L' Administration générale de la Fiscalité – Impôt des sociétés a publié ce 09/06/2020 la circulaire 2020/C/79.
Cette circulaire commente l’art. 185/2, CIR 92, relatif à l’imposition des bénéfices non distribués d’une société étrangère contrôlée ou d’un établissement étranger sous certaines conditions.
I. Introduction
II. Dispositions légales
III. Controlled Foreign Companies (CFC)
1.1. Condition de participation
1.2. Condition de taxation
2. Existence d’un (de) montage(s) non-authentique(s)
3. Bénéfices imposables
3.1. Bénéfices non distribués
3.2. Approche transactionnelle
3.3. Nature des bénéfices ajoutés à la base imposable
3.4. Absence d’imputation de l’impôt étranger
3.5. Absence de prorata en fonction de la participation
1. Etablissements visés
2. Existence d’un (de) montage(s) non-authentique(s)
3. Bénéfices imposables
V. Prévention de la double imposition
VI. Déclaration
VII. Entrée en vigueur
1. La présente circulaire vise à commenter la transposition en droit belge des art. 7 et 8 de l’ATAD (1). Ces dispositions prévoient l’imposition des bénéfices de « Controlled Foreign Companies » (CFC ou sociétés étrangères contrôlées).
(1) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12.07.2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, dite « Anti Tax Avoidance Directive » (ci-après, « ATAD »).
2. Ladite transposition est réalisée via l’insertion d’un art. 185/2, CIR 92, ainsi que par la modification de l’art. 202, § 1er, CIR 92. L’art. 185/2, CIR 92, est inséré par l’art. 20, L 25.12.2017 (2) tel que remplacé par l’art. 24, L 30.07.2018 (3). L’art. 202, § 1er, CIR 92, est modifié par l’art. 44, L 25.12.2017, tel que modifié par l’art. 30, L 30.07.2018.
(2) Loi du 25.12.2017 portant réforme de l’impôt des sociétés, MB 29.12.2017, et errata, MB 26.03.2019 (ci-après L 25.12.2017).
(3) Loi du 30.07.2018 portant des dispositions diverses en matière d’impôts sur les revenus, MB 10.08.2018 (ci-après L 30.07.2018).
3. L’art. 185/2, CIR 92, prévoit, sous certaines conditions, l’imposition dans le chef d’une société résidente de bénéfices non distribués acquis par une société étrangère ou de bénéfices réalisés via un établissement étranger dont les bénéfices sont exonérés en Belgique ou dont le taux d’ISoc est réduit en vertu d’une convention préventive de double imposition (ci-après, CPDI).
4. L’art. 202, § 1er, al. 1er, 4° et 5° et al. 2, CIR 92, vise à éviter une double imposition dans le chef de la société résidente à l’occasion de la distribution d’un dividende par une CFC ou de la réalisation d’une plus-value non-exonérée sur les actions ou parts de celle-ci.
5. En outre, une nouvelle obligation de déclaration relative à l’existence d’une CFC ou d’un établissement étranger est introduite à l’art. 307, § 1er/2, al. 5 à 7, CIR 92.
6. Ci-après les dispositions commentées.
Art. 20 (4)
Dans le titre III, chapitre II, section II, du même Code, un article 185/2 est inséré, rédigé comme suit :
« Art. 185/2. § 1er. Sans préjudice de l'application de l'article 185, § 2, a, les bénéfices comprennent également les bénéfices non distribués de la société étrangère définie au paragraphe 2, alinéa 1er, provenant d'un montage ou d'une série de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d'obtenir un avantage fiscal.
Les bénéfices de la société étrangère visée à l'alinéa 1er entrent en ligne de compte à l'exception des montants qui ne sont pas générés par des actifs et des risques qui sont liés aux fonctions-clés exercées par le contribuable.
