Déjà 5 ans! Le nouveau droit des sociétés et des associations date de mai 2019 : qu'en retenir aujourd'hui?

Le Code des sociétés et des associations (CSA) a instauré l’obligation pour chaque société et association de mettre à jour ses statuts au plus tard le 1er janvier 2024, une échéance qui marque la fin de la période transitoire.

A défaut de mise à jour depuis cette date, les administrateurs sont présumés responsables du dommage qui résulterait de l’absence de conformité. Le cas échéant, il convient par conséquent de se conformer sans délai.

Adoption du CSA

Pour rappel, la loi du 23 mars 2019 avait introduit le Code des sociétés et des associations (CSA), lequel consolide les dispositions régissant les sociétés et les associations au sein d’un même corpus. Cette initiative représente une modernisation majeure du droit des sociétés, la plus significative depuis 1873.

Outre son caractère unificateur, le CSA entreprend plusieurs réformes substantielles : il restreint le nombre de formes de sociétés, simplifie et harmonise le régime des sociétés de personnes, effectue une refonte profonde des règles préexistantes régissant l’ancienne SPRL, notamment en éliminant l’obligation de disposer d’un capital. De plus, le CSA modernise le cadre juridique régissant les SA, en mettant un accent particulier sur les modalités de leur gestion et en autorisant le vote multiple des actionnaires.

Phase transitoire

Depuis le 1er mai 2019, les nouvelles sociétés sont constituées en se conformant aux dispositions du CSA. Depuis le 1er janvier 2020, toute modification statutaire envisagée par une société requiert une mise en conformité de l’intégralité de ses statuts. En outre, les dispositions d’ordre impératif sont d’application obligatoire tandis que les dispositions à caractère supplétif s’appliquent, à condition que les statuts de la société n’y dérogent pas.

Formalités à accomplir au plus tard le 1er janvier 2024

a) Modification des statuts – généralités

Il est impératif que les sociétés et les associations aient mis leurs statuts en conformité avec les dispositions du CSA avant le 1er janvier 2024. Par conséquent, les dispositions et autres mentions désormais non valides doivent être supprimées tandis que les autres clauses statutaires doivent être ajustées au CSA.

b) Modification de certaines formes juridiques de sociétés

Les sociétés dont les formes juridiques sont abolies doivent procéder à l’adaptation de leurs statuts à la nouvelle forme prescrite par le CSA avant la date butoir. A défaut, elles sont automatiquement transformées en une autre forme de société, comme suit :

  1. la société en commandite par actions est convertie en une société anonyme à administrateur unique ;
  2. la société agricole deviend une société en nom collectif. Si celle-ci compte des associés commanditaires, elle se transforme en société en commandite ;
  3. le groupement d’intérêt économique évolue en une société en nom collectif ;
  4. la société coopérative à responsabilité illimitée prend la forme d’une société en nom collectif ; et
  5. la société coopérative à responsabilité limitée se transforme en une société à responsabilité limitée.

c) Modifications spécifiques pour les SPRL

Les anciennes SPRL qui se transforment en SRL doivent veiller à ce que leurs statuts ne fassent plus référence à la notion de capital.

En outre, elles ont dorénavant la possibilité d’intégrer de nouvelles dispositions, telles que :

  1. la création de classes d’actions avec des droits distincts en matière de vote ou de participation aux bénéfices;
  2. l’organisation du transfert d’actions;
  3. la mise en place d’un système analogue à celui du capital autorisé des SA;
  4. la désignation d’un délégué à la gestion journalière; ou encore
  5. l’instauration d’un mécanisme de démission et/ou d’exclusion des actionnaires.

d) Modifications spécifiques pour les SA

Les SA peuvent également profiter de la mise en conformité de leurs statuts pour intégrer certaines nouveautés qui peuvent présenter un réel intérêt :

  1. le choix entre différents systèmes de gouvernance (moniste collégial, moniste avec administrateur unique, dual);
  2. la dérogation au principe de la révocabilité ad nutum (sans motifs ni préavis) des administrateurs;
  3. l’émission d’actions sans droit de vote et/ou d’actions à droit de vote multiple ; ou encore
  4. l’assouplissement eu égard à la cessibilité des titres.

e) Responsabilité en cas de non-conformité

En cas de dommages subis par la société, l’association ou la fondation, ou par des tiers, du fait du non-respect de cette obligation, les membres de l’organe d’administration encourent une responsabilité personnelle solidaire.

Dispositions impératives d’application depuis le 1er janvier 2020

Pour rappel, les dispositions impératives du CSA sont d’application obligatoire depuis le 1er janvier 2020. Cette règle s’applique indépendamment du fait que les sociétés et associations concernées aient ou non aligné leurs statuts sur ces dispositions.

Par conséquent, toute disposition des statuts contraire à ces dispositions impérative est réputée non écrite.

Ainsi, par exemple :

  1. les SRL et SC ne sont plus des sociétés de capitaux ;
  2. une procédure spécifique est dorénavant prévue en cas de conflit d’intérêts au sein du conseil d’administration;
  3. les SRL ne peuvent effectuer la distribution des dividendes qu’après avoir satisfait au double test (solvabilité et liquidité);
  4. les membres du conseil d’administration ne peuvent plus être liés à la société par un contrat de travail pour l’exercice de leur mandat;
  5. le régime général de la responsabilité des administrateurs est étendu aux dirigeants et plafonné à certains montants, sauf exceptions.

