Circulaire 2021/C/19 relative à la localisation des prestations de services d’enseignement

L' Administration générale de la Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée a publié ce 26/02/2021 la Circulaire 2021/C/19 relative à la localisation des prestations de services d’enseignement.

La présente circulaire a pour objet de commenter l’interprétation donnée par l'administration de l'arrêt C-647/17 de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Skatteverket contre SRF Konsulterna AB. La durée ne peut plus être considérée comme le seul critère déterminant pour définir une manifestation au sens de l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA. Il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents tels que, entre autres, la durée, le contenu et le lieu où se déroule la manifestation.


Table des matières

1. Contexte historique

2. Jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne

3. Point de vue administratif

4. Mesure transitoire


1. Contexte historique

L'objectif de ce commentaire est d'expliquer la modification d'interprétation de la portée de l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA en ce qui concerne la localisation des manifestations éducatives.


L'octroi du droit d'accès aux séminaires, conférences, colloques et autres manifestations similaires peut relever du champ d'application de cette disposition. En outre, il n'est pas pertinent, à cet égard, de savoir si l'exemption relative aux prestations de services d’enseignement, visée à l'article 44, § 2, 4°, du Code de la TVA, s'applique ou pas.


Afin de déterminer le lieu des manifestations et des activités éducatives, une distinction doit être opérée selon que le preneur du service est un assujetti au sens de l'article 21, § 1er, du Code de la TVA (relation B2B) ou une autre personne (relation B2C).


Dans une relation B2C, la détermination de la localisation du service ne pose généralement pas de problème étant donné la large portée des dispositions contenues dans l'article 21bis, § 2, 5°, du Code de la TVA. En vertu de cet article, le lieu des prestations de services relatives aux manifestations et aux activités éducatives est l’endroit où elles sont effectivement exécutées. Il est renvoyé à la circulaire AGFisc n° 50/2013 (E.T.124.537) du 29.11.2013 pour plus d'informations.


Le lieu des manifestations et des activités éducatives dans une relation B2B est déterminé conformément aux dispositions de l'article 21, § 2 et § 3, 3°, du Code de la TVA.


Conformément à l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA, toute prestation consistant à donner accès à une manifestation éducative est réputée avoir lieu à l'endroit où elle est matériellement exécutée.


Les prestations qui consistent à donner accès à une manifestation, appelées également droit d'accès, au sens de l'article 21, § 3, 3°, précité, comprennent l’autorisation d'entrer dans un lieu où se déroule cette manifestation et, dès lors, d'y assister (par exemple le droit d'accès aux séminaires et aux workshops s'y rapportant). Le fait que le prix pour y accéder ait été réglé à l'avance ou que les billets d'entrée aient été acquis par voie électronique ou non est, à cet égard, sans importance.


Le fait que l'organisateur dispose d'une infrastructure fixe à partir de laquelle un tel service est fourni n'est évidemment pas pertinent (par exemple, l'accès à un séminaire organisé par une haute école spécialisée peut être considéré comme une manifestation).


L'administration a déjà constaté, précédemment, que les États membres n'ont pu se mettre d'accord quant à une définition uniforme de la notion de « manifestation » dans le cadre de l'article 53 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28.11.2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dont l’article 23, § 3, 3°, du Code de la TVA constitue la transposition.


Dans l'attente qu'une position claire soit prise à ce sujet et pour des raisons d’ordre pratique, l'administration avait décidé que le champ d’application de l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA restait limité à l’octroi du droit d’accès à une manifestation éducative, d'une durée d'un jour complet, au maximum. Dans les autres cas, l’article 21, § 2, du Code de la TVA devait être appliqué (voir la circulaire AGFisc n° 50/2013 (E.T.124.537) du 29.11.2013, numéro 45 et la réponse à la question parlementaire n° 1.461 de monsieur le représentant Luk Van Biesen du 03.02.2017).


