La loi "portant des dispositions fiscales diverses" du 28 décembre 2023 prévoit, entre autres, une augmentation substantielle du taux de la taxe compensatoire des droits de succession ainsi que l'extension du champ d'application de cette taxe. A la dernière minute, cette augmentation a été neutralisée pour certaines institutions.
Toutefois, ceci est lié à la position TVA, de sorte qu'une analyse ad hoc par institution sera nécessaire pour déterminer les conséquences concrètes de cette modification législative.
La taxe compensatoire des droits de succession introduite en 1921, a connu remarquablement peu de changements au fil des ans. Actuellement, plusieurs changements sont en cours, notamment un taux progressif, l'inclusion des biens immobiliers étrangers dans la base d'imposition et la confirmation de l'applicabilité de la disposition générale anti-abus. Une lettre d'information expliquait déjà les conséquences négatives pour la planification successorale avec une fondation privée, mais le changement de loi peut également avoir des conséquences pernicieuses pour les clubs sportifs, les institutions culturelles et d'autres institutions à but non lucratif.
Sous l'ancienne réglementation, la taxe était un taux fixe de 0,17% sur la valeur brute des actifs de l'ASBL ou de la fondation privée. Cette taxe était due si la valeur de l'ensemble des actifs éligibles à la taxe dépassait 25.000 euros. Dans la nouvelle réglementation, il n'y a plus de taux fixe mais un taux progressif (comme pour les droits de succession) et l’exonération de 25.000,00 EUR mentionnée ci-dessus a été remplacée par un abattement de 50.000,00 EUR.
Dans le nouveau régime, les taux suivants s'appliquent :
Pour calculer l'impôt, on prend en compte l'ensemble des biens détenus par l'ASBL ou la fondation privée au 1er janvier de l'année d'imposition concernée. Concrètement, cela signifie qu'une évaluation annuelle du patrimoine doit être effectuée.
Dans le cadre du nouveau régime, les biens immobiliers situés à l'étranger doivent également être inclus dans l'assiette de l'impôt. Afin d'éviter (partiellement) une éventuelle double imposition, le nouveau régime prévoit un mécanisme de compensation pour les biens (immobiliers et mobiliers) situés ou détenus à l'étranger, qui sont soumis à l'impôt local étranger, similaire à la taxe compensatoire des droits de succession.
Afin d'éviter que la réforme de la taxe ne se traduise par une augmentation de l'impôt pour les institutions actives dans le secteur des soins, des dispositions particulières ont été prises dès le départ pour neutraliser l'impact du nouveau taux sur les institutions de soins. Ainsi, les actifs des entités qui réalisent principalement, c'est-à-dire pour plus de la moitié de leur chiffre d'affaires, des opérations dans le secteur des soins de santé ne sont inclus dans la base imposable que pour 37,7 % de leur valeur. Ces 37,7 % réduisent à nouveau le taux à 0,17 % (37,7 % de 0,45 % = 0,17 %). De facto, cela n'augmente pas la charge fiscale des établissements de soins de santé.
Initialement, cette mesure n'était envisagée que pour les établissements de soins de santé, mais elle a été étendue à la dernière minute. L'extension concerne essentiellement les ASBL et les fondations privées qui bénéficient de l'exemption de la TVA prévue à l'article 44, §2, 3° (sport), 4° a) (enseignement) et 9° (représentations théâtrales, de ballet ou cinématographiques et concerts) à condition qu’elles réalisent, pour plus de la moitié de leur chiffre d'affaires, des opérations exemptées de la TVA sur la base dudit article.
Ces institutions semblent s'en tirer à bon compte, mais elles seraient bien inspirées d'examiner de plus près si elles remplissent effectivement les conditions d'application de cette exemption. En effet, il s'agit souvent d'assujettis mixtes à la TVA qui, en plus de leur chiffre d'affaires exempté de la TVA, ont également un chiffre d'affaires non négligeable taxé à la TVA ou exempté de la TVA sur la base d'une autre exemption de la TVA. Nous pensons par exemple à un club de football qui possède une cafétéria ou une cantine ou à une association sans but lucratif qui a également beaucoup de revenus locatifs. Dans ce contexte, la question de savoir si les subventions reçues peuvent être ignorées pour l'évaluation de cette condition en particulier se pose également. Si ce n'est pas le cas, de nombreux clubs sportifs, établissements d'enseignement et institutions culturelles ne bénéficieront toujours pas de cette mesure de neutralisation.
La neutralisation de l'augmentation du taux s'applique également aux entités patrimoniales (ASBL ou fondations privées) à condition qu'il s'agisse d'un patrimoine dont "au moins 75 % est utilisé par une (autre) ASBL ou fondation privée pour la réalisation des opérations qui peuvent bénéficier de l'exemption de la TVA susmentionnée". Si l'exemption de la TVA est rejetée à la suite d'un contrôle de la TVA de l'entité opérationnelle, cela pourrait indirectement entraîner une augmentation de la taxe compensatoire des droits de succession pour les entités patrimoniales.
En outre, toutes les institutions actives dans le secteur culturel ne sont pas épargnées. Les exploitants de bibliothèques, de musées, de zoos ou de jardins botaniques, par exemple, ne peuvent pas bénéficier d'une telle neutralisation. Toutefois, les refuges pour animaux et les archives privées (dans les deux cas, y compris leurs entités patrimoniales) ont été explicitement inclus dans la mesure de neutralisation à la dernière minute.
Le nouveau règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2024. Comme le calcul de la taxe est basé sur tous les actifs détenus par l'ASBL ou la fondation privée au 1er janvier de l'année d'imposition concernée, la nouvelle réglementation s'appliquera déjà aux déclarations à déposer au plus tard le 31 mars 2024.
La taxe compensatoire des droits de succession a été réformée le 1er janvier 2024, l'augmentation du taux de 0,17% à 0,45% frappant particulièrement certains secteurs/entités. En dernière minute, la mesure de neutralisation pour le secteur des soins de santé a été étendue à certaines institutions sportives, culturelles et éducatives. Toutefois, cette mesure est soumise à une condition spécifique liée à la situation de ces institutions en matière de TVA. Concrètement, les institutions susmentionnées devront procéder à une analyse de leur situation en matière de TVA afin de déterminer si cette mesure est applicable.
Le cabinet d’avocats Tiberghien peut vous aider à déterminer les implications de ce changement de loi pour votre institution. En outre, vous pouvez faire appel à Tiberghien Economics pour l'évaluation annuelle de vos actifs. N'hésitez donc pas à nous contacter si vous avez des questions sur ces changements.
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