Circulaires et décisions administratives contra legem - Principe de confiance légitime

Quelle sécurité juridique des décisions administratives et des circulaires apportent-elles aux assujettis et aux contribuables ?

On observe que l’Administration n’hésite pas à attaquer ses propres interprétations publiées ou non, et cela jusque devant les tribunaux.


Nul ne peut invoquer contre le fisc une décision administrative contraire à la loi

Ceci peut paraître injuste et choquant pour le bénéficiaire de telles décisions. Et pourtant, ce n’est qu’une application d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation (voir notamment Cass. 26 octobre 2001 ; Cass. 30 mai 2008 ; Cass. 7 avril 2016) qui se fonde sur l’article 172 de la Constitution, « Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôt. Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par la loi ». Selon la Cour, le principe de « Bonne Administration », en tant que Principe Général de Droit, ne peut faire obstacle à ce que l’Administration remette en cause à l’égard du contribuable le comportement qu’elle a adopté dans une circulaire ou à l’occasion d’un accord individuel, lorsque ce comportement est contraire à une norme juridique d’une valeur normative inférieure à une loi.


Une jurisprudence également applicable en TVA

Certes, cette jurisprudence vise essentiellement les impôts sur les revenus. Aussi, d’aucuns ont-ils contesté qu’elle puisse s’appliquer en TVA et aux droits de douane qui pourraient bénéficier du Principe Européen de « Confiance Légitime ».

Dans deux arrêts du 2 septembre 2016, Dela Funerals d’une part et Stad Lokeren d’autre part, la Cour de cassation expose la limite entre les décisions administratives qui permettent aux assujettis de faire ou non appel au « Principe de Confiance Légitime » en TVA.

Dans Dela Funerals, la Cour de cassation a refusé à un assujetti le droit d’opposer à l’Administration une décision administrative publiée, mais dont le texte violait l’article 28, 5° du Code TVA.


Dans Stad Lokeren, la Cour de cassation a estimé qu’un assujetti pouvait opposer à l’Administration une décision administrative contraire à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’UE et que l’administration avait ultérieurement rapportée pour le futur. En l’espèce, cette décision administrative découlait d’un arrêté royal d’exécution du Code TVA et celui-ci donnait au Ministre des finances ou à son délégué la compétence de préciser des modalités d’application de l’arrêté royal.


Sauf si l’assujetti invoque l’effet direct d’une disposition d’une directive Européenne

Une directive européenne ne s’adresse qu’aux Etats et à eux seuls. Toutefois, tout résident en Europe tire de ces directives des droits dont il peut exiger le respect devant les tribunaux lorsque les Etats ne les ont pas transposées dans leur ordre juridique national. Par ordre juridique, on entend la réglementation au sens large, mais aussi des circulaires, des décisions administratives, voire des réponses à des questions parlementaires. La jurisprudence reconnait à certaines de ces circulaires ou décisions un caractère quasi-réglementaire lorsqu’elles clarifient ou complètent une disposition légale ou réglementaire. Tel sera le cas de la définition de « bâtiment neuf » à l’issue de travaux de transformation ou de périodique pouvant bénéficier d’un taux zéro de TVA.


Le fisc peut invoquer un texte réglementaire clair contre ses propres décisions et circulaires. L’assujetti peut opposer au fisc le texte clair d’une directive européenne

Pour bénéficier du principe de « Confiance Légitime » découlant d’une circulaire, décision administrative ou réponse à une question parlementaire, l’assujetti devra soit prouver soit le caractère quasi-réglementaire de la disposition invoquée, soit l’effet direct d’une disposition d’une directive européenne. Dans les autres cas, il ne lui restera que la possibilité de tenter d’engager la responsabilité de l’Etat belge, avec le risque qu’un juge lui réponde qu’il savait ou devait savoir que les décisions invoquées étaient contraires à la Loi et à la Constitution.


Ceci limite considérablement la sécurité juridique apportée par des circulaires et des décisions, fussent-elles des décisions du Service des Décisions Anticipées. Autant le savoir ….


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