Décrypter la taxation des cryptomonnaies

“Penser est facile, agir est difficile et agir selon sa pensée est plus difficile” Auteur Inconnu


Chaque souffle de notre liberté, nous le devons, en partie, au génie de cet homme, Monsieur Alan Turing, père de l’informatique qui a notamment décrypté ”Enigma” la machine qui codait les communications nazies alors que celle-ci était réputée inviolable (159 milliards de milliards de clés possibles !).

L’histoire maltraite ses héros, car tenu au secret pendant plus de trente ans, il sera martyrisé en raison de son orientation sexuelle.

Réhabilité par la Reine d’Angleterre plus de 60 ans après son décès qu’il s’était offert, devant tant de mépris, en croquant une pomme au cyanure.

Le besoin de liberté a aussi enfanté le Bitcoin, soucieux de se détacher de l’écosystème financier, régulé par les États, qui a essoré plusieurs épargnants et investisseurs.

Nul ne sait si le père du Bitcoin se fera un jour connaître ou si le maintien de son anonymat constitue sa meilleure protection. Avoir raison trop tôt c’est aussi avoir tort.

Chaque système connaissant ses vices et vertus, souffrant des affres des temps immatures ou obsolètes.

Considéré comme monnaie par certains, créance pour d’autres, la multiplicité des approches et un flou entretenu ne contribuent pas à féconder un choix éclairé.

À ce jour, le contribuable belge cherche à diluer l’opacité du traitement fiscal qui lui sera réservé.


QUELLE EST L’AMPLEUR DES CRYPTOMONNAIES ?

On estime à 850 milliards USD la contre valeur des crypto-monnaies.

Sur un total de plus de 21.000 projets Crypto, le BitCoin tient toujours le haut du pavé, représentant 37 %. Cette même crypto ayant connu une croissance de 3.304 %, depuis sa création en 2009.

Presque née sous X, seul le nom de son créateur est connu Satoshi Nakamoto.

La hauteur des gains et l’absence relative de traçabilité par les canaux financiers classiques ont incité les administrations fiscales à s’intéresser de près à toutes ces augmentations de patrimoines individuels.

En Belgique, il existe 4 types de revenus taxables ;

  • Immobilier
  • Professionnel
  • Mobilier
  • Divers.

C’est à cette dernière catégorie (“revenus divers”, indéniablement la catégorie fourre-tout) que l’investisseur risque de se voir taxer en présence de gain sur des crypto-monnaies.

La taxation effective sera déclenchée, notamment, lorsque l’administration va considérer que le contribuable n’a pas agit en “bon père de famille”.

Cette notion de “Bonus Pater Familias” est depuis longue date appréciée, entre autres, par la présence ;

  • Plus-value importante par rapport aux fonds investis ;
  • Endettement pour réaliser l’acquisition ;
  • Délai (très) court entre achat/vente et donc plus-value ;
  • Etc.

L’investisseur qui veut se prémunir d’une douche froide fiscale peut sérieusement considérer le fait d’obtenir un ruling fiscal en détaillant ses intentions et conditions d’investissement.

INVESTISSEURS : PERSONNE PHYSIQUE, SOCIÉTÉ

Après avoir espéré être face à des plus-values non taxables lors des folles envolées des années précédentes du Bitcoin et d’autres crypto, le contribuable belge se met à prier pour que ses pertes soient déductibles fiscalement suite au retournement des marchés.

Considérées pendant longtemps par les législateurs comme un phénomène marginal, il a fallu attendre 2019 pour que le Vice-président exécutif de la Commission européenne annonce son intention de pallier l’absence de cadre légal régissant la crypto monnaie, dont les premiers textes ont été publiés fin 2020 et traitent principalement des fraudes et de mesures anti-blanchiment.

Alors que plusieurs pays européens ont déjà fixé des règles de taxation claires concernant les crypto-monnaies, du côté belge, les contribuables attendent patiemment la publication de textes législatifs spécifiques en la matière et sont donc, à nouveau, plongés dans la plus profonde insécurité juridique.

Sur base des principes existants en matière fiscale, l’approche fiscale actuelle peut se résumer comme suit ;

> Investissements dans le cadre privé

Au sujet de l’activité privée des personnes physiques, il faut distinguer si l’opération sort ou non de la notion de la gestion du patrimoine en “bon père de famille”. Il n’existe pas de définition exacte, c’est donc une question de fait qui laisse ainsi la porte ouverte à la subjectivité.

Le Service des Décisions Anticipées en matières fiscales (“SDA”) a publié plusieurs avis à ce sujet et mis à disposition des contribuables, une liste de 17 questions (lien vers la liste) permettant de distinguer si l’opération projetée répond ou non au critère du “bon père de famille”.

Des éléments tels que le montant des opérations, le recours à l’emprunt ou l’origine (des fonds) de la possession des cryptomonnaies sont pris en considération.

Ces questions permettent de profiler l’investisseur sur ses compétences, le temps investi, la fréquence et l’étendue des opérations qu’il/elle réalise. Autant de paramètres qui facilitent l’appréciation quant à la taxation effective de vos opérations.

Dans son rapport annuel, le SDA indique qu’avoir investi plus de 40 % de son patrimoine mobilier dans des cryptos ne constitue pas une opération de gestion normale de patrimoine privé, déclenchant ainsi la taxation. La réponse a été la même provenant du SDA pour celui qui investi 30 % de son salaire et évidemment 50 % de son patrimoine.