Pour l'application du présent article, il faut entendre par « bénéfices non distribués » ceux qui sont acquis par une société étrangère définie au paragraphe 2, dans une période imposable qui se clôture au cours de la période imposable du contribuable et qui ne sont pas distribués dans ladite période imposable au contribuable ou à une autre société résidente.
§ 2. Les bénéfices non distribués d'une société étrangère ne peuvent être compris dans les bénéfices du contribuable que si :
- le contribuable soit détient, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote se rattachant au total des actions ou parts de cette société étrangère, soit détient, directement ou indirectement, une participation à hauteur d'au moins 50 p.c. du capital de cette société, soit possède les droits d'au moins 50 p.c. des bénéfices de cette société ; et si
- la société étrangère en vertu des dispositions de la législation de l'Etat ou de la juridiction où elle est établie, soit, n'y est pas soumise à un impôt sur les revenus, soit, y est soumise à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de la moitié de l'impôt des sociétés qui serait dû si cette société étrangère était établie en Belgique.
Pour le calcul de l'impôt des sociétés, visé à l'alinéa 1er, deuxième tiret, qui serait dû si cette société étrangère était établie en Belgique, il n'est pas tenu compte du résultat de cette société étrangère réalisé par le biais d'un ou de plusieurs établissements étrangers de cette société étrangère dont les bénéfices sont exonérés en application d'une convention préventive de la double imposition conclue entre le pays ou la juridiction dans laquelle cette société étrangère est établie et le pays ou la juridiction dans laquelle cet établissement étranger est situé.
§ 3. Dans le cas où le contribuable détient un établissement étranger visé à l'alinéa 2 dont les bénéfices sont exonérés en Belgique ou réduits en vertu d'une convention préventive de double imposition, les bénéfices qui proviennent d'un montage ou d'une série de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d'obtenir un avantage fiscal ne sont pas attribués à l'établissement étranger.
Le présent paragraphe n'est applicable qu'aux établissements étrangers qui en vertu des dispositions de la législation de l'Etat ou de la juridiction où ils sont situés, soit, n'y sont pas soumis à un impôt sur les revenus, soit, y sont soumis à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de la moitié de l'impôt des sociétés supplémentaire qui serait dû par le contribuable si ces établissements étaient situés en Belgique.
§ 4. Pour l'application du présent article, un montage ou une série de montages sont considérés comme non authentiques dans la mesure où la société étrangère décrite au paragraphe 2 ou l'établissement étranger décrit au paragraphe 3, ne posséderait pas les actifs ni n'aurait pas pris les risques qui sont la source de tout ou partie de ses revenus si cette société ou cet établissement n'était pas contrôlé par le contribuable où les fonctions importantes liées à ces actifs et risques sont assurées et jouent un rôle essentiel dans la création des revenus de la société étrangère ou de l'établissement étranger concerné. »
(4) Voir art. 20, L 25.12.2017, tel que remplacé par l’art. 24, L 30.07.2018.
Art. 44 (5)
A l'article 202, § 1er, du même Code, modifié par les lois du 28.07.1992 et 22.03.1995 et modifié par l'arrêté royal du 20.12.1996, les modifications suivantes sont apportées :
1° le 4° et le 5° sont abrogés ;
2° le 4° et le 5° sont rétablis comme suit :
« 4° les bénéfices qui sont distribués par une société étrangère visée à l'article 185/2, § 2, pour autant que et dans la mesure où le contribuable a démontré que ces bénéfices ont déjà été imposés en application de l'article 185/2 comme bénéfices non distribués dans une période imposable antérieure dans le chef de la société résidente ;
5° la plus-value non exonérée sur actions ou parts d'une société étrangère, pour autant que et dans la mesure où le contribuable a démontré que les bénéfices de cette société étrangère ont été imposés en application de l'article 185/2 comme bénéfices non distribués dans une période imposable antérieure dans le chef de la société résidente, et que ces bénéfices n'avaient pas encore été distribués antérieurement et qu'ils existaient encore sur un compte du passif au moment de l'aliénation de ces actions ou parts ; »
3° le paragraphe est complété par un alinéa, rédigé comme suit :
« Pour l'application de l'alinéa 1er, 4° et 5°, les bénéfices de la société étrangère qui ont été imposés, conformément à l'article 185/2, dans le chef de la société résidente sont censés être distribués en premier. »
(5) Voir art. 44, L 25.12.2017, tel que modifié par l’art. 30, L 30.07.2018.
