aucunement convaincu) qu’elle soit mise en œuvre de manière réfléchie, coordonnée et structurée. Il faudra escalader la décennie 2023-2033 par la face nord.
Une déliquescence brutale du rôle du dollar dans l’économie mondiale. Cette dernière serait le résultat d’une conjugaison de plusieurs facteurs : un isolationnisme américain croissant, une perte relative de dominance militaire, un nouvel ordre mondial d’origine russo-asiatique, des réalités démographiques incontestables (les États-Unis représentent 4 % de la population mondiale), etc. Au reste, les États-Unis ont déjà sabordé le système monétaire en 1971 lors de la rupture des accords de Breton Woods, et ils exportèrent leurs crédits douteux dans des bilans bancaires étrangers en 2008.
La doctrine monétaire américaine fut lapidairement résumée en 1972 par John Connally (1917-1993), démocrate parmi les républicains, secrétaire d’État au Trésor de l’administration de Richard Nixon (1913-1994, président des États-Unis entre 1969 et 1974) au travers de la mémorable phrase : « The dollar is our currency, but your problem. »
Et il faut se rappeler que les États-Unis ne remboursent jamais leurs dettes ni ne terminent leurs guerres (sauf de rares exceptions). Ils sont inductifs, et donc amnésiques, alors que nous, Européens, nous sommes déductifs.
Si ce risque se concrétise, alors ce serait une implosion monétaire systémique bien plus ample que les pertes bancaires prévisibles associées à la remontée des taux d’intérêt.
Ce serait un grand « reset ». Je lui associe une infime probabilité. Mais, après tout, le rôle d'un économiste est d'abord de se plonger dans le futur.