Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport de 2019, la dispense de versement de précompte professionnel pour le travail en équipe et de nuit n’a pas fait l’objet d'actions de contrôle de la part de l'administration fiscale par le passé. La raison en est principalement la complexité de la législation et les difficultés de son interprétation.
L’administration fiscale est cependant pleinement occupée à contrôler le respect des conditions d’octroi de la dispense. Malgré la circulaire publiée à la mi-2019, tous les points ne sont pas réglés, loin s’en faut.
Les entreprises qui effectuent du travail en équipe ou de nuit et qui versent une prime de travail en équipe peuvent bénéficier d’une dispense de versement de précompte professionnel sur les salaires versés, à hauteur de 22,80% du total des salaires imposables de tous les employés travaillant en équipe ou de nuit.
Vu la définition juridique large, un grand nombre d’entreprises peuvent prétendre au bénéfice de ce régime de dispense.
Une entreprise effectuant un travail en équipe est définie comme une « entreprise dans laquelle le travail est effectué en deux équipes d’au moins deux travailleurs, effectuant le même travail en termes de contenu et d’importance et qui se succèdent au cours de la journée sans interruption entre les équipes successives et sans que le chevauchement ne dépasse le quart de leur travail journalier ».
Une entreprise effectuant du travail de nuit est une « entreprise dans laquelle, conformément à la réglementation du travail applicable dans l’entreprise, les travailleurs effectuent un travail entre 20h00 et 6h00, à l'exception des travailleurs qui n’effectuent un travail qu’entre 6h00 et 24h00 et des travailleurs qui commencent normalement leur travail à partir de 5h00 ».
L'administration fiscale adresse des demandes de renseignements par lesquelles elle pose toute une série de questions et demande, notamment, que lui soit fournie une copie de la convention collective de travail applicable, du règlement du travail, de l’organigramme de l’entreprise, des relevés des timesheets de chaque employé, etc. Une fois les éléments de réponse reçus, des questions complémentaires sur l’organisation du travail sont généralement posées et un contrôle approfondi a généralement lieu. Ceci engendre souvent une charge administrative considérable pour les entreprises contrôlées.
Lors des contrôles, des difficultés surviennent quant à l’interprétation de la législation applicable.
Pour être éligible, un travailleur doit avoir effectué au moins un tiers de son temps de travail en travail en équipe ou de nuit. La question se pose de savoir comment interpréter cette règle du tiers ? Un travailleur doit-il effectuer un tiers de ses jours ou bien un tiers de ses heures de travail en travail en équipe ou de nuit, sur une base mensuelle ?
La question se pose également de savoir ce qu’il faut entendre par « le même travail quant à son contenu et son importance ». Les équipes doivent-elles être composées du même nombre de travailleurs ? Les travailleurs doivent-ils effectuer la même tâche ou les tâches peuvent-elles être complémentaires ? Les travailleurs/équipes doivent-ils se relayer au même endroit ?
Le 19 janvier 2021, la Cour d'appel d'Anvers a estimé que les employés d’une entreprise de chauffeurs de bus effectuaient le même travail « en termes de contenu et d’ampleur » alors qu’à la même date, cette même Cour jugeait que les dépanneurs d’une entreprise de dépannage n’effectuaient le même travail qu’au niveau du contenu et non de l’ampleur. Pour la Cour, il n’a pas été démontré que l’importance/l’ampleur du travail était la même. En effet, le nombre d’employés par équipe était très différent et trois des quatre équipes initiales n’étaient relayées que par une seule équipe en fin de journée. Selon la Cour, rien ne prouve que cette équipe de fin de journée comptait approximativement le même nombre de travailleurs que le nombre cumulé de travailleurs des trois équipes remplacées, ni que cette équipe de fin de journée effectuait ou pouvait effectuer la même quantité de travail que les équipes du matin remplacées.
Il existe encore bien d’autres divergences d’interprétation qui, en pratique, donnent lieu à de nombreuses discussions entre le contribuable et l’administration fiscale.
Les entreprises qui sont reconnues pour le travail intérimaire et qui mettent des intérimaires à disposition des entreprises qui effectuent du travail en équipe ou de nuit peuvent également bénéficier de la dispense de versement de précompte professionnel pour les employés qui effectuent du travail en équipe ou de nuit chez les utilisateurs.
Une action coordonnée de contrôles est actuellement en cours dans le secteur du travail intérimaire. Les agences de travail intérimaire sont invitées à prouver que les travailleurs pour lesquels la dispense a été demandée, ont travaillé dans un système de travail en équipe ou de nuit. En principe, cela se fait sur la base d’un échantillon (représentatif). Les agences de travail intérimaire doivent compter sur la bonne volonté de leurs utilisateurs pour collecter les données nécessaires. Si les informations demandées ne sont pas récoltées (dans le délai imparti), les entreprises de travail intérimaire s’exposent à des cotisations pour la restitution de la dispense de précompte obtenue.
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Source : Tiberghien, septembre 2021