Art. 73/1 (6)
L'article 307, § 1er/2, du même Code, inséré par la loi du 25.12.2017, est complété par trois alinéas, rédigés comme suit :
« Les contribuables assujettis à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents conformément à l'article 227, 2°, sont également tenus de déclarer :
- l'existence d'une société étrangère visée à l'article 185/2, § 1er, dont les bénéfices sont imposés en tout ou en partie dans le chef du contribuable ;
- l'existence d'un établissement étranger visé à l'article 185/2, § 3, dont les bénéfices ne sont pas attribués en tout ou en partie à cet établissement étranger.
Dans le cas où l'existence d'une société étrangère visée à l'article 185/2, § 1er, est mentionnée dans la déclaration, la dénomination complète, la forme juridique, l'adresse et le cas échéant le numéro d'identification de cette société étrangère sont également mentionnés.
Dans le cas où l'existence d'un établissement étranger visé à l'article 185/2, § 3, est mentionné dans la déclaration, l'adresse et le cas échéant le numéro d'identification de cet établissement étranger sont également mentionnés. »
(6) Voir art. 73/1, L 25.12.2017, tel qu’inséré par l’art. 37, L 30.07.2018.
7. L’art. 185/2, CIR 92, est applicable lorsque des bénéfices sont réalisés par une société étrangère qui répond à une double condition de participation (point 1.1.) et de taxation (point 1.2.). Ces deux conditions sont cumulatives.
8. Sont visées les sociétés étrangères dont le contribuable, société résidente (art. 185/2, § 2, al. 1er, 1er tiret, CIR 92) :
- soit détient, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote se rattachant au total des actions ou parts de la société étrangère ;
- soit détient, directement ou indirectement, une participation à hauteur d’au moins 50 % du capital de cette société ;
- soit possède les droits d’au moins 50 % des bénéfices de cette société.
9. La condition de taxation est remplie lorsque la société étrangère, en vertu de la législation de l’Etat ou de la juridiction où elle est établie (art. 185/2, § 2, al. 1er, deuxième tiret, CIR 92) :
- soit n’y est pas soumise à un impôt sur les revenus ;
- soit y est soumise à un impôt sur les revenus qui s’élève à moins de la moitié de l’impôt des sociétés qui serait dû si cette société étrangère était établie en Belgique.
10. En ce qui concerne le second tiret, il s’agit donc d’établir l’impôt des sociétés de la société étrangère en lui appliquant les règles qui sont d’application dans le CIR 92, comme si cette société était située en Belgique (7).
(7) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 18.
11. En pratique, l’impôt effectivement supporté par la société étrangère dans son Etat ou sa juridiction de résidence doit être comparé avec l’impôt qui aurait été réellement dû si la société s’était trouvée en Belgique.
12. A cet égard, dans le cadre du calcul de l’impôt qui aurait été dû en Belgique, il n’est pas tenu compte du résultat de la société étrangère qui a été réalisé par le biais d’un ou plusieurs établissements étrangers de cette société. Cette exclusion s’applique pour autant que les bénéfices des établissements concernés soient exonérés en vertu d’une CPDI conclue entre l’Etat de résidence de la société et l’Etat où est situé son établissement étranger (art. 185/2, § 2, al. 2, CIR 92).
13. Les bénéfices visés par la mesure CFC doivent trouver leur origine dans un montage ou une série de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal (art. 185/2, § 1er, al. 1er, CIR 92).
