Dans le présent avis, la Commission précise le traitement comptable à adopter par une association ou fondation lorsqu’elle reçoit un legs en duo.
Le legs en duo est une disposition testamentaire qui consiste à répartir une succession entre les héritiers (généralement de la famille éloignée) ou un tiers, et un autre bénéficiaire (généralement un organisme caritatif), celui-ci devant prendre les droits de succession à sa charge. Le succès des legs en duo s’explique par la différence - souvent considérable - entre les taux de taxation en droits de succession appliqués aux héritiers éloignés ou sans lien de parenté, et ceux appliqués aux œuvres caritatives.
Dans le cas d'un legs en duo classique, la succession revient intégralement à l’œuvre caritative en tant que légataire universel, qui est tenue :
Le legs en duo classique implique que l'œuvre caritative, désignée comme légataire universel, soit notamment tenue d'introduire la déclaration de succession et soit responsable de la gestion et de la liquidation de la succession, en l’espèce le versement du montant repris comme charge. En vue de contrer les désavantages que représentent les tâches et responsabilités incombant à l'œuvre caritative en tant que légataire universel, la technique du legs en duo inversé a été développée. Dans le cas d'un legs en duo inversé, l'héritier éloigné ou sans lien de parenté est désigné en tant que légataire universel et c'est à lui que revient l'obligation (la charge) de verser le montant déterminé ou déterminable à l'œuvre caritative concernée, laquelle doit dès lors payer la totalité des droits de succession.
Les associations et fondations qui tiennent une comptabilité simplifiée au sens des articles 17, § 2, 37, § 2, ou 57, § 2 de la loi ASBL doivent inscrire les mouvements des disponibilités en espèces ou en comptes comme prévu à l’AR du 26 juin 2003 (II) relatif à la comptabilité simplifiée de certaines associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations (ci-après : AR du 26 juin 2003) dans un journal unique selon un modèle bien défini3.
Les sommes reçues à titre de legs en duo par une petite association ou fondation doivent être inscrites sous les Recettes et font partie de la totalité des Dons et legs dans le schéma minimum normalisé de l'état des recettes et dépenses4.
Les coûts et les charges découlant d'un legs en duo et représentant une dépense à charge de l’association ou de la fondation doivent être inscrits sous les Dépenses et font partie de la totalité des Autres dépenses dans le schéma minimum normalisé de l'état des recettes et dépenses5. Les droits de succession et les autres frais6 dont l’association ou la fondation s’acquitte en tant que légataire font partie de ces coûts et charges. Si ceux-ci n’entraînent pas de dépense pour l’association ou la fondation, par exemple car ils sont réglés par le notaire, aucune inscription comptable n’est nécessaire. Lorsque, dans le cadre d'un legs en duo, des charges ont été imposées à l'association ou fondation mais n'ont pas été acquittées avant la date d'inventaire, celles-ci doivent être reprises dans l'inventaire sous les engagements.
Lorsqu'une association ou fondation reçoit un legs en duo sous une autre forme qu’en numéraire, ces recettes ne sont pas inscrites dans le journal susmentionné. En effet, celles-ci ne constituent pas des mouvements de disponibilités en espèces ou en comptes comme prévu à l’article 2 de l’AR du 26 juin 2003. L’association ou fondation étant tenue d’établir un inventaire complet de ses avoirs et droits de toute nature, de ses dettes, obligations et engagements de toute nature à la date d'inventaire – dans le cadre duquel l’organe de gestion détermine les règles qui, compte tenu des caractéristiques propres à l’association ou à la fondation, président aux évaluations – les legs en duo reçus en nature doivent être inclus dans l'inventaire.
Les coûts et les charges en numéraire découlant d'un legs en duo et représentant une dépense à charge de l’association ou de la fondation doivent être inscrits sous les Dépenses et font partie de la totalité des Autres dépenses dans le schéma minimum normalisé de l'état des recettes et dépenses7. Comme indiqué précédemment, les droits de succession et les autres frais dont l’association ou la fondation s’acquitte en tant que légataire font partie de ces coûts et charges. Si ces coûts ou charges n’entraînent pas de dépense pour l’association ou la fondation, par exemple car ils ont été réglés par le notaire ou déduits du legs universel, aucune inscription comptable n’est nécessaire.
Lorsque, dans le cadre d'un legs en duo, des charges ont été imposées à l'association ou fondation mais n'ont pas été acquittées avant la date d'inventaire, celles-ci doivent être reprises dans l'inventaire.
L’arrêté royal du 19 décembre 2003 relatif aux obligations comptables et à la publicité des comptes annuels de certaines associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations (ci-après : AR du 19 décembre 2003), renvoie largement aux dispositions de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés (ci-après : AR C.Soc.) en ce qui concerne les critères d'évaluation et d’inventaire à adopter par les associations et fondations, et ce moyennant les adaptations et aux conditions prévues par l’AR.8
Un legs reçu doit être comptabilisé soit en moyens permanents s’il conduit à augmenter de manière permanente les fonds de l’association ou de la fondation, soit en compte de résultats s'il consiste en une activité courante de l’association ou de la fondation9, et ce au cours de l'année pendant laquelle le legs tombe dans le patrimoine de l’association ou de la fondation.
Compte tenu de l’interdiction de compensation10, l’association ou la fondation est tenue stricto sensu de comptabiliser le montant brut des legs qu’elle reçoit. Les charges qui lui incombent - notamment le paiement des droits de succession des autres héritiers et le versement des legs aux légataires particuliers - doivent alors être comptabilisées en tant que charge au cours de l'année pendant laquelle le legs tombe dans le patrimoine de l’association ou de la fondation.
