Seuls les Belges baignent dans l’illusion que la cession de parts sociales d’une S.C.I. s’opère sous l’égide des dispositions de la Convention préventive de la double imposition signée entre la France et la Belgique en 1964, laquelle accorderait l’imposition de ce type de revenu à la Belgique qui, dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé, prévoit une exemption d’impôts. Aucun Français qui s’est exilé dans notre pays pour des raisons fiscales n’a été mû par cette utopique opportunité. En effet, leurs conseils français n’ignorent pas que la cession de telles parts sociales est régie en France, a contrario de la Belgique, par le code civil, est assimilée à une cession immobilière suivant un commentaire de l’administration déjà rappelé en 1966, est un revenu d’origine française suite à une disposition de la loi de finances pour 2008, et surtout, est soumise, depuis des décennies, à la formalité de l’enregistrement. Conséquemment, et contrairement à ce qui est annoncé de manière anxiogène dans la presse belge, l’entrée en vigueur de la nouvelle convention belgo-française, sans doute au 1er janvier 2024, ne créera pas un nouveau régime d’imposition au détriment des Belges, mais confirmera le fondement du régime français par son inclusion dans cette nouvelle convention, de sorte à ôter ainsi toute possibilité ultérieure de recours administratif et judiciaire à l’habitant du royaume qui était marri de devoir supporter ces amères dispositions fiscales existantes en France depuis des décennies.
Dans la pratique, tout propriétaire d’un immeuble affecté à la seconde résidence ou à la location conçoit aisément qu’il lui est préférable de mettre l’immeuble en vente par la S.C.I. plutôt que de tenter de trouver un acquéreur des parts sociales de ladite S.C.I. En effet, le candidat à l’acquisition doit supporter un droit d’enregistrement de près de 5,85% sur l’immeuble et de 5% sur les parts sociales de la S.C.I., la différence étant trop maigre que pour compenser, sauf situations exceptionnelles et particulières, d’autres inconvénients d’ordre juridique liés à la cession de parts sociales (application de la jurisprudence Quemener/Baradé,…).
Si, pour un propriétaire belge avisé et pertinemment conseillé, il est préférable de vendre un chalet de 5.000.000,- € par une S.C.I. (translucide) plutôt que de vendre les parts sociales de la S.C.I., il n’en est pas de même lorsque l’immeuble social est, par exemple, un massif forestier ou un domaine viticole. En effet, dans ces cas précis, il existe une dérogation qui limite le droit d’enregistrement portant sur les parts sociales à 125 € ! Pour l’acquéreur, payer plus de 250.000 € de droits de mutation pour détenir en direct le massif forestier ou le domaine viticole n’est pas équivalent à payer 125 € pour détenir les parts sociales de la société civile propriétaire desdits biens ! Il va sans dire que le cessionnaire insistera pour que le «possesseur belge de cet élément de fortune», pour reprendre la phraséologie de la nouvelle convention belgo-française, accepte de céder les parts sociales plutôt que l’immeuble par la société civile.
Malgré cette période caniculaire, un nuage noir est venu cet été obscurcir le ciel de certains habitants du royaume qui détiennent notamment, en France, des forêts, des vignes, des biens ruraux ou des actifs immobiliers détenus et utilisés de manière séparée à leurs activités libérales, artisanales, commerciales ou industrielles.
Il a été annoncé que le système fiscal fédéral avait besoin d’une réforme en profondeur et que l’«épuration» du régime antérieur devenu obsolète devait conduire à l’instauration d’un régime d’imposition des plus-values réalisées sur les actions, obligations et autres produits financiers.
Bien qu’aucun projet de loi ne décrive, à ce jour, les détails de ces nouvelles règles, il pourrait être anticipé la question de la survenance d’une éventuelle double imposition de la même plus-value, l’une, en France, au titre d’une plus-value de nature immobilière par assimilation fiscale, l’autre, en Belgique, au titre de ce nouveau régime des plus-values mobilières. La crainte est d’autant plus légitime que la réforme fiscale belge puisse éventuellement entrer en vigueur avant la ratification de la nouvelle convention belgo-française.
En effet, les gains en capital, considérés comme des revenus résiduels au sens de l’article 18 de la convention de 1964, sont exclusivement imposables en Belgique. L’opinion toujours défendue par les praticiens belges du droit selon laquelle la France outrepassait les dispositions conventionnelles pourrait être reprise par l’Etat belge qui entendrait dorénavant imposer à un taux annoncé de 15% ce qu’il s’abstenait d’imposer antérieurement dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé, à charge pour les personnes concernées de tenter d’obtenir, en France, un dégrèvement d’impôt et un remboursement des sommes indûment prélevées, tout en sachant que cette démarche était devenue vaine bien avant le prononcé de l’arrêt du Conseil d’Etat du 24 février 2020.
Par contre, cette appréhension pourra s’estomper dès l’entrée en vigueur de la nouvelle convention belgo-française, pour autant que le point 2 de l’article 13 n’y fasse pas l’objet d’âpres débats d’interprétation au vu de l’inintelligibilité de sa rédaction. Le charabia de cette disposition, sans doute issu de la traduction française d’un néerlandais plus dialectal que civilisé, ouvre la liberté de penser que l’esprit des rédacteurs de cette nouvelle convention vise à exclure de la territorialité belge les gains imposés en France au titre d’une plus-value de cession assimilable à une plus-value immobilière, pour autant que les immeubles représentant plus de 50% de la valeur ne soient pas affectés à l’activité d’entreprise. Mais quid en cas de cession de sociétés d’exploitation agricole, viticole ou forestière pour lesquelles les deux conditions s’opposent ?
Il est, toutefois, à craindre que les nouveaux textes fédéraux instituant cette réforme fiscale annoncée ne soient pas d’une limpidité linguistique et que l’imprécision rédactionnelle conduise à des interprétations divergentes, chronophages et insécurisantes pour les acteurs concernés.