14. Les termes « non authentique » reçoivent une signification particulière dans le cadre de la disposition CFC, qui se distingue notamment de leur signification dans le cadre de la déduction RDT (art. 203, § 1er, 7° et § 2, al. 9, CIR 92).
15. Un montage n’est pas authentique dans la mesure où la société étrangère ne posséderait pas les actifs, ni n’aurait pas pris les risques qui sont la source de tout ou partie de ses revenus si cette société n’était pas contrôlée par le contribuable (société résidente), assurant en réalité les fonctions importantes liées à ces actifs et risques, alors que ces fonctions jouent un rôle essentiel dans la création des revenus de la société étrangère.
16. En d’autres termes, un montage non authentique peut se déterminer dans deux situations (8).
(8) Voir en ce sens doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 19.
La première situation est celle dans laquelle des actifs sont identifiés comme étant la propriété de la société étrangère, alors que les décisions stratégiques les concernant sont prises par la société résidente ou par des personnes employées par celle-ci.
La seconde situation est celle dans laquelle des risques sont identifiés comme étant supportés par la société étrangère, alors que les décisions stratégiques relatives à ces risques sont prises par la société résidente ou par des personnes employées par celle-ci.
17. La première situation ci-dessus se présente, par exemple, dans le cas d’un transfert de droits de propriété intellectuelle d’un programme informatique développé au sein d’une société résidente vers une société étrangère située dans un paradis fiscal.
En ce que le programme informatique est encore régulièrement mis à jour par les travailleurs de la société résidente, les fonctions-clés relatives au programme sont exécutées par cette dernière.
En conséquence, les bénéfices retirés par la société étrangère suite à la vente ou à la location de licences pour l’utilisation de ce programme, sont imposables en Belgique dans le chef de la société résidente (9).
(9) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 19.
18. Un tel montage (ou série de montages) doit également avoir été mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal. La notion d’« avantage » doit se comprendre au sens le plus large. Est visé tout avantage, de quelque nature qu’il soit.
19. La charge de la preuve de l’existence du montage ou de la série de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal, incombe à l’administration qui devra démontrer que les situations reprises ci-dessus sont bien rencontrées. Elle dispose pour ce faire de tous les moyens de preuve, notamment ceux prévus à l’art. 340, CIR 92. Il appartient bien entendu au contribuable de faire valoir tous les éléments qu’il jugera nécessaires pour en apporter la preuve contraire.
20. Sont compris dans les bénéfices de la société résidente les bénéfices non distribués d’une CFC provenant d’un montage non-authentique tel que défini ci-dessus (point III.2.).
21. Néanmoins, l’application de l’art. 185/2, CIR 92, ne peut porter préjudice à l’application de l’art. 185, § 2, a), CIR 92. En d’autres termes, l’application de la règle de prix de transfert visée à l’art. 185, § 2, a), CIR 92, a priorité sur l’application de la disposition CFC (10).
(10) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 18.
Il est entendu que, le cas échéant, les revenus attribués en vertu de la règle de prix de transfert à une CFC peuvent encore être soumis aux règles applicables aux CFC.
22. Les bénéfices visés sont les bénéfices non distribués au sens du dispositif CFC, c’est-à-dire les bénéfices qui (art. 185/2, § 1er, al. 3, CIR 92) :
- sont acquis par une société étrangère contrôlée (telle que définie ci-dessus, point III.1.) dans une période imposable qui se clôture au cours de la période imposable du contribuable (la société résidente) (11), et
- ne sont pas distribués dans ladite période imposable au contribuable ou à une autre société résidente.
(11) Si les deux sociétés clôturent à la même date, la société étrangère est censée avoir clôturé au cours de la période imposable de la société résidente.
23. Seuls ces bénéfices non distribués sont compris dans la base imposable de la société résidente (art. 185/2, § 1er, al. 1er, CIR 92). Les pertes éprouvées par la société étrangère ne peuvent dès lors pas être imputées sur les bénéfices de la société résidente. En d’autres termes, la base imposable de la société résidente après l’application de la disposition CFC, ne peut jamais être inférieure à celle précédant l’application de cette disposition.
