Utiliser une société avant qu’elle n’existe

« LA CHANCE EST CE QUI ARRIVE QUAND LA PRÉPARATION RENCONTRE L’OPPORTUNITÉ » Sénèque


Isabelle et Louis ont trouvé l’entreprise (La Cible) qu’ils souhaitent reprendre ensemble.

Cependant pour réaliser ce projet, ils ont besoin de leur propre (nouvelle et à constituer) société (NewCo) , dans ce cas-ci une “holding”, pour acquérir les actions de la Cible qu’ils souhaitent acquérir.

Les démarches pour obtenir le financement nécessaire à l’acquisition de la Cible se feront aussi pour compte de NewCo.

Néanmoins, Isabelle et Louis veulent éviter que si les négociations n’aboutissent pas pour l’acquisition de la Cible, ils se retrouvent avec NewCo qui n’aura aucune utilité (puisque vide et sans objet).


DE QUELLE MANIÈRE PEUVENT-ILS RÉSOUDRE CE DILEMME ?

Les engagements et accords préliminaires ainsi que la convention d’acquisition des actions de la Cible peuvent être conclus au nom de NewCo (en tant que société en formation).

Ceci qui précède est un exemple, parmi d’autres, d’une situation où la reprise des engagements pris au nom d’une société en formation présente une réelle utilité.

Dans le Code des Sociétés et Associations (CSA) belge, la reprise des engagements pris au nom d’une société en formation est principalement régie par l’article 2:2.

Les points essentiels sont :

  1. Les personnes qui agissent au nom d’une société en formation avant que celle-ci n’acquiert la personnalité juridique sont personnellement et solidairement responsables des engagements pris ;
  2. Une fois que la société a acquis la personnalité juridique, elle peut reprendre ces engagements par une décision spéciale. Dans ce cas, les engagements sont réputés avoir été contractés par la société dès leurs origines.


QUELLES SONT LES PRINCIPALES CONDITIONS POUR ACTER LA REPRISE DES ENGAGEMENTS ?

L’individu qui aura pris l’engagement au nom de la société en formation est libéré, avec effet rétroactif, pour autant que ces deux (2) conditions soient remplies ;

  1. Dans les 2 ans à dater de l’engagement, l’entreprise a acquis la personnalité juridique ;
  2. Cette nouvelle société aura formellement repris l(es) engagement(s) dans les 3 mois de sa constitution.

Toutefois, la reprise d’engagement n’est pas soumise à une forme particulière.

On recommandera par exemple une mention particulière dans l’acte de constitution ou une ratification ultérieure par le conseil d’administration.


EST-IL POSSIBLE DE REPRENDRE UN ENGAGEMENT PRIS PAR UNE PERSONNE QUI NE DEVIENT PAS ACTIONNAIRE ?

Oui, l’engagement peut être pris par une personne “à quelque titre que ce soit” même si dans la plupart des cas, ce sera bien un(e) futur(e) actionnaire.


DEUX MOTIVATIONS POUR NE PAS CONSTITUER HÂTIVEMENT UNE SOCIÉTÉ

Fiscalement

Les personnes physiques qui sont actionnaires d’une PME, sous certaines conditions, peuvent bénéficier du taux réduit (dit “VVPRbis” * ) lors de l’attribution de dividendes.

C’est-à-dire que la société retiendra 15 % de précompte mobilier et non 30 %, donc cela revient à diviser par 2 (!) l’impôt de l’actionnaire.

Il s’agit donc d’un avantage majeur pour inciter les investisseurs à, entre autres, augmenter leur rendement.

Pour autant, si votre projet ne sort pas de l’oeuf, le VVPRbis risque fort d’être enterré avec en cas de changement dans l’actionnariat.

En effet, pour bénéficier de cet avantage fiscal, l’actionnaire doit détenir les actions de manière ininterrompue depuis la création des actions concernées.

Par conséquent, en cas de revente des actions de NewCo, le nouvel actionnaire ne pourra jamais remplir cette condition et cela risque fort de lui constituer un sérieux handicap.

Légalement

Un plan financier est nécessaire avant de constituer une SRL/SA, celui-ci engage les fondateurs.

Ceux-ci supportent donc une responsabilité particulière si la jeune entreprise venait à faire faillite endéans les trois premières années et si le plan financier, devant démontrer min 24 mois d’activité, met en évidence que la société était sous-capitalisée.

A ce niveau également, constituer une société, dont le projet n’aura pas pris forme, qui oblige ses fondateurs à respecter le plan financier, représente un risque supplémentaire (e.a. en cas de cession des actions de NewCo).

En effet, la responsabilité des fondateurs n’est pas transférable à de nouveaux associés.


AUTRES EXEMPLES

La faculté de reprendre les engagements pris au nom d’une société est possible dans un nombre important d’autres situations, par exemple ;

  • Plusieurs associés formeront une société à la seule condition que leur premier client important signe la proposition d’un contrat ;
  • Répondre à un appel d’offres ;
  • Commander du matériel qui nécessite min. 6 mois de délai de livraison mais qui vous permettra d’être opérationnel dès les premiers jours de votre entreprise ;
  • Négocier un bail ;
  • Déposer une marque pour éviter qu’un tiers ne dépose les droits ;
  • Etc.


QUE FAUT-IL EN RETENIR ?

Il est fréquent d’avoir un projet qui présente encore des incertitudes mais surtout des décisions qui ne dépendent pas uniquement de ses protagonistes.

L’intérêt d’engager pour compte d’une société en formation, à la condition résolutoire que plusieurs paramètres s’accordent, représente un intérêt évident et évitera des frais et/ou désavantages inutiles.

Les porteurs de projets devront rester particulièrement attentifs à ;

  • Se tenir à l’abri des conséquences néfastes d’un éventuel échec en cas de non constitution effective de la société. L’utilisation d’un contrat contenant une clause(s) résolutoire liée(s) à la constitution effective peut apporter une solution robuste ;
  • les aspects fiscaux liés à une reprise d’engagement, puisque pouvant remonter à 2 ans, avant la constitution.

Constituer une entreprise en Belgique est rapide et le coût faible, à l’inverse, liquider une société même récente, exsangue et/ou purgée de toute activité, engendre des coûts qui apparaissent toujours trop élevés quand l’histoire s’arrête.

Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.


Thomas DRAGUET ©│www.anticiper.tax


(*) : VVPRbis : est l’acronyme Néerlandais/Français de “Verlaagde Voorheffing / Précompte Mobilier”.


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