50 nuances de … comptabilité probante

Le fisc adore remettre en question le caractère probant de certaines comptabilités, de manière à s’en écarter et à redresser le chiffre d’affaires à l’ISOC et en TVA.

Et pourtant …

Qu’est-ce qu’une comptabilité probante sur le plan fiscal ? Bonne question. On chercherait vainement une définition dans le C.I.R., il n’en existe aucune.

Certes, la législation en matière de comptabilité comporte une série de principes et de préceptes, comme l’image fidèle du bilan, le principe de l’irréversibilité des écritures, la tenue au jour le jour… En réalité, une comptabilité probante est une comptabilité apte à faire titre de preuve sur le plan fiscal. Ce qui nous avance assez peu …

Pas de réponse dans la loi ? Que nous apprends l’analyse de la jurisprudence ?

Un principe : toute comptabilité, tout système de compte doivent être admis, pour peu :

En réalité, il existe deux types de problèmes.

Soit l’administration fiscale constate des manquements internes dans la comptabilité, qui la rendent non probante. Exemple-type : l’absence d’inventaire, ou des écritures tenues avec un tel retard que leur caractère probant peut être remis en question. La constatation de manquements minimes dans un océan d’écritures correctes ne suffit pas, mais, en revanche, une inscription globale au livre des recettes dont le contenu détaillé ne peut être expliqué pose problème.

Soit l’administration constate que la compta est très belle, mais … que tout n’y est pas !

C’est notamment la problématique des contrôles chez des grossistes révélant une comptabilité parallèle semblant démontrer des achats « en noir » par leurs clients.

L’administration peut-elle se fonder sur de telles constatations pour rejeter en bloc le caractère probant de la comptabilité et redresser le chiffre d’affaires ? Cela dépend.

En soi, la constatation de simples écritures informatiques chez un fournisseur n’établit pas de manière irréfutable l’existence d’achats en noir dans le chef de ses clients. Comment en effet donner foi à la parole d’un fraudeur, donc d’un menteur ? En soi, cela ne prouve rien.

Mais si, outre ce écritures internes, l’administration fiscale peut s’appuyer sur d’autres éléments (bons de commande, bons de livraison, témoignages de chauffeurs-livreurs …), l’affaire se corse et l’issue du litige étant alors fort aléatoire et très préoccupante sur le plan financier, il faut parfois mieux négocier une sortie honorable, y laisser quelques plumes mais éviter de se faire tondre. Il n’existe, en la matière, pas de règle générale.

La dangerosité de chaque situation doit être examinée au cas par cas.

A l’heure actuelle, on voit fleurir des contrôles portant sur des entreprises équipées de monnayeurs électroniques. La cellule E-contrôle est sur l’affaire et les conclusions de ses analyses informatiques révèlent souvent des discordances entre les recettes déclarées en caisse et les données de la machine. Mais ces analyses sont souvent contestables en raison du phasage temporel des constatations ou d’erreurs de manipulation. Ces conclusions de nature informatique n’en font pas une vérité d’évangile. Ne vous laissez donc pas faire.

Un autre cas fréquent est la constatation par l’administration fiscale de ventes comptoirs dans des entreprises fournissant les professionnels mais disposant également de magasins ouverts au public.

Thèse de l’administration fiscale : vous vendez sans établir de facture à des clients dont vous ne pouvez ignorer la qualité d’assujetti, en raison des quantités vendues (exemple 28 kg de saumon fumé …) ou des conditionnements des produits vendus (un seau de 25 Kg de mayonnaise…).

Sanction : application d’une amende TVA équivalent à 200 % de 21 % de l’intégralité du chiffre d’affaires réalisé durant les 7 dernières années.


Les enjeux sont dès lors énormes vu les volumes.

Bien qu’il faille examiner chaque situation individuellement, l’administration adopte dans ce type de cas une attitude nécessairement arbitraire, puisqu’elle établit son amende en tablant sur le fait qu’aucune vente comptoir n’aurait été opérée à l’égard d’un client non assujetti. Ce qui est obligatoirement faux et arbitraire et peut conduire à l’annulation de l’amende.

Enfin, rappelons que certains contrôleurs adoptent souvent une attitude pouvant se résumer en « votre marge bénéficiaire est trop basse, donc votre comptabilité n’est pas probante, donc je redresse votre chiffre d’affaires ». Ce qui est totalement faux. Dans un premier temps, l’administration doit établir qu’en raison de manquements internes ou externes, la comptabilité n’est pas probante, puis, une fois ce cap franchi, elle peut tenter de rectifier le chiffre d’affaires, mais pas n’importe comment.

En effet, si le principe de la remise en question du caractère probant de la comptabilité ne peut être contesté, ce qui est une affaire de circonstance, tout n’est pas perdu. Il reste encore à contester les méthodes ou les paramètres retenus par le fisc pour appuyer se rectification de chiffre d’affaires. Et là encore, s’il a fait preuve d’arbitraire, ses rectifications voleront en éclat.

Comme on le voit, entre la réalité du terrain et les aspirations de certains contrôleurs, la différence est grande.

A bon entendeur …

Cet article est publié dans le cadre du Tax Tv Show du mardi 18 juin 2024.


Mots clés

Articles recommandés

Dubaï : une destination crypto-friendly pour les investisseurs

Arizona et taxation des revenus mobiliers : analyse et perspectives

Nouvelles formalités TVA au 1/01/2025 : nombreuses et plurielles