24. L’utilisation du terme « bénéfices » sans autre référence indique que sont visés tous les revenus dont la détermination s’opère selon les règles ordinaires du droit belge, c’est-à-dire entre autres suivant les art. 24 à 26 et 183, CIR 92.
25. Il ressort notamment de ce qui précède que les pertes reportées de la société étrangère (dont elle doit prouver l’existence) peuvent être imputées sur ses bénéfices non distribués à ajouter à la base imposable de la société résidente.
26. Le bénéfice est distribué dès qu’il est réparti entre les actionnaires au titre de rémunération du capital (dividende quels qu’en soient la nature et le mode d’octroi). Cette distribution du bénéfice entre les actionnaires fait l’objet d’une assemblée générale (AG).
Le fait que la décision de distribution de l’AG et l’attribution ou la mise en paiement de cette rémunération du capital aient lieu l’année qui suit celle au cours de laquelle les bénéfices ont été réalisés par la CFC, n’a pas pour effet de les qualifier de bénéfices non distribués pour la période imposable au cours de laquelle ils ont été réalisés.
La société résidente qui reçoit ces dividendes ne peut jamais invoquer la déduction visée au n° 50.
27. Sont exclus des bénéfices non distribués à ajouter à la base imposable de la société résidente, les montants qui sont générés par des actifs et des risques qui ne sont pas liés aux fonctions-clés exercées par cette société résidente (art. 185/2, § 1er, al. 2, CIR 92).
28. En d’autres termes, sont seuls visés par la disposition CFC les bénéfices non distribués qui trouvent leur origine dans des actifs ou des risques qui sont attribués, grâce à un montage non authentique (voir point III.2.), à la société étrangère tandis que les fonctions-clés relatives à ces actifs ou risques sont exercées par la société résidente.
29. Par exemple, dans le cas d’un programme informatique dont l’entretien et la mise à jour sont réalisés par une société résidente alors que les revenus relatifs à ce programme (redevances, prix de vente, …) sont affectés à la société étrangère au sens de l’art. 185/2, § 4, CIR 92 (voir n° 17), les bénéfices directs et indirects relatifs à ce programme doivent être ajoutés à la base imposable de cette société résidente. Par bénéfices indirects, on entend notamment le produit des placements qui correspondent aux réserves accumulées suite à la mise en place du montage non-authentique.
30. A cet égard, pour déterminer cette part de bénéfice, il peut utilement être fait référence à l’ « authorised OECD approach » que l’OCDE utilise pour la répartition du bénéfice entre le siège principal et l’établissement stable, et qui est expliquée plus en détail dans les différents rapports (12).
(12) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 19.
31. Il est donc opté dans ce cadre pour une approche dite transactionnelle. Une telle approche examine la nature de chaque flux de revenus pour déterminer si ceux-ci sont, ou non, susceptibles d’être ajoutés à la base imposable de la société résidente en application de l’art. 185/2, § 1er, CIR 92.
32. En ce que la disposition CFC n’instaure aucune transparence fiscale (13), les bénéfices non distribués compris dans la base imposable de la société résidente présentent dans son chef une nature « sui generis ». Ces bénéfices seront donc soumis à l’ISoc sans avoir égard à la nature ou à l’origine de ces revenus dans le chef de la CFC.
(13) Celle-ci est uniquement prise en compte pour vérifier la condition de taxation (voir n° 9).
Ainsi, par exemple, le régime de la déduction RDT (art. 202 à 205, CIR 92) n’est pas applicable dans le chef de la société résidente en ce qui concerne la partie des bénéfices non distribués compris dans sa base imposable et provenant d’un dividende reçu par la CFC (14).
