En vue de permettre à l'administration de faire la preuve de l'impôt dû, le législateur l’a dotée de larges pouvoirs d'investigation, et ce tant en matière d’impôts sur les revenus, qu’en matière de TVA.
En matière d’impôt sur les revenus, l'administration a le droit de requérir de chaque contribuable « de lui communiquer, sans déplacement, en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables » (article 315 CIR). Ce pouvoir ne se limite pas aux documents dont la loi impose la tenue mais comprend également tous les documents que l'administration estime raisonnablement devoir consulter pour vérifier la situation fiscale du contribuable.
L'article 315bis précise en détail ce pouvoir d'investigation lorsque ces documents sont tenus par un procédé informatique y compris dans le « cloud ».
Cet article prévoit qu’à l’occasion d’un contrôle, les agents disposent notamment du pouvoir de requérir du contribuable/assujetti d’effectuer, en leur présence, des copies, dans le format qu’ils souhaitent, de tout ou partie des données conservée sous format électronique.
En d’autres termes, les agents de l’administration peuvent exiger que le contribuable effectue une copie de ses données informatiques.
Dans un récent arrêt du 15 mars 2022, la Cour d’appel de Gand s’est prononcée sur la portée de ce pouvoir en matière de TVA.
Sur le fond, il était question de déterminer si une société devait, ou non, être considérée comme un assujetti établi en Belgique.
Dans le cadre d’un contrôle, les agents du fisc ont effectué une prise de copies des données informatiques de l’assujetti. Ces données ont permis d’apporter la preuve que la direction effective de l’entreprise se situait en Belgique, de sorte qu’elle devait effectivement être considérée comme établie en Belgique.
Le demandeur, à savoir l’assujetti, soutenait que la copie de ces données informatiques exécutée par les agents de l’administration était irrégulière en ce que ces agents l’ont effectué de leur propre chef.
Selon le demandeur, l’article 61, §1er, alinéa 4 du Code de la TVA exige que la demande de copie soit adressée à l’assujetti qui doit ensuite effectuer les copies en présence de l’administration.
La Cour suit l’argumentaire du demandeur et affirme qu’aucun article de loi n’autorise les agents de l’administration à prendre eux-mêmes une copie, sauf moyennant le consentement exprès de l’assujetti.
L’administration fiscale n’apporte ni la preuve que la copie a été obtenue à la suite d’une demande formulée à l’assujetti, ni la preuve que ce dernier aurait consenti à une prise directe de cette copie par les agents de l’administration.
La Cour juge que la preuve, qui découle de la prise de copies illégale des fichiers informatiques, a été obtenue de façon irrégulière et décide de ne pas en tenir compte.
Relevons toutefois que, bien que l’administration ne dispose pas du pouvoir de prendre elle-même une copie des données informatiques du contribuable, ce dernier reste sujet au devoir de collaboration.
Ainsi, en cas de refus illégitime de délivrer une copie de ses données informatiques lorsqu’il en est requis par l’administration, le contribuable s’expose à des sanctions.