En fait, les 8 cas décrits dans le rapport annuel du SDA aboutissent tous à la même réponse : revenu (privé) taxable. Gageons que ces situations représentent des situations extrêmes.

En pratique

  • L’opération projetée répond à une gestion du patrimoine en “bon père de famille”, les plus-values ne seront pas taxables et les frais et/ou moins-values non déductibles ;
  • À l’inverse, les plus-values sortant de la gestion du patrimoine en “bon père de famille” seront taxables au titre de revenus divers à 33%. En cas de moins-values réalisées, celles-ci sont néanmoins reportables, au maximum 5 ans.

> Investissements dans le cadre d’une activité professionnelle

Dans ce cas, que l’activité soit exercée en personne physique ou au travers d’une société, les plus-values réalisées sur les crypto monnaies sont taxables au taux progressif à l’impôt des personnes physiques (“IPP” de 25 à 50% + cotisations sociales d’indépendants) ou aux taux de l’impôt des sociétés 25% (“ISOC” ou taux réduit de 20% applicable sous certaines conditions).

En contrepartie, les charges professionnelles (ex: frais d’opération) ou les moins-values sont déductibles.

Pour mémoire, tous les revenus perçus par une société sont considérés comme “professionnels”. À savoir que la commission des normes comptables apprécie, actuellement, une crypto monnaie comme une (“autre”) créance et non pas comme un actif financier, comprenez liquide pour tout à chacun.

CE QUE NOUS RÉSERVE 2023

En octobre 2021, la Banque Centrale Européenne (BCE) a lancé une phase d’étude afin de lancer sa propre monnaie numérique. Celle-ci devrait concurrencer les crypto-monnaies actuelles en offrant aux investisseurs, théoriquement, plus de possibilités d’utilisations et plus de protection.

Il y a fort à parier qu’une armada législative accompagnera le lancement de cet euro numérique (prévu pour 2023) et traitera de son utilisation à des fins de placement ainsi que des différents traitements fiscaux possibles.

Afin de guider l’investisseur quant au traitement fiscal applicable, un parallèle devrait donc pouvoir être fait avec les opérations sur les crypto-monnaies, sauf si entretemps un texte spécifique voit le jour.

La question de fond est de savoir, quel sera l’accueil du marché de cette crypto régulée, qui s’écarte de l’approche philosophique qui a enfanté le BitCoin.

DE L’AUTRE COTE DE L’ATLANTIQUE

Plusieurs institutionnels US ont déjà investi dans des cryptos, le cadre fiscal US se devait donc d’être limpide.

L’administration américaine (IRS) a de ce fait traité le sujet en profondeur et considéré le traitement fiscal de plusieurs événements de la vie d’une crypto.

Les États-Unis ne considèrent les cryptomonnaies ni comme des devises, ni comme une catégorie d’actifs interchangeables, mais plutôt comme des actifs distincts et identifiables.

En conséquence, la plupart des activités incluant bien sûr les ventes et les opérations de « mining« , mais aussi les « airdrops« , « chain split« , « hard forks » (*) peuvent constituer des événements imposables aux yeux du fisc américain.``


QUE FAUT-IL EN RETENIR ?

La blockchain est aussi réputée inviolable, seule l’histoire permettra de confirmer la certitude actuelle. Certains États et industries lui ont trouvé bien d’autres applications.

Comme le marché financier, la taxation évolue à un rythme décalé, par rapport aux avancées technologiques, en laissant certains durement impactés sur son passage.

Pour avoir croisé des investisseurs ravis, mais aussi rincés, il existe une constante applicable à n’importe quel investissement ; les sueurs froides arrivent quand on est surinvesti dans un actif spécifique et que les chutes de valeurs vous emportent comme un tsunami.

Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.

Thomas DRAGUET © et Morgane DEPRIEZthomas@anticiper.tax

Source : Anticiper SPRL, 8 décembre 2022

ANTICIPER SRL, Expert-comptable Conseil fiscal certifié
+32 475 748 279 │www.anticiper.tax

*) Détails pratiques des termes employés concernant les Cryptomonnaies

  • MINING

Cela représente l’action de fournir un service au réseau contre rémunération. Notamment pour valider un ensemble de transactions qui ensuite constitue un bloc.

  • AIRDROPS

C’est l’équivalent d’une action publicitaire réalisée par une crypto qui vise à offrir des tokens (jetons) du projet à des nouveaux utilisateurs. Les intéressés devront remplir plusieurs conditions qui diffèrent en fonction de l’émetteur.

  • CHAIN SPLIT

Chain Split est synonyme de Fork, et est donc une situation dans laquelle une blockchain se divise en deux chaînes distinctes. Les divisions de chaîne se produisent généralement dans le monde de la cryptographie lorsque de nouvelles règles de gouvernance sont intégrées au code de la blockchain.

  • HARD FORKS

Cela fait référence à un changement radical du protocole de la blockchain qui se traduit effectivement par deux branches, l’une qui suit le protocole précédent et l’autre qui suit la nouvelle version.

Lors d’un hard fork, le logiciel mettant en œuvre la cryptomonnaie et ses procédures de minage est mis à niveau ; une fois qu’un utilisateur met à niveau son logiciel, cette version rejette toutes les transactions des anciens logiciels, créant ainsi une nouvelle branche de la blockchain.


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