(14) Cet exemple n’est pas à confondre avec la situation selon laquelle la société résidente reçoit un dividende distribué par la CFC (voir n°s 48 et s.).
33. Dans la déclaration à l’ISoc du contribuable, le montant devant être ajouté à la base imposable sera mentionné dans le cadre relatif aux « dépenses non-admises ».
34. Afin de préserver la base imposable de l’ISoc, aucune imputation de l’impôt payé par la société étrangère n’est permise.
En effet, la disposition CFC vise à contrer le glissement artificiel d’actifs et de bénéfices vers des Etats à faible taux d’imposition et il n’est donc pas souhaitable de compenser les coûts qui accompagnent ce glissement artificiel (15).
(15) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 21.
35. La reprise des bénéfices non distribués de la société étrangère dans la base imposable de la société résidente, au prorata de la participation de cette dernière dans la société étrangère, n’est pas permise.
En effet, la disposition CFC ne vise que les montages non authentiques, dans lesquels un glissement artificiel d’actifs et de bénéfices a lieu, et dont les décisions stratégiques relatives aux actifs et risques sont prises en Belgique (16). Ainsi, l’approche transactionnelle (voir n°s 27 et s.) ne permet d’imposer que les bénéfices générés par des actifs et des risques liés aux fonctions clés exercées en Belgique (art. 185/2, § 1er, al. 2, CIR 92), ce qui rend l’application d’un prorata non-pertinente.
(16) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 21.
36. Suite à l’adoption de la L 30.07.2018, le législateur a décidé d’inclure les établissements situés à l’étranger dans le champ d’application de la disposition CFC introduite à l’art. 185/2, CIR 92.
37. Il ne peut être exclu que l’application de cette disposition à un établissement entre en conflit avec une CPDI conclue entre la Belgique et l’Etat où se situe ledit établissement (17).
(17) Cependant, le nombre de conflits devrait être limité car l’approche prévue par le modèle OCDE de CPDI et ses commentaires, qui évoquent la manière dont sont imputés les bénéfices aux établissements stables, est à l’origine de l’option consistant à examiner si les bénéfices de l’établissement étranger proviennent d’un montage non authentique mis en œuvre essentiellement dans un but fiscal (voir en ce sens doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 17).
38. En cas de conflit entre la disposition CFC et une CPDI, une distinction doit être faite entre, d’une part, le cas où l’autre Etat est un membre de l’Union Européenne (UE), et d’autre part, le cas où il ne l’est pas.
Dans le premier cas, l’ATAD, adoptée à l’unanimité par les Etats membres de l’UE, prime sur les ordres juridiques de ces Etats, dont fait partie la CPDI applicable entre deux Etats membres de l’UE.
Au contraire, dans le second cas, la CPDI prime de sorte qu’il faut vérifier au cas par cas si la disposition CFC peut être appliquée tout en respectant la CPDI en cause (18).
(18) Voir en ce sens doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, pp. 17 et 18.
39. Sont visés les établissements étrangers dont les bénéfices sont exonérés en Belgique ou dont le taux d’ISoc est réduit en vertu d’une CPDI (art. 185/2, § 3, al. 1er, CIR 92).
40. En outre, pour être visé par la disposition CFC, un établissement étranger doit répondre à une condition de taxation (art. 185/2, § 3, al. 2, CIR 92).
Dès lors, est visé un établissement lorsque, en vertu de la législation de l’Etat ou de la juridiction où il se situe :
- soit il n’y est pas soumis à un impôt sur les revenus ;
- soit il y est soumis à un impôt sur les revenus qui s’élève à moins de la moitié de l’impôt des sociétés supplémentaire qui serait dû par la société résidente si l’établissement était situé en Belgique.
41. Le second tiret implique donc d’effectuer une comparaison entre :
- d’une part, l’impôt effectivement supporté par l’établissement étranger dans l’État ou la juridiction où il se situe et,
- d’autre part, l’impôt supplémentaire qui aurait été réellement dû par la société résidente en Belgique si l’établissement était situé en Belgique.