À la suite de l'arrêt C-647/17 de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt Skatteverket contre SRF Konsulterna AB, affaire C-647/17 du 13.03.2019), les États membres ont de nouveau discuté de la question au sein du 114e comité de la TVA.

Cependant, à la lumière de la jurisprudence précitée de la Cour de justice de l'Union européenne, l'administration a décidé de modifier sa position.


2. Jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne

Dans l'arrêt Skatteverket contre SRF Konsulterna AB, affaire C-647/17, du 13.03.2019 (Cour de justice de l’Union européenne, arrêt Skatteverket contre SRF Konsulterna AB, affaire C-647/17, du 13.03.2019), la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu'une prestation de service consistant à « donner accès à des manifestations éducatives » comprend un service ayant pour objet une formation en comptabilité et en gestion d’une durée de cinq jours dispensée uniquement à des assujettis et qui suppose à la fois une inscription et un paiement préalables.


La Cour rappelle qu'il résulte de sa jurisprudence constante que les règles générales de localisation contenues dans les articles 44 et 45 de la directive 2006/112/CE précitée, dont les articles 21 et 21bis du Code de la TVA constituent la transposition en droit belge, ne priment pas sur les règles de localisation dérogatoires (contenues dans le droit Belge dans les dispositions des articles 21, § 3 et 21bis, § 2, du Code de la TVA, précité). Par conséquent, ces règles de localisation dérogatoires ne doivent pas être considérées comme une exception à une règle générale devant recevoir une interprétation restrictive.


La Cour confirme également que la directive 2006/112/CE précitée relative à la localisation des prestations de services vise à assurer que la taxation s’effectue dans la mesure du possible, à l’endroit où ces services sont utilisés.


Conformément à l'article 53 de la directive 2006/112/CE, dont l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA est la transposition en droit belge, la prestation de services consistant à donner accès, entre autres, à des manifestations éducatives fournies à un assujetti est réputée se situer à l’endroit où ces manifestations ont effectivement lieu.


Il résulte de l'article 32, paragraphe 2, point c), du règlement d’exécution (UE) N° 282/2011 du Conseil du 15.03.2011 portant mesures d’exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que les services visés à l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA précité ayant pour objet l’accès à des manifestations éducatives et scientifiques, tels que des conférences et des séminaires, comprennent les prestations de services dont les caractéristiques essentielles consistent à octroyer un droit d’accès à une manifestation en échange d'un billet ou d'un paiement.


Dans ce contexte, on suppose généralement qu'une manifestation au sens de ce qui précède se distingue par le fait que son organisation est liée avant tout à son caractère événementiel ou occasionnel. L'opinion de l'avocat général dans cette affaire est la suivante : « La durée d’un service devrait normalement permettre de distinguer les manifestations éducatives des autres activités éducatives. Une conférence ou un séminaire dure généralement de plusieurs heures à plusieurs jours, alors qu’un cours universitaire est susceptible de durer beaucoup plus longtemps (par exemple trois semaines, un mois, un semestre ou une année universitaire). Il me semble que le premier est susceptible de relever du champ d’application de l’article 53 [de la directive TVA], alors que ce ne sera pas le cas du second ».


3. Point de vue administratif

Le numéro 45 de la circulaire AAFisc n° 50/2013 est remplacé comme suit :

« Compte tenu de l'arrêt C-647/17 de la Cour de justice de l'Union européenne du 13.03.2019, dans l'affaire Skatteverket contre SRF Konsulterna AB, l'administration considère que la durée ne peut plus être considérée comme le seul critère déterminant pour définir une manifestation au sens de l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA. D'autres critères doivent également être pris en considération, comme le fait que les activités éducatives soient planifiées à l'avance, se déroulent dans un lieu déterminé et portent sur un sujet prédéfini (voir la réponse à la question parlementaire n° 195 de M. Benoît Piedboeuf du 06.02.2020).