Si l’ASBL ou l’association :
il n’existe aucune règle dérogatoire à l'égard des règles applicables aux entreprises relevant du champ d'application de l’AR du 30 janvier 2001.
Les droits et engagements découlant de la réception du legs en duo doivent être repris de manière appropriée dans les comptes annuels. En d’autres termes, les montants légués dans l'optique d'une augmentation permanente des fonds de l’association ou de la fondation doivent être enregistrés en tant que moyens permanents. Les autres montants reçus doivent être inscrits au compte 73 Cotisations, dons, legs et subsides. A cet égard, il va de soi que les fonds nécessaires à l’association ou à la fondation pour supporter les charges qui lui sont imputées, ainsi que la contre-valeur des droits de succession de l’association ou de la fondation, ne peuvent être enregistrés en tant que moyens permanents.
Exemple
Une personne physique décède et laisse pour unique héritage une somme de 500.000 euros sur son compte en banque. Cette personne n'a pas d’enfants et a pour seule héritière légale sa sœur. Le défunt a désigné en tant que légataire universel une ASBL caritative, qui est tenue de verser à la sœur un montant de 75.000 euros et de payer les droits de succession de celle-ci, d'un montant de 22.500 euros. Outre les droits de succession de la sœur, l’ASBL doit également régler ses propres droits de succession, d'un montant de 36.125 euros. Le défunt visait, par ce legs en duo, une augmentation permanente des fonds de l’ASBL.
Ecritures comptables
Dans l’AR du 19 décembre 2003, il est largement fait référence aux dispositions de l’AR C.Soc. en ce qui concerne les critères d'évaluation et d’inventaire à adopter par les associations et fondations, et ce moyennant les adaptations et aux conditions prévues par l’AR.11
Les règles spécifiques concernant l'évaluation des dons et legs en nature représentent l'une des modifications les plus substantielles des principes de l’AR C.Soc. concernant les règles applicables aux ASBL.
L’ASBL évalue à leur valeur de marché ou, à défaut, à leur valeur d'usage les biens qui lui sont donnés ou légués et qu'elle affecte à son activité et les biens mis gratuitement à sa disposition et dont elle peut faire usage à titre onéreux.12 A cet égard, la Commission fait remarquer qu'à la différence de ce qui est applicable aux sociétés soumises à l’AR C.Soc., la valeur comptable n’est pas augmentée des frais accessoires engagés pour obtenir ces biens.
La Commission rappelle que toute évaluation doit se faire dans le respect des principes de prudence, de sincérité et de bonne foi.
Les biens légués dans l'optique d'une augmentation permanente des fonds de l’association ou de la fondation doivent être enregistrés en tant que moyens permanents. La Commission estime que le montant de la contre-valeur des charges découlant du legs en duo à porter par l’association ou la fondation, ainsi que les droits de succession dus, ne peuvent être enregistrés en tant que moyens permanents. En effet, le montant de cette contre-valeur ne peut avoir pour objectif une augmentation permanente des fonds de l’association ou de la fondation.
Exemple
Une personne physique décède et laisse pour unique héritage un bien immeuble non bâti. Cette personne n'a pas d’enfants et a pour seule héritière légale sa sœur. Le défunt a désigné en tant que légataire universel une ASBL caritative, qui est tenue de verser à la sœur un montant de 75.000 euros en espèces et de payer les droits de succession de celle-ci, d'un montant de 22.500 euros. Outre les droits de succession de la sœur, l’ASBL doit également régler ses propres droits de succession, d'un montant de 36.125 euros. Le défunt visait, par ce legs en duo, une augmentation permanente des fonds de l’ASBL. Le terrain, que l’ASBL affectera à ses activités, présente une valeur de marché de 500.000 euros.
Ecritures comptables
1.Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 20 juin 2018 sur le site de la CNC.
2.Sont concernées les associations visées à l’article 17, § 2 de la loi ASBL, les fondations visées à l’article 37, § 2 de la loi ASBL ainsi que les associations internationales visées à l'article 53, § 2 de la loi ASBL (qui n’adoptent pas sur base volontaire les obligations comptables dont il est question, respectivement, aux articles 17, § 3, 37, § 3 et 53, § 3 de la loi ASBL).
3.Annexe A de l'arrêté royal du 26 juin 2003.
4.Annexe B de l’arrêté royal du 26 juin 2003 (II).
5.Annexe B de l’arrêté royal du 26 juin 2003 (II).
6.Relèvent notamment de ces frais, les charges que l’association ou la fondation doit verser à la famille éloignée ou au tiers, en tant que légataire universel.
7.Annexe B de l’arrêté royal du 26 juin 2003.
8.Article 6, AR du 19 décembre 2003.
9.Il revient plus particulièrement à l’organe d’administration de fixer les règles qui permettent de distinguer les différentes formes d’octrois dont l’association ou la fondation bénéficie. Lors de cette évaluation, l’organe d’administration doit tenir compte de l'objectif des octrois plutôt que de leur affectation effective. En règle générale, ces deux éléments coïncideront dans la pratique. Voir également l’avis CNC 2010/16 - Traitement comptable des subsides, dons et legs, octroyés en espèces, dans les comptes annuels des grandes et très grandes associations et fondations bénéficiaires et l’avis CNC 2013/2 - L'emploi du compte 15 Subsides en capital par les grandes et très grandes associations et fondations.
10.Article 25, § 2, AR C.Soc.
11.Article 6 de l'AR du 19 décembre 2003.
12.Article 8, § 1er de l’AR du 19 décembre 2003.