42. Pour le surplus, les considérations relatives à la condition de taxation des CFC sont, mutatis mutandis, applicables aux établissements étrangers visés par cette disposition (voir point III.1.2.).
43. Sont imposables dans le chef de la société résidente les revenus d’un établissement étranger qui proviennent d’un montage ou d’une série de montages non authentiques (art. 185/2, § 3, al. 1er, CIR 92).
44. A cet égard, l’ensemble des considérations développées au point III.2. sont applicables, mutatis mutandis, aux établissements étrangers visés par cette disposition.
45. En vertu de l’art. 185/2, § 3, al. 1er, CIR 92, les bénéfices de l’établissement étranger qui proviennent d’un montage ou d’une série de montages non authentiques mis en place en vue d’obtenir un avantage fiscal ne sont pas attribués à cet établissement. En d’autres termes, ils sont attribués à la société résidente qui voit donc sa base imposable augmenter de ces bénéfices.
46. Les considérations relatives au calcul de ce bénéfice (notamment le traitement des pertes, l’approche transactionnelle et l’impossibilité d’imputer l’impôt étranger) développées dans le point III.3. sont applicables, mutatis mutandis, au calcul du bénéfice à attribuer à la société résidente en application de cette disposition.
47. Dans la déclaration à l’ISoc du contribuable, les bénéfices réalisés dans un établissement étranger, qui sont exonérés en Belgique ou pour lesquels le taux de l’ISoc est réduit en vertu d’une CPDI, doivent être ajoutés à la base imposable de la manière suivante :
- en ce qui concerne les bénéfices exonérés par convention, ceux-ci sont soustraits du « résultat subsistant exonéré par convention » et ajoutés au « résultat subsistant belge » ;
- en ce qui concerne les bénéfices pour lesquels le taux de l’ISoc est réduit par convention, ceux-ci sont soustraits du « résultat subsistant non exonéré par convention » et ajoutés au « résultat subsistant belge ».
48. La législation CFC, spécialement complexe, occasionne de nombreux risques de double imposition dans différents pays et peut donc constituer de la sorte un important frein au commerce international et désavantager la Belgique en tant que pays d’investissement (19).
(19) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017 – 2018, DOC 54 3147/001, p. 20.
Pour éviter la double imposition éventuelle, des déductions de revenus définitivement taxés (RDT) complémentaires sont prévues par le législateur.
49. A cet effet, l’art. 44, L 25.12.2017, modifie l’art. 202, § 1er, CIR 92 et permet deux nouvelles possibilités de déduction de RDT.
50. D’une part, l’art. 202, § 1er, al. 1er, 4°, CIR 92, permet la déduction des dividendes distribués par une société étrangère visée par la disposition CFC pour autant et dans la mesure où la société résidente démontre que les bénéfices distribués ont déjà été ajoutés au cours d’une période imposable antérieure à sa base imposable en application de l’art. 185/2, CIR 92.
51. D’autre part, l’art. 202, § 1er, al. 1er, 5°, CIR 92, permet la déduction de la plus-value réalisée à l’occasion de l’aliénation d’actions ou parts de la CFC, pour autant et dans la mesure où cette plus-value provient de bénéfices qui :
- ont été imposés antérieurement au titre de bénéfices non distribués dans le chef de la société résidente en application de l’art. 185/2, CIR 92 ;
- n’avaient pas encore été distribués antérieurement, et
- étaient repris sur un compte du passif au moment de l’aliénation.
Une telle déduction RDT n’est en outre possible qu’en cas de plus-value non exonérée par ailleurs, notamment en application de l’art. 192, CIR 92.
52. Les conditions de détention, de participation et de taxation prévues par les art. 202, § 2, et 203, CIR 92, ne sont pas requises dans le cadre de ces deux déductions.
