Visite des locaux : la Cour de cassation donne raison au contribuable

Dans un arrêt de principe du 16 juin 2023, la Cour de cassation s’est à nouveau intéressée de près aux limites des pouvoirs d’investigation reconnus à l’administration fiscale, et plus particulièrement au droit de visite prévu à l’article 63 du Code de TVA et à l’article 319 du CIR.

Pour rappel, les agents de l’administration fiscale peuvent pénétrer librement dans les locaux professionnels dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête en matière d’impôts sur les revenus ou de TVA. Des conditions plus strictes doivent toutefois être respectées en cas de visite dans des bâtiments ou locaux habités. Dans ce dernier cas, l’accès n’est autorisé que de cinq heures du matin à neuf heures du soir et uniquement avec l’autorisation préalable du juge de police.

Cet arrêt est fondamental puisqu’il rappelle que le fisc n’est pas autorisé à faire comme bon lui semble. En effet, le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental consacré tant par la Constitution belge (article 15 et 22), que par la Convention européenne des droits de l’homme (article 8). Des ingérences à ce droit sont certes permises à condition notamment qu’une disposition législative, suffisamment précise, soit proportionnée à l’objectif légitime poursuivi par celle-ci.

Dans ce contexte, la jurisprudence, tant européenne que belge, a fort heureusement apporté des limitations à cette mesure d’investigation intrusive. Dans le cas contraire, les agents du fisc auraient eu les mêmes prérogatives que la police, et la visite fiscale apparaitrait comme une perquisition, qui autorise les agents du fisc à entrer manu militari dans le domicile.

En l’espèce, il s’agissait d’une société exerçant dans la vente de voitures, et dont l’adresse de son siège était la même que le domicile de l’administrateur. L’administration fiscale a réalisé une visite domiciliaire avec une autorisation du tribunal de police auprès du contribuable afin de procéder à un contrôle TVA. Par la suite, une visite sans préavis a été pratiquée au siège de la société (qui, pour rappel, est également le domicile de l’administrateur).

Le contribuable estimait que cette visite n’avait pas été effectuée régulièrement conformément à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. Celle-ci estime que les agents du fisc ne peuvent pas exiger la consultation des livres et des documents si le contribuable s’y oppose. En effet, le contribuable avait au départ donné son accord à la conduite de cette visite mais il est finalement revenu sur sa décision.

La Cour d’appel de Gand a donné tort au contribuable au motif que l’accord de ce dernier n’est pas obligatoire pour procéder à la visite des locaux habités, lorsqu’une autorisation a déjà été accordée par le juge de police. Par ailleurs, il apparait de l’arrêt de la Cour constitutionnelle que celle-ci n’aurait jamais interdit le recours à la coercition lors d’une visite, en cas d’opposition du contribuable.

La Cour de cassation ne partage toutefois pas le même avis. Elle souligne qu’un statut spécial de protection est reconnu pour les locaux privés. En effet, elle affirme explicitement que les agents de l’administration fiscale ne peuvent accéder aux locaux privés que si le contribuable y consent, outre l’autorisation du juge de police. L’administration ne peut dès lors utiliser l’argument du devoir de coopération pour justifier le recours à la force et accéder aux locaux, si le contribuable ne donne pas son accord.

De plus, le point le plus important de cet arrêt est que la Cour de cassation décide que l’autorisation du contribuable doit être présente en permanence. Autrement dit, si le contribuable retire son accord, les agents du fisc sont dans l’obligation d’interrompre la visite.

Cette décision doit être approuvée en ce qu’elle permet de garantir dans une plus grande mesure les droits fondamentaux des contribuables. Toutefois, en réalité, quoiqu’ayant la possibilité de refuser la visite du fisc, le contribuable pourrait être contraint tout de même de l’accorder sous la pression pécuniaire. En effet, l’administration peut, en cas de refus qu’elle qualifierait d’injustifié, appliquer des astreintes.

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