
Pour faire simple, un carried interest est un rendement supplémentaire, attaché à certaines actions généralement détenues par les managers d’une société, afin de les intéresser à la création de valeur qui se matérialise lors de l’exit. En général, les actionnaires qui ne bénéficient pas du carried interest perçoivent un hurdle, qui a pour but de leur garantir un rendement minimal sur leur investissement.
Lorsque le carried interest est attribué à un actionnaire société (généralement une société de management), le SDA admet que :
Lorsqu’il est perçu par une personne physique, le carried est généralement considéré comme un revenu divers (imposable au taux de 33% + additionnels communaux), mais il existe des opinions divergentes. Si certains soutiennent qu’il s’agirait de revenus mobiliers (imposables à 30% sous forme de précompte mobilier), l’administration tente également de requalifier le tout au titre de revenus professionnels.
Le législateur a voulu (i) mettre fin à cette insécurité juridique persistante et (ii) stimuler l’activité des fonds en Belgique en dotant le Royaume d’un régime concurrentiel au regard de ce qui est pratiqué chez nos voisins en proposant un précompte mobilier réduit de 25%. C’est ce régime que nous synthétisons ci-dessous.
Le législateur a fait le choix d’articuler ce nouveau régime fiscal autour des notions :
Le législateur précise que ce « rendement excédentaire » imposable, doit être déterminé compte tenu de « toutes les circonstances » et des « contrats conclus avec les investisseurs lors de la création du véhicule ». A défaut de définition plus précise, le contribuable peut s’attendre à des discussions compliquées avec l’administration en cas de mécanismes de distribution en cascade complexes (auxquels les fonds de private equity ne sont pas étrangers).
Notons enfin que le législateur, parce qu’il considère que « l’octroi d’intéressements aux plus-values au moyen d’options sur actions constitue un mode d’attribution fiscalement agressif » exclut expressément de la notion d’ « intéressement aux plus-values », les revenus obtenus en lien avec des actions acquises par l’exercice d’options sur actions en application de la loi du 26 mars 1999.
Le législateur adopte clairement une approche « revenus mobiliers » pour ce nouveau régime puisqu’il prévoit expressément que « les intéressements aux plus-values reçus par un bénéficiaire d’un intéressement aux plus-values » seront qualifiés comme des revenus mobiliers.
Ils ne pourront donc plus être requalifiés en revenus professionnels, ce qui, au yeux du Conseil d’Etat, pose la question de la conformité au regard du principe d’égalité en matière fiscale, puisque seule une catégorie restreinte de contribuables en bénéficie.
Dans la mesure où la Cour constitutionnelle, soucieuse de préserver l’équilibre de notre droit fiscal constitué d’un ensemble de « niches », a une conception beaucoup plus lâche de ce principe d’égalité, on peut douter qu’il n’y ait jamais de sanction.
Ce revenu mobilier d’un nouveau genre se verra imposer à un nouveau taux distinct préférentiel de 25 %.
Le législateur justifie le niveau d’imposition choisi par une volonté (i.) d’assurer une neutralité fiscale entre les véhicules sociétaires (ceci ne tient pas compte de l’impôt de distribution vers les personnes physiques) et les personnes physiques, tout en alignant la Belgique sur les pratiques de ses voisins (e.g., l’Espagne qui soumet ce type de revenus à un taux de 27%) et (ii.) de stimuler l’activité des fonds en Belgique.
Sur le plan pratique, cet impôt sera prélevé par voie de précompte dont le redevable sera le débiteur du revenu, et ce, quelque soit la forme juridique que revêt ce débiteur (i.e., habitants du Royaume, associations, sociétés, contribuables assujettis à l’impôt des non-résidents, etc…). Des règles spécifiques sont prévues pour les « structures complexes ».
Enfin, pour éviter que les bénéficiaires ne « contournent » ce régime en logeant leurs « carried » au sein d’une société de management et par la constitution de réserves de liquidation, le législateur a décidé d’interdire la question des réserves de liquidation par les sociétés qui détiennent des carried.
Cette disposition entre en vigueur à compter de l’exercice d’imposition 2026 et ne manquera pas de créer de nombreux problèmes pour les managers concernés qui auraient déjà logé leurs carried dans leur société de management.
Rien n’est prévu, par contre, en ce qui concerne le régime du VVPR-Bis, et il serait donc a priori toujours possible de sortir les revenus tirés d’un carried interest en bénéficiant d’un taux réduit de précompte mobilier à 15%.
En définitive, ce régime « carried » ne profite qu’aux gestionnaires de fonds qui devront revoir la structure de détention de leurs actions carried. Cela ne concerne que ces derniers et laissera indifférent l’immense majorité des contribuables.
Sous couvert de simplification et d’attractivité, le législateur a donc créé une nouvelle niche fiscale. Les vieux réflexes ont la vie dure.

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