Impact du CSA sur les sociétés régies par des législations spécifiques (non exhaustives)

a. Secteur financier

Il convient de souligner que l’application combinée du CSA et de législations spéciales suscite des questions de cohérence, notamment dans le secteur financier, telles que :

  1. la loi du 3 août 2012 relative aux organismes de placement collectif ;
  2. la loi du 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires ; ou encore
  3. la loi du 11 mars 2018 relative au statut et au contrôle des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique.

a) La société unipersonnelle

Le CSA prévoit désormais qu’une société peut être constituée par une seule personne physique ou morale, à l’exception des sociétés coopératives et simples.

Or, certaines lois de contrôle régissant les établissements de paiement et les établissements électroniques, les sociétés de gestion de portefeuille et de conseil en investissement ainsi que les établissements de crédit et les sociétés de bourse, émettent une interdiction formelle, à l’égard de ces types de sociétés, d’être constituée sous la forme d’une société unipersonnelle (ancienne SPRLU). Les travaux préparatoires de ces lois de contrôle justifient généralement cette restriction par le fait qu’une société unipersonnelle n’offrirait pas de garanties suffisantes sur le plan financier et sur le plan de la direction, lequel exige qu’au moins deux personnes soient impliquées dans la gestion de la société.

b) La suppression du capital dans la SRL

Comme précédemment mentionné, le législateur a pris la décision de supprimer l’exigence du capital social pour la SRL, au profit d’une approche plus en phase avec la réalité économique, basée sur l’obligation d’avoir des « capitaux suffisants ».

Or, tant les établissements de paiement que les établissements de monnaie électronique peuvent être constitués sous la forme d’une SRL (anciennement, SPRL). Néanmoins, la loi de contrôle régissant ces deux types d’établissements dispose qu’ils doivent, au moment de la demande d’agrément, disposer d’un capital minimum de : (i) 350.000 EUR pour les établissements de monnaie électronique et de (ii) 20.000 EUR à 125.000 EUR pour les établissements de paiement.

Force est de constater la complexité d’adapter de manière appropriée les dispositions spécifiques relatives aux établissements de paiement et établissements de monnaie électronique à la structure de la SRL.

c) La structure de gouvernance

Chaque entreprise d’assurance, quelle que soit sa forme juridique, est tenue de constituer un comité de direction. A la différence du conseil de direction prévu dans le CSA, les compétences du comité de direction ne proviennent pas de la loi mais d’une délégation de pouvoirs émanant du conseil d’administration.

Les membres du comité de direction doivent être des personnes physiques. Un minimum de trois d’entre eux doit être administrateurs, garantissant ainsi le lien avec le conseil d’administration.

Cependant, l’introduction du CSA par le législateur a abouti à la suppression des comités de direction dans les SA. Depuis lors, ces sociétés ne sont plus autorisées à instaurer de nouveaux comités de direction. Elles disposent jusqu’au 1er janvier 2024 pour se conformer à cette disposition.

Il convient de noter que bien que la suppression des comités de direction ne s’applique pas au secteur financier, où certains comités de direction demeurent obligatoires en vertu de leur loi de contrôle, cette incohérence soulève des interrogations.

d) La suppression de la société en commandite par actions

En vertu des lois spéciales qui les régissent, les sociétés d’investissement, sociétés d’investissement en créances (SIC), sociétés immobilières réglementées publiques (SIRP) et institutionnelles (SIRI), ainsi que les organismes de placement collectif privé à nombre fixe de parts (PRICAFS) ont la possibilité d’adopter la forme juridique d’une société en commandite par actions (SCA). Ces sociétés ont souvent opté pour cette forme car elle offre une grande stabilité vis-à-vis de leur gérant statutaire.

Toutefois, cette forme juridique sera obsolète à compter du 1er janvier 2024. Par conséquent, ces sociétés devront procéder à leur transformation en SA (avec un administrateur unique, ou non). Il est recommandé aux SCA d’opter pour le régime de la SA avec un administrateur unique afin d’aboutir à un régime quasi-identique.

b. Entreprises publiques (fédérales, régionales, communales,…)

L’application combinée du CSA et des législations spéciales suscite également des questions de cohérence dans le secteur public, notamment au regard des :

  1. Structures de gouvernance (duale, moniste) ;
  2. Statut (salarié, indépendant,…) des membres des organes de gouvernance ;
  3. Délégations de pouvoir ;
  4. Interactions du CSA avec certains décrets régionaux :
    • Concernant la Région wallonne (Code de la démocratie locale et de la décentralisation ; statut de l’administrateur public ; marché régional de gaz et de l’électricité ;…) ;
    • Concernant la Région de Bruxelles-Capitale (transparence et gouvernance dans les mandats publics ; administration dans les institutions bruxelloises, …) ; et
    • Concernant la Région flamande (décret relatif à l’harmonisation des émoluments des administrateurs d’entreprises publiques qui relèvent de la Région flamande,…).

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