Dans le domaine des affaires, la responsabilité des administrateurs est souvent mise en avant lorsqu'il s'agit de l'éventuelle défaillance d'une entreprise. Cependant, il est crucial de ne pas négliger la responsabilité des fondateurs, qui constituent une catégorie d’actionnaires susceptibles de se retrouver engagés dans certaines situations.
Même si, dans les SRL et les SA, la responsabilité des actionnaires est limitée à leurs apports, ce qui signifie que les créanciers sociaux ne peuvent, en principe, pas agir sur leurs patrimoines privés, le fait d’exercer son activité sous le couvert d’une société ne signifie pas pour autant que les fondateurs sont, en toute circonstance, immunisés.
Cet article se propose de démystifier cet espoir en examinant, de manière simplifiée, les circonstances dans lesquelles les fondateurs peuvent être tenus responsables du passif social.
Les articles 5:15 à 5:17 et 7:17 à 7:21 du Code des sociétés & des associations (CSA) apportent des tempéraments à la limitation de responsabilité des fondateurs de SRL et de SA.
Les fondateurs sont tenus solidairement envers les intéressés de :
L’obligation de garantie joue de manière automatique, c’est-à-dire sans démonstration d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.
La mise en cause de la responsabilité suppose de démontrer une faute, un dommage et un lien de causalité.
Les personnes qui se sont engagées pour des tiers sont réputées personnellement obligées si le nom des mandants n'a pas été mentionné dans l'acte ou si le mandat n'est pas valable. Les fondateurs sont solidairement tenus de l'exécution de ces obligations.
Les articles 5:4 & 7:3 CSA renforcent l’obligation d’établir, préalablement à la constitution de la société, un plan financier, qui doit comporter plusieurs éléments :
Ce plan financier, qui est remis au notaire et conservé par ses soins sans être déposé en même temps que l’acte, a pour but de démontrer que la société pourra, pendant une période d’au moins deux ans, exercer son activité en disposant du « capital » (SA) ou des « capitaux propres de départ » (SRL) suffisants et, par conséquent, que les fondateurs ont effectué des apports proportionnés. On ne rappellera donc jamais assez la nécessité de s’entourer d’un expert-comptable pour l’établissement du plan financer.
En cas de faillite de la société prononcée dans les trois ans de l'acquisition de la personnalité juridique, les fondateurs sont solidairement responsables envers les intéressés des engagements de la société, dans une proportion fixée par le juge, si le capital (SA) ou les capitaux propres de départ (SRL) étaient, lors de la constitution, manifestement insuffisants pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période d’au moins deux ans. Le plan financier est alors transmis au tribunal de l’entreprise par le notaire, à la demande du juge-commissaire ou du procureur du Roi.
L’appréciation de la responsabilité des fondateurs sera marginale (le critère étant celui de l’actionnaire raisonnablement prudent et diligent). L’analyse du plan financier, certes nécessaire, peut être complétée par d’autres éléments de fait.
Bien entendu, les fondateurs peuvent toujours prétendre que la faillite est due à d’autres circonstances imprévisibles et que le plan financier a été établi en tenant compte de l’ensemble des éléments prévisibles compte tenu de la conjoncture et de l’activité envisagée.
Nonobstant toute disposition contraire, les fondateurs sont solidairement responsables envers les intéressés du préjudice qui est la suite immédiate et directe de :
En vertu des articles 5:11, al. 2, et 7:13 al. 2 CSA, l’acte constitutif peut désigner comme « fondateurs » un ou plusieurs actionnaires détenant au minimum un tiers du capital ou des actions. Dans cette hypothèse, les autres comparants à l’acte constitutif seront considérés comme « simples souscripteurs », et, partant, n’assumeront pas les mêmes responsabilités que les fondateurs, s’ils se bornent à souscrire des actions en numéraire et ne reçoivent, en qualité d’actionnaire, aucun avantage particulier.
Pour naviguer dans ce cadre complexe et s'assurer de la conformité, il est fortement recommandé de recourir aux conseils d'un avocat spécialisé, qui pourra vous guider et vous assister efficacement à chaque étape de la constitution de la société et en cours d’activité.
L’équipe « droit des sociétés » du cabinet Centrius se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner.
Me David BLONDEEL & Me Laïni ZECCHINI
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[1] Ph. Bossard, « CSA, Examen systématique du nouveau droit des sociétés non cotées et des associations », 2020, Anthemis, p. 356, n° 641.
[2] V. Simonart, Droit des sociétés et des associations, Université Libre de Bruxelles, 2022-2023, p.140.
[3]P. Paulus, « La responsabilité des fondateurs de société commerciale » (www.droitbelge.be).
[4]J. Mabiala, « Les responsabilités des dirigeants de société ou association » (www.sub-rosa.be mars 2022).