53. Pour l’application de l’art. 202, § 1er, al. 1er, 4° et 5°, CIR 92, les bénéfices de la société étrangère qui ont été imposés, conformément à l’art. 185/2, CIR 92, dans le chef de la société résidente sont censés être distribués en premier (art. 202, § 1er, al. 2, CIR 92). De cette manière, la double imposition des revenus concernés dans le chef de la société résidente est évitée au plus tôt.
54. Ces deux déductions RDT ne sont pas reportables sur les exercices d’imposition ultérieurs.
55. Une nouvelle obligation de déclaration relative à l’existence d’une CFC est introduite à l’art. 307, § 1er/2, al. 5 à 7, CIR 92, par l’art. 73/1, L 25.12.2017, tel qu’inséré par l’art. 37, L 30.07.2018. Cette obligation pèse sur les assujettis à l’ISoc et ceux assujettis à l’INR/Soc conformément à l’art. 227, 2°, CIR 92 (20), et consiste à mentionner dans leur déclaration d’impôt :
(20) Concernant les contribuables visés à l’art. 227, 2°, CIR 92, cette obligation est vide de sens étant donné que les dispositions de l’art. 185/2, CIR 92, ne leur sont pas applicables (voir art. 235, 2°, CIR 92). Par conséquent, la déclaration à l’INR/Soc ne reprendra aucune mention à ce sujet.
a. l'existence d'une société étrangère visée à l'art. 185/2, § 1er, CIR 92, lorsque ses bénéfices non distribués éventuels sont imposables en tout ou en partie dans le chef du contribuable déclarant. Il s’agit d’une société étrangère dont le déclarant détient, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote se rattachant au total des actions ou parts de cette société étrangère, soit détient, directement ou indirectement, une participation à hauteur d’au moins 50 % du capital de cette société, soit possède les droits d’au moins 50 % des bénéfices de cette société. Il faut en outre que la société étrangère dont il s’agit, en vertu des dispositions de la législation de l'Etat ou de la juridiction où elle est établie, soit, n'y est pas soumise à un impôt sur les revenus, soit, y est soumise à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de la moitié de l'impôt des sociétés qui serait dû si cette société étrangère était établie en Belgique ;
b. l'existence d'un établissement étranger visé à l'art. 185/2, § 3, CIR 92, lorsque les bénéfices éventuels de cet établissement étranger ne lui sont pas attribuables en tout ou en partie. Il doit s’agir en plus, d’un établissement étranger, qui en vertu des dispositions de la législation de l'Etat ou de la juridiction où il est situé, soit, n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus, soit, y est soumis à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de la moitié de l'impôt des sociétés supplémentaire qui serait dû par le contribuable si cet établissement était situé en Belgique.
56. La mention dans la déclaration d’une société étrangère visée au point a. ci-dessus exige également la mention dans la déclaration de sa dénomination complète, sa forme juridique, son adresse et le cas échéant son numéro d'identification.
57. La mention dans la déclaration d’un établissement étranger visé au point b. ci-dessus exige également la mention dans la déclaration de son adresse et le cas échéant de son numéro d'identification.
58. Cette obligation d’information vise à inciter les contribuables à examiner si l’art. 185/2, CIR 92, peut ou non leur être applicable et à faciliter le contrôle fiscal (21).
(21) Voir doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54 3147/001, p. 35.
59. Les dispositions commentées entrent en vigueur le 01.01.2019 et sont applicables à partir de l’exercice d’imposition 2020 se rattachant à une période imposable qui débute au plus tôt le 01.01.2019 (22)
(22) Voir l’art. 86.B1., L 25.12.2017, tel que modifié par l’art. 38, L 30.07.2018 et par l’art. 6 de la loi du 11.02.2019 portant des dispositions fiscales, de lutte contre la fraude, financières et diverses, MB 22.03.2019.
AU NOM DU MINISTRE :
Pour l’Administrateur général de la Fiscalité,
Danny DELVAUX
Conseiller général
Source : Fisconetplus