En ce qui concerne les manifestations éducatives se déroulant matériellement en Belgique l'administration se référera à l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA en ce qui concerne le critère de la durée, lorsque celle-ci n'excède pas sept jours calendrier. Si la durée de l'activité éducative dépasse cette période de sept jours, l'administration prendra une décision quant à l'application de cette disposition pour chaque dossier individuel, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, en ce compris la durée, le contenu et le lieu où se déroule l’activité éducative.


En ce qui concerne les manifestations éducatives impliquant également au moins un autre État membre, l’attention est attirée sur ce qui suit :

  • les manifestations éducatives qui se déroulent exclusivement dans un autre État membre : dans un premier temps, il appartient aux autorités fiscales de l'autre État membre où ladite manifestation éducative a effectivement lieu de se prononcer sur l'application de l'article 53 de la directive 2006/112/CE.

Selon les lignes directrices du 114e comité de la TVA, l'évaluation d'une telle situation doit toujours tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait, en ce compris la durée, le contenu et le lieu où se déroule l'activité éducative.

Lorsqu'un assujetti belge participe à une manifestation éducative qui se déroule exclusivement dans un autre État membre, il appartient, dans un premier temps, aux autorités fiscales de l'autre État membre où ladite manifestation éducative a effectivement lieu de se prononcer sur l'application de l'article 53 de la directive 2006/112/CE.

Si, toutefois, une situation de double imposition devait se présenter à la suite d'interprétations divergentes des règles relatives au lieu d'imposition, l'administration prendrait une décision au cas par cas, éventuellement après consultation des autorités compétentes de cet État membre.

  • les manifestations éducatives se déroulant physiquement dans plusieurs États membres : dans un premier temps, il appartient aux autorités fiscales de chaque État membre concerné où ladite manifestation éducative a effectivement lieu de se prononcer sur l'application de l'article 53 de la directive 2006/112/CE, précité, et ce, en ce qui concerne les manifestations éducatives se déroulant effectivement sur son propre territoire.

Il résulte des lignes directrices du 114e comité de la TVA que, si une même manifestation éducative a lieu dans plusieurs États membres, le service doit être considéré, en règle, comme étant fourni dans chacun des États membres concernés et réparti entre tous les États membres dans lesquels la manifestation a lieu et ce proportionnellement à la durée de chacune des parties organisées dans chaque État membre concerné, aux fins de l'application de l'article 53 de la directive 2006/112/CE.

Exemple


Une manifestation éducative a lieu du 10.12.2020 au 14.12.2020. Elle se déroule à Bruxelles du 10.12.2020 au 12.12.2020 et à Paris du 13.12.2020 au 14.12.2020. Pour la période du 10.12.2020 au 12.12.2020, la manifestation éducative est considérée comme ayant lieu en Belgique conformément aux dispositions de l'article 53 de la directive 2006/112/CE précitée. Mutatis mutandis, la manifestation est réputée avoir lieu en France pour la période du 13.12.2020 au 14.12.2020.


4. Mesure transitoire

Les arrêts de la Cour de justice ont généralement un effet sur le passé.


Par conséquent, l'administration ne peut pas émettre de critique lorsque les assujettis ont déjà appliqué l'arrêt C-647/17 de la Cour de justice de l'Union européenne du 13.03.2019, malgré l'interprétation antérieure de l'administration belge de la portée de l'article 21, § 3, 3°, du Code de la TVA.


D'autre part, les assujettis qui ont suivi jusqu'à présent l'ancienne position de l'administration peuvent éprouver des difficultés (par exemple en matière de tarification, de communication, de facturation et de comptabilité) à appliquer l'arrêt en question dès la publication de ce commentaire. Les assujettis peuvent continuer à appliquer la position précédemment publiée jusqu'au 30.06.2021 ou jusqu'à la date déterminée par une décision individuelle.


Source : Fisconetplus

Mots clés