La nécessité d’infléchir le cours de nos économies, en particulier dans les pays industrialisés, est plus patente que jamais. Les dérèglements climatiques, les atteintes à la biodiversité et leurs effets sur la santé et la qualité de vie des humains sont toujours plus tangibles. Le « climatoscepticisme », s’il reste beaucoup trop présent en regard du consensus scientifique sur le sujet, est en recul, mais le rôle de la finance dans la transition qui s’impose à nous, lui, est sujet à des vents de face, de diverses natures. Examinons-les tour à tour.
Aujourd’hui, nos démocraties européennes réalisent qu’une armée bien équipée n’est pas une relique de peurs anciennes mais une nécessité face à des dangers d’agression à large échelle bien réels. Si donc disposer d’une armée à même de se défendre est un « must », ne faut-il pas revoir son jugement sur les entreprises cotées en bourse actives dans le secteur de l’armement et les considérer comme « investissables », voire comme positive pour l’intérêt général, au point de devoir y investir de manière privilégiée ?
La question est légitime mais, malgré l’utilité potentielle des armes, pour dissuader, protéger et se défendre, le secteur doit selon nous continuer à être exclu. D’abord, il faut faire la distinction entre ne pas investir et condamner. On peut apprécier un verre de vin ou de bière et, simultanément, souhaiter ne pas investir dans le secteur des boissons alcoolisées. Ensuite, si les entreprises d’arme ne vendaient qu’à des Etats amis, une cotation en bourse n’aurait pas plus de pertinence que pour une loterie nationale ou une société de transport en commun. Et si elle a d’autres clients que des Etats amis, alors cela devient vite suspect !
Si l’investissement responsable peut connaître des phases de sous-performance, comme en 2022, il faut, données statistiques à l’appui, résolument s’inscrire en faux contre l’idée que, dans la durée, il en coûterait, à l’investisseur, de faire le choix des placements responsables. Les indices du leader mondial en la matière sont clairs : en moyenne, depuis 2007, année de début des données, l’investissement responsable a surperformé l’investissement classique.
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que l’investissement responsable peut voir sa performance être ponctuellement affectée par des évolutions particulières. Selon que le filtre responsable écarte Nvidia et retient Tesla, ou l’inverse, la performance récente affichée sera bien différente.
Sous la pression de certains Etats américains, de grands gestionnaires d’Outre-Atlantique se sont retirés d’une initiative sectorielle visant à promouvoir l’investissement responsable, mais ces manœuvres dilatoires se heurtent tant aux performances financières de l’investissement responsable qu’à la pression de l’opinion publique, y compris aux Etats-Unis. Un article d’août 2023 de la Harvard Political Review reprenait un sondage montrant que 59% des jeunes Américains se disent préoccupés ou très préoccupés par le climat.