La première impression que l’on peut tirer de l’observation du monde est la multitude d’incertitudes qui l’assaillent. Mais, en vérité, après de multiples élections et événements, le monde est devenu bien plus lisible : chaque jour, il renforce un peu plus des pouvoirs verticaux, souvent nationalistes, voire souverainistes.
Le nationalisme, c’est l’inverse du patriotisme. Le patriotisme, c’est aimer son pays ; le nationalisme, comme le disait François Mitterrand, c’est « la guerre », c’est détester les autres.
Cette verticalisation du pouvoir se renforce dans des pays autocratiques, mais aussi dans de nombreux pays qui appartenaient autrefois à ce que l’Occident appelait le « monde libre ». Elle est l’aboutissement d’une économie mondialisée où tous les facteurs de production entrent en collision, comme autant d’atomes instables.
Cette dynamique mène à la lente disparition de la démocratie : dans de nombreux pays (sauf peut-être en France, dont l’évolution politique est plus instructive qu’on ne le pense), c’est le pouvoir exécutif qui, au lieu d’être contrôlé par le pouvoir législatif, finit par le dominer. Le pouvoir judiciaire est souvent marginalisé, tandis que le quatrième pouvoir — la presse — s’autocensure ou se conforme.
Aux États-Unis, par exemple, pays dont la morphologie politique est définitivement brisée, le journalisme d’investigation qui avait permis de dévoiler le scandale du Watergate semble bien loin. Même les caricaturistes, dont les propriétaires des médias ont prêté allégeance à Donald Trump, jettent le crayon. C’est, comme ailleurs, l’économie et la prospérité individuelle qui s’imposent come le moteur du modèle idéal.
Même en Belgique, sans véritable débat, même journalistique, une particratie s’installe dans le pouvoir exécutif qui dilue le pouvoir législatif dans l’obéissance des pantoufles et le silence des mandats. Et le dernier contre-pouvoir, la presse, se cantonne à relater des faits au lieu d’encourager le débat contradictoire.
Alors, dans ce monde, ce que nous devons exiger de chacun d’entre nous, c’est de combattre la résignation. Il nous faut confronter nos points de vue, sortir de nos routines mimétiques, nous cultiver sans relâche et participer, même de manière infime, au débat public.
Il faut combattre l’indifférence, la quête futile de confort éphémère et le détachement. Il s’agit d’avoir du caractère. De l’honneur. Du panache. Cela a un prix : la prison dans les dictatures, la solitude et l’écartement dans les autres pays.
Mais la vie est courte. Très courte. Et il ne sert à rien de commémorer le passé sans lever la tête.
Car, en parcourant l’histoire, on remarque une chose : quelles que soient les disciplines — des arts aux lettres, en passant par la politique — les femmes et les hommes de compromis médiocres ont été écartés.
Et souvent, ils en furent les premières victimes.