Le concept de « bénéfices distribuables » s’applique à toutes les distributions, sans distinction selon que la distribution porte sur la distribution de dividendes, de tantièmes ou de toutes autres opérations assimilées. Ainsi, les opérations telles que le rachat d’actions propres ou l’octroi d’une assistance financière pour l’acquisition de ses actions par un tiers ne pourront avoir lieu qu’en se conformément au test de l’actif net établi par l’article 7 :212 du CSA.
Sans distinction par rapport au régime antérieur, c’est l’assemblée générale qui reste compétente pour décider de l’affectation du bénéfice de la société (art. 7 :149 et 7 :211 CSA).
Le bénéfice à affecter comprend le bénéfice de l’exercice, augmenté du bénéfice reporté et des réserves facultatives ou diminué de la perte reportée. Entérinant ou rejetant les propositions de l’organe d’administration, l’assemblée n’est donc pas totalement libre dans son affectation des bénéfices.
En ce qui concerne la répartition des bénéfices, le CSA prévoit qu’une partie des bénéfices doit être affectée à un fonds de réserve. L’autre partie pourra alors être distribuée, moyennant certaines conditions.
1. Les réserves obligatoires
En ce qui concerne la société anonyme, le CSA impose plusieurs cas dans lesquels les bénéfices doivent être affecté à une réserve. On peut notamment citer :
• la réserve légale (art. 7:211 CSA) ;
• la réserve indisponible correspondant au prix payé par une société pour acheter ses propres actions (7 :217 §2 CSA) ;
• la réserve indisponible d’un montant correspondant à l’aide financière octroyée par la société pour l’acquisition de ses titres par un tiers (art. 7:227) ;• la constitution d’une réserve par réduction de capital pour couvrir une perte prévisible (art. 7:210).
Conformément à l’article 7 :211 du CSA, la réserve légale est une réserve qui doit obligatoirement être constituée en vertu de la loi. Elle doit être constituée par un prélèvement annuel d’un vingtième des bénéfices au moins. Ce prélèvement sur les bénéfices cesse d’être obligatoire lorsque le fonds de réserve atteint le dixième du capital.
Elle pourrait être constituée plus rapidement et même par un prélèvement unique. À l’inverse, s’agissant d’une règle impérative, toute clause qui restreindrait cette obligation légale est illicite et donc nulle. Si le rôle de la réserve légale est de combler les pertes éventuelles, son usage peut toutefois être déterminé par les statuts ou laissé au choix de l’organe d’administration. La réserve peut ainsi être utilisée pour des investissements, comme le capital. Cependant, et en cas de pertes, cette réserve doit être affectée à l’apurement de celles-ci lorsque les réserves conventionnelles ont été épuisées. Lorsque la réserve légale est utilisée pour combler des pertes, elle doit être reconstituée dans les conditions prescrites par l’article 7 :211 du CSA, sans toutefois que ceci doive se faire par priorité au détriment d’éventuelles distributions aux actionnaires.
2. Réserves statutaires
Si les statuts prévoient la constitution d’autres réserves, l’assemblée doit se conformer à cette clause, qui ne pourrait être supprimée que par une modification des statuts. Les fonds ainsi constitués peuvent servir pour faire face à certaines difficultés imprévues, assurer la régularité des dividendes ou procéder à de nouveaux investissements. Selon la doctrine, cette hypothèse est toutefois de plus en plus rare.
3. Réserves libres
Une fois la réserve obligatoire constituée, l’assemblée peut affecter le solde des bénéfices soit à la constitution d’autres réserves, soit à la distribution de dividendes. Si des réserves libres sont constituées, elle peut les maintenir ou, lors d’un exercice ultérieur, les distribuer aux actionnaires. La constitution de réserves libres a notamment pour but l’extension des moyens de l’entreprise.
Les réserves légales, statutaires ou libres, une fois constituées, c’est-à-dire incluses dans le patrimoine de la société, jouent un rôle pour la détermination de la valeur intrinsèque des actions. Elles conserveront ce rôle jusqu’à la dissolution et la liquidation, opérations après lesquelles les réserves feront partie du solde de liquidation, sauf à avoir déjà disparu du patrimoine social ou à avoir été reprises dans le capital.
4. Report à nouveau
Le report à nouveau est la partie du bénéfice qui ne reçoit pas d’affectation définitive. Il s’agit d’une réserve libre temporaire, qui est à la disposition de l’assemblée de l’exercice suivant. Il peut servir d’assiette à un acompte sur dividende.
1. Limite : le test de l’actif net
Conformément à l’ancien article 617 du Code des sociétés, le CSA soumet les distributions de bénéfices à un test de solvabilité (ou test d’actif net), en manière telle que, conformément à l’article 7 :212 du CSA, « aucune distribution ne peut être faite lorsque l’actif net, tel qu’il résulte des comptes annuels, est, ou deviendrait, à la suite d’une telle distribution, inférieur au montant du capital libéré ou, si ce montant est supérieur, du capital appelé augmenté de toutes les réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer ».
Il est à noter que la notion de bénéfices distribuables a été légèrement modifiée par rapport à celle de l’article 617 du Code des sociétés, en ce que la partie non-amortie de la plus-value de réévaluation est désormais assimilée à une réserve légalement indisponible.
Par « actif net », il faut entendre le total de l’actif tel qu’il figure au bilan, déduction faite des provisions, des dettes et, sauf cas exceptionnels à mentionner et à justifier dans l’annexe aux comptes annuels, des montants non encore amortis des frais d’établissement et des frais de recherche et de développement. » (art. 7:212 CSA). L’actif net recouvre en réalité le terme économique de « fonds propres ». Ceux-ci résultent également de l’addition des postes du passif, exception faite des provisions et des dettes. Les engagements hors bilan ne doivent pas être pris en compte pour la détermination de ce montant. L’actif net visé par l’article 7 :212 CSA est celui qui résulte des derniers comptes annuels approuvés.
En outre, comparé à l’ancien article 617 du Code des sociétés, il convient de relever à nouveau que la portée de la règle visée à l’article 7 :212 CSA est plus large que la seule distribution de dividendes aux actionnaires et s’applique, en effet, à toutes les distributions, sans distinction selon que la décision de l’assemblée générale porte sur la distribution de dividendes, de tantièmes ou de toutes autres opérations assimilées.
2. Droit aux dividendes
Les dividendes se définissent généralement dans la doctrine comme « la part des bénéfices attribuée à chaque actionnaire » ou porteur de part bénéficiaire.
Tant que l’assemblée n’a pas voté en faveur de l’octroi d’un dividende, l’actionnaire n’a aucun droit à la distribution du dividende. Lorsque la distribution est votée, l’actionnaire acquiert un droit de créance à l’encontre de la société. Ce droit est définitif et irrévocable, quelle que soit l’évolution financière ultérieure la société.
Les dividendes à payer constituent alors des dettