Fondateurs : quand votre responsabilité peut-être invoquée au-delà de la limite de votre apport…?

​​Dans le domaine des affaires, la responsabilité des administrateurs est souvent mise en avant lorsqu'il s'agit de l'éventuelle défaillance d'une entreprise. Cependant, il est crucial de ne pas négliger la responsabilité des fondateurs, qui constituent une catégorie d’actionnaires susceptibles de se retrouver engagés dans certaines situations.

Même si, dans les SRL et les SA, la responsabilité des actionnaires est limitée à leurs apports, ce qui signifie que les créanciers sociaux ne peuvent, en principe, pas agir sur leurs patrimoines privés, le fait d’exercer son activité sous le couvert d’une société ne signifie pas pour autant que les fondateurs sont, en toute circonstance, immunisés.

Cet article se propose de démystifier cet espoir en examinant, de manière simplifiée, les circonstances dans lesquelles les fondateurs peuvent être tenus responsables du passif social.

Tempéraments à la limitation de responsabilité des fondateurs

Les articles 5:15 à 5:17 et 7:17 à 7:21 du Code des sociétés & des associations (CSA) apportent des tempéraments à la limitation de responsabilité des fondateurs de SRL et de SA.

> Obligations de garantie[1]

Les fondateurs sont tenus solidairement envers les intéressés de :

  • la souscription des actions non valablement souscrites (notamment, en violation de l’interdiction pour la société de souscrire ses propres actions, par opposition à l’autorisation de les acquérir a posteriori)
  • la libération effective des actions dont ils sont ainsi réputés souscripteurs de plein droit
  • la libération d’actions valablement souscrites.

L’obligation de garantie joue de manière automatique, c’est-à-dire sans démonstration d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.

> Responsabilités

La mise en cause de la responsabilité suppose de démontrer une faute, un dommage et un lien de causalité.

Responsabilité pour engagements non valables[2]

Les personnes qui se sont engagées pour des tiers sont réputées personnellement obligées si le nom des mandants n'a pas été mentionné dans l'acte ou si le mandat n'est pas valable. Les fondateurs sont solidairement tenus de l'exécution de ces obligations.

Responsabilité pour insuffisance du plan financier[3]

Les articles 5:4 & 7:3 CSA renforcent l’obligation d’établir, préalablement à la constitution de la société, un plan financier, qui doit comporter plusieurs éléments :

  • description précise de l’activité projetée
  • aperçu de toutes les sources de financement à la constitution de la société en ce compris, le cas échéant, la mention des garanties fournies à cet égard
  • bilan d’ouverture et bilans projetés après 12 mois et 24 mois
  • comptes de résultats projetés après 12 et 24 mois
  • budget des revenus et dépenses projetés pour une période d’au moins 24 mois
  • hypothèses retenues pour l’estimation du chiffre d’affaires et de la rentabilité
  • le cas échéant, le nom de l’expert certifié ayant apporté son assistance lors de l’établissement du plan financier.

Ce plan financier, qui est remis au notaire et conservé par ses soins sans être déposé en même temps que l’acte, a pour but de démontrer que la société pourra, pendant une période d’au moins deux ans, exercer son activité en disposant du « capital » (SA) ou des « capitaux propres de départ » (SRL) suffisants et, par conséquent, que les fondateurs ont effectué des apports proportionnés. On ne rappellera donc jamais assez la nécessité de s’entourer d’un expert-comptable pour l’établissement du plan financer.

En cas de faillite de la société prononcée dans les trois ans de l'acquisition de la personnalité juridique, les fondateurs sont solidairement responsables envers les intéressés des engagements de la société, dans une proportion fixée par le juge, si le capital (SA) ou les capitaux propres de départ (SRL) étaient, lors de la constitution, manifestement insuffisants pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période d’au moins deux ans. Le plan financier est alors transmis au tribunal de l’entreprise par le notaire, à la demande du juge-commissaire ou du procureur du Roi.

L’appréciation de la responsabilité des fondateurs sera marginale (le critère étant celui de l’actionnaire raisonnablement prudent et diligent). L’analyse du plan financier, certes nécessaire, peut être complétée par d’autres éléments de fait.

Bien entendu, les fondateurs peuvent toujours prétendre que la faillite est due à d’autres circonstances imprévisibles et que le plan financier a été établi en tenant compte de l’ensemble des éléments prévisibles compte tenu de la conjoncture et de l’activité envisagée.

Responsabilité quant aux irrégularités affectant la constitution [4]

Nonobstant toute disposition contraire, les fondateurs sont solidairement responsables envers les intéressés du préjudice qui est la suite immédiate et directe de :

  • la nullité de la société, prononcée en vertu de l’article 5:13 (e. a. absence de mentions telles que la dénomination sociale ou l’objet, objet contraire à l’ordre public)
  • l'absence ou la fausseté des mentions prescrites dans l’acte constitutif
  • la surévaluation manifeste des apports en nature.

Distinction entre « fondateur » et « souscripteur »

En vertu des articles 5:11, al. 2, et 7:13 al. 2 CSA, l’acte constitutif peut désigner comme « fondateurs » un ou plusieurs actionnaires détenant au minimum un tiers du capital ou des actions. Dans cette hypothèse, les autres comparants à l’acte constitutif seront considérés comme « simples souscripteurs », et, partant, n’assumeront pas les mêmes responsabilités que les fondateurs, s’ils se bornent à souscrire des actions en numéraire et ne reçoivent, en qualité d’actionnaire, aucun avantage particulier.

Il est crucial de garder à l'esprit que, malgré le principe selon lequel la constitution d'une société limite la responsabilité des actionnaires à leurs apports, les fondateurs peuvent être tenus responsables dans certaines circonstances. Les obligations et garanties légales, l’insuffisance du plan financier et d’éventuelles irrégularités peuvent engager leur responsabilité personnelle. Par conséquent, il est essentiel qu’ils veillent scrupuleusement au respect du CSA afin de se prémunir contre toute mise en cause de leur responsabilité au-delà de leurs apports.

Pour naviguer dans ce cadre complexe et s'assurer de la conformité, il est fortement recommandé de recourir aux conseils d'un avocat spécialisé, qui pourra vous guider et vous assister efficacement à chaque étape de la constitution de la société et en cours d’activité.

L’équipe « droit des sociétés » du cabinet Centrius se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner.

Me David BLONDEEL & Me Laïni ZECCHINI

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[1] Ph. Bossard, « CSA, Examen systématique du nouveau droit des sociétés non cotées et des associations », 2020, Anthemis, p. 356, n° 641.

[2] V. Simonart, Droit des sociétés et des associations, Université Libre de Bruxelles, 2022-2023, p.140.

[3]P. Paulus, « La responsabilité des fondateurs de société commerciale » (www.droitbelge.be).

[4]J. Mabiala, « Les responsabilités des dirigeants de société ou association » (www.sub-rosa.be mars 2022).

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