La hausse importante des prix de l’énergie observée au cours de l’année écoulée, et accentuée encore par la guerre en Ukraine, a eu un impact considérable sur les entreprises et les ménages. L’augmentation des prix du carburant à la pompe a souvent fait l’actualité durant ces derniers mois, et n’a pas été sans conséquence sur les frais de déplacements domicile-travail. Comment ces frais ont-ils évolué pour les travailleurs en comparaison avec les années précédentes ? Qui a été touché par ce phénomène et à quelles évolutions peut-on s’attendre en matière de déplacements domicile- travail dans un avenir proche ? Voici quelques éléments de réponse.
Les déplacements domicile-travail concernent le trajet entre le lieu de domicile et le lieu de travail, lorsque celui-ci est fixe. De nombreux travailleurs effectuent également des déplacements dits professionnels pour rendre visite à des clients ou des patients. Ces travailleurs – on pense notamment aux aides ménagères – ont été encore davantage touchés par la hausse des prix des carburants, du moins lorsqu’une partie au moins des frais est à leur charge. Les déplacements professionnels ne sont pas pris en considération dans cet article.
2 travailleurs salariés sur 3 utilisent la voiture ou la moto comme mode de transport principal pour se rendre au travail depuis leur domicile. Cela représente 2,8 millions de personnes sur les 4,2 millions de travailleurs salariés en Belgique, tous secteurs confondus1. De manière générale, la distance entre le domicile et le lieu de travail a une influence forte sur le choix du mode de transport. Néanmoins, quelle que soit la distance (à l’exception peut-être des distances très faibles, inférieures à 2 kilomètres), la voiture reste le mode de transport privilégié par une majorité de travailleurs. Pour les longs déplacements – supérieurs à 30 kilomètres –, une part conséquente des trajets s’effectue en train, en particulier en direction de Bruxelles. À l’inverse, le vélo est principalement utilisé pour les distances courtes, inférieures à 15 km. Les autres transports en commun (métro, tram, bus) sont avant tout utilisés à Bruxelles.
La distance moyenne parcourue en voiture pour se rendre au travail est de 15,3 km2, soit un peu plus de 30 kilomètres aller-retour. Un travailleur se déplaçant 20 jours par mois vers son lieu de travail parcourt donc en moyenne 613 km par mois dans le cadre de ses déplacements domicile-travail. Le développement du télétravail a permis de réduire le nombre de déplacements réalisés, mais cette possibilité n’est pas accessible à tous. La part de personnes occupées qui travaillent parfois ou régulièrement à domicile était de 37 % en 2021, contre 19 % en 2019.
La distance moyenne de trajet cache par ailleurs des disparités importantes entre les conducteurs. Ainsi, 49 % des automobilistes utilisent la voiture pour des trajets de 0 à 10 km. À l’inverse, 13 % des travailleurs se déplaçant au moyen d’une voiture sont éloignés de plus de 30 km de leur lieu de travail.
Sur la base de la distance moyenne parcourue par un travailleur et compte tenu d’une consommation de carburant de 6 litres par 100 km, il est possible d’estimer le coût moyen mensuel du carburant pour une voiture dans le cadre des déplacements domicile-travail. Entre 2020 et 2022, le coût de la consommation de carburant a augmenté de 22 euros par mois en moyenne pour les véhicules à essence et de 26 euros par mois pour les véhicules diesel, soit une hausse de près de 50 % (de 1,3 €/L à 2 €/L). Pour un travailleur distant de 15 km de son travail, cela représente un surcoût annuel situé entre 270 et 310 euros.
Ces frais de déplacements n’incombent toutefois pas toujours aux travailleurs. D’après une étude du Conseil central de l’économie réalisée en 20173, 1 salarié sur 2 du secteur privé bénéficie d’une intervention de son employeur pour les frais de déplacements domicile-travail effectués avec sa propre voiture.
De même, environ 450000 travailleurs salariés utilisent une voiture de société pour leurs déplacements domicile-travail, soit une voiture mise à la disposition d’un travailleur par sa société et qui peut être utilisée pour des besoins privés. Une part considérable de ces travailleurs (9 sur 10) bénéficie également d’une carte carburant fournie par l’employeur, et ceux-ci sont donc peu impactés par la hausse des prix à la pompe.
La hausse des prix des carburants est-elle susceptible d’entrainer un modal shift, c’est-à-dire un changement des comportements en matière de mobilité ? Bien entendu, les autres modes de transport ne sont pas non plus à l’abri des hausses de prix énergétiques, même si le remboursement des frais de déplacement est davantage la norme lorsque le travailleur se déplace en transports en commun.
Le dernier baromètre de la mobilité publié par l’institut VIAS (2022) donne des indications en ce sens, même si ce baromètre porte sur l’ensemble des déplacements, et non uniquement sur les trajets domicile-travail. Ainsi, le nombre de kilomètres parcourus en voiture au cours du premier semestre 2022 est en baisse de 23 % par rapport à la même période en 2019. La part des kilomètres parcourus en tant qu’automobiliste a baissé de 56 % à 52 %, au bénéfice principalement du vélo.
Bien qu’il ne soit pas toujours possible de se rendre sur son lieu de travail au moyen des transports en commun et que d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte lors du choix modal (par exemple la météo ou le besoin de conduire des enfants à l’école sur le chemin du travail), l’usage de la voiture ne semble pas toujours indispensable. Ainsi, en Belgique, 30 % des travailleurs habitent à moins de 5 kilomètres de leur lieu de travail. Parmi ceux-ci, 1 travailleur sur 2 se déplace avant tout en voiture ou en moto. De même, 82 % des Belges habitent à moins de 5 kilomètres d’une gare et 93 % à moins de 500 m d’un arrêt de transport en commun – encore faut-il que ce transport permette de relier le domicile au lieu de travail dans un horaire et un temps convenables.
Qu’il soit la conséquence ou non de la hausse des prix du carburant, le potentiel pour changer de mode de transport et s’orienter vers des modes de transport plus durables est donc bien présent.
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1 Cette analyse se base principalement sur le diagnostic fédéral sur les déplacements domicile-travail 2017. Le diagnostic fédéral recueille des données tous les 3 ans auprès des employeurs belges occupant plus de 100 travailleurs. Plus de 1,5 million de travailleurs sont concernés par cette enquête. Les données portent sur le mode de transport principal pour se rendre au travail, soit le mode qui couvre la plus grande distance entre le lieu de résidence et le lieu de travail pendant la majeure partie de l’année.
2 Il s’agit de la distance à vol d’oiseau entre le lieu exact de travail et le centre du code postal du lieu de domicile. Seuls les travailleurs disposant d’un lieu de travail fixe (au moins 2 jours de déplacement vers le même lieu de travail) sont pris en compte.
3 https://www.ccecrb.fgov.be/p/fr/386/estimation-approximative-des-couts-directs-des-deplacements-domicile-travail-en- belgique-pour-les-salaries-et-les-employeurs-du-secteur-prive