Pour ce qui concerne les impôts directs, la nouvelle version de l’article 344, §1er du C.I.R. est applicable à partir de l’exercice d’imposition 2013, période imposable 2012.
Elle est également applicable aux actes ou ensembles d’actes juridiques posés au cours d’une période imposable clôturée au plus tôt à la date de publication au Moniteur belge de la loi programme du 29 mars 2012 introduisant cette nouvelle mouture, soit le 6 avril 2012, et se rattachant à l’exercice d’imposition 2012 [1].
La piètre qualité de cette disposition légale a fait immédiatement naître une controverse quant à son applicabilité ratione temporis.
La question était la suivante : quelle mouture, ancienne ou nouvelle, de la disposition générale anti-abus est applicable à un « ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération » dont au moins un acte a été posé au cours d’une période imposable antérieure à celle de l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure, et au moins un acte l’a été au cours d’une période où la nouvelle mesure était déjà en vigueur ?
Dans les travaux préparatoires de la nouvelle disposition le ministre des Finances soutenait que :
«lorsque l’acte juridique ou le dernier acte juridique qui fait partie d’un ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération a été posé ou est posé au cours de l’année 2012, la nouvelle disposition anti-abus peut effectivement s’appliquer» [2].
L’administration avait confirmé cette position dans la Circulaire n°3/2012 du 4 mai 2012.
La doctrine arguait que lorsqu’il était question d’un «ensemble d’actes réalisant une même opération» c’est le premier ce ces actes qui devait être pris en considération en vue de déterminer l’applicabilité dans le temps de la nouvelle ou de l’ancienne disposition générale anti-abus.
La doctrine se fondait sur le texte de la loi, lequel fait référence «aux actes ou ensembles d’actes juridiques posés au cours d’une période imposable clôturée au plus tôt à la date de publication de la présente loi au Moniteur belge et se rattachant à l’exercice d’imposition 2012» [3].
Un autre argument relevé par la doctrine se fondait sur le principe de sécurité juridique et de prévisibilité de la loi consacré à l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la C.E.D.H. Ce principe est violé dès lors que, lorsqu’il pose le premier acte de ce qui constituera plus tard un « ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération », le contribuable ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce que cette opération constitue un abus-fiscal, alors même que cette notion n’est pas encore consacrée dans un texte de loi.
Dans ses arrêts du 25 novembre 2021, la Cour de cassation se prononçait sur des recours formulés par l’administration fiscale à l’encontre d’arrêts rendus par la Cour d’appel de Gand qui avait considéré que tous les actes juridiques, en ce compris le premier, constituant l’« ensemble d’actes réalisant une même opération » devaient avoir été posés après l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition pour que celle-ci soit applicable.
La Cour de cassation énonce que «le moyen qui suppose que, pour relever du champ d'application temporel de l'article 344, § 1, CIR92, il suffit que le dernier acte juridique de l'ensemble des actes juridiques soit accompli au cours de la période imposable de l'année d'imposition 2013 ou au cours des années d'imposition suivantes, est fondé sur une opinion juridique erronée et manque donc en droit.» [4].
Elle met donc un terme définitif à cette controverse en faveur du contribuable et de la justice. Il ne reste maintenant plus qu’à trancher l’ensemble des autres questions que soulève cette disposition anti-abus… Les débats sont en cours et loin d’être terminés.
[1] Loi programme du 29 mars 2012, M.B., 6 avril 2012, art. 169.
[2] Doc. parl., Chambre, 2011-2012, n° 53-2081/016, p. 70-71.
[3] Loi programme du 29 mars 2012, M.B., 6 avril 2012, art. 169.
[4] C. Cass., 25 novembre 2021, n°F.20.0058.N.