La chasse fiscale aux comptes bancaires étrangers et aux fonds qu’ils contiennent est ouverte

Le fisc sait presque tout de votre patrimoine mobilier, surtout lorsqu’il est logé à l’étranger

Chaque contribuable est tenu de déclarer deux fois les comptes bancaires qu’il possède à l’étranger : la première au Point de Contact Central de la Banque Nationale, la seconde dans sa déclaration fiscale à l’Impôt des Personnes Physiques (IPP).

En principe, l’administration fiscale ne peut accéder au contenu des comptes repris dans la base de données du Point de Contact Central que si elle retient et prouve des indices de fraude fiscale à l’égard d’un contribuable déterminé.

Ce n’est plus tout à fait vrai. Depuis 2016, un grand nombre d’Etats ont mis en place un système d’échange d’informations bancaires appelé « Common Reporting Standard » (CRS). L’échange de données entre Etats à des fins fiscales n’est pas nouveau. Ce qui est toutefois révolutionnaire, c’est que les informations sont envoyées automatiquement par les Etats Membres. Auparavant, une demande spécifique visant un contribuable déterminé devait être introduite auprès d’un pays déterminé.

Les banques sont ainsi tenues d’envoyer annuellement toute une série d’informations aux administrations fiscales de l’Etat de résidence de leurs clients. Les données transmises concernent aussi bien les comptes de dépôt que les comptes-titres, et sont très larges : identité du titulaire, numéro de compte, mouvement sur le compte, solde ou valeur à la fin de l’année civile, montant brut des intérêts, dividendes et autres revenus générés par les titres, etc.

Autrement dit, il ne faut pas vous voiler la face, le fisc belge sait tout de vos comptes et revenus mobiliers étrangers.

Et maintenant ? 3 ans après CRS ?

La question était celle de savoir si l’administration fiscale belge allait parvenir à traiter toutes ces data. On peut maintenant clairement dire que c’est chose faite. En mai de cette année, l’administration a envoyé une lettre à près de 200.000 contribuables qui n’avaient pas déclarés leur(s) compte(s) détenu(s) à l’étranger. Pour ce faire, rien de bien compliqué : elle a simplement recoupé la base de données du Point de Contact Central avec les informations obtenues via l’échange automatisé d’informations CRS. Heureusement, après les avoir mis en garde pour le futur, ce courrier leur a accordé une tolérance administrative : cette absence de déclaration (du compte, pas des revenus) ne sera pas sanctionnée pour l’exercice d’imposition 2018 (revenus de 2017).

Un mois plus tard, l’administration fiscale communiquait officiellement que les revenus mobiliers étrangers figurent parmi ses cibles privilégiées pour les contrôles de 2019.

Ces derniers mois, ces contrôles se sont en effet multipliés. De nombreux contribuables ont reçu un avis de rectification leur annonçant que l’administration avait appris qu’ils avaient perçu des revenus mobiliers à l’étranger non déclarés en Belgique et qu’elle allait taxer en conséquence, souvent lourdement.

Concrètement, l’administration utilise la base de données qu’elle s’est créée grâce à l’échange international d’informations et les rectifications sont envoyées aux contribuables de manière quasiautomatique. Il s’agit chaque fois, à peu de choses près, du même courrier. Ces redressements fiscaux sont donc automatisés.

Ces contrôles ne se limitent pas aux revenus mobiliers. Les titres présents sur le portefeuille peuvent avoir été reçus dans le cadre d’un plan de rémunération (stock option plan ou Restricted stock units) et constituer des revenus professionnels que l’administration taxera au taux progressif.

L’origine de vos fonds sera également passée à la loupe

Pour peu que les fonds ou titres présents sur le compte soient importants, l’administration s’intéressera à leur origine et élargira son contrôle. Si ceux-ci sont prescrits et que vous n’êtes pas en mesure de démontrer que chaque EUR d’impôt sur ces fonds a été payé, l’administration vous fera comprendre qu’à défaut pour elle de pouvoir taxer le capital prescrit, une régularisation volontaire de ceux-ci auprès du Point de Contact Central vous permettra d’éviter une dénonciation pénale au Parquet pour blanchiment de capitaux.

Le fisc peut revenir jusqu’à 5 ans en arrière, 7 ans en cas de fraude

Si les informations obtenues via CRS ne concernent que les revenus perçus à partir du 1er janvier 2016, le fisc peut néanmoins remonter jusque 5 ans en arrière à partir de l’année durant laquelle il a obtenu les informations via l’échange automatisée d’informations. 7 ans s’il y a fraude et 10 ans si les capitaux ont été dissimulés dans un paradis fiscal via une construction juridique.

L’administration présume presque systématiquement l’intention frauduleuse

A cette taxation, s’ajoute le plus souvent une amende (accroissement) correspondant à 50% du montant de l’impôt que le contribuable doit payer sur les revenus mobiliers qu’il n’a pas déclarés. L’addition est salée : si un contribuable a perçu des dividendes sur un compte détenu en Allemagne pour 10.000 EUR, il devra payer une taxation de 30% calculée sur 10.000 EUR (déduction faite de l’impôt déjà retenu à l’étranger), soit 3.000 EUR. L’accroissement sera alors de 1.500 EUR. Au total, 4.500 EUR seront donc à verser au Trésor belge (à majorer des intérêts de retard).

Un accroissement de 50% ne peut être appliqué que si l’absence de déclaration s’accompagne d’une intention frauduleuse. L’intention frauduleuse correspond à la volonté du contribuable de se procurer un avantage illégal : l’économie d’impôt. En d’autres mots, il savait qu’il devait déclarer ces revenus et a choisi, délibérément, de ne pas le faire pour ne pas payer l’impôt.

L’administration doit toujours prouver cette intention frauduleuse, ce qu’elle ne fait absolument pas dans les actuels redressements fiscaux automatisés. Le simple fait de ne pas déclarer un revenu ne peut jamais suffire à lui seul. Le fisc doit apporter des éléments concrets qui font état de l’intention qui aurait animé le contribuable au moment où il aurait dû déclarer le revenu et a décidé de ne pas le faire.


Mille autres raisons peuvent expliquer l’absence de déclaration : vous pensiez que ces revenus n’étaient pas imposés en Belgique ou que la banque avait fait le nécessaire pour vous ; vous avez reçu un compte-titre par héritage et ne vous êtes jamais vraiment intéressé à son contenu ; ou vous avez été tout simplement négligeant.

La manière de procéder de l’administration pose question. L’intention est subjective puisqu’elle caractérise l’état d’esprit d’un individu au moment de passer à l’acte. Elle doit donc être individualisée. Comment l’administration pourrait-elle apporter la preuve de l’intention qui aurait animé un contribuable déterminé alors que les avis de rectification sont envoyés de manière automatisée et que le contenu est quasiment identique pour tous ?

Le plus grave, c’est que même si cet accroissement de 50% n’en porte pas le nom, il s’agit d’une véritable amende pénale. Toutes les garanties et protections du droit pénal doivent dès lors être respectées et, dans un Etat de droit, cela commence par prouver que l’infraction a été commise intentionnellement.

Mieux vaut prévenir que guérir

Vous voilà avertis. En fiscalité comme ailleurs, prévenir vaut mieux que guérir. Les personnes concernées seront donc bien avisées d’anticiper le problème avant d’avoir la mauvaise surprise de trouver un avis de rectification dans leur boîte aux lettres. Et si c’est déjà trop tard, n’oubliez pas que vous avez des droits dont celui d’être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.

Baptistin Alaime Tuerlinckx Tax Lawyers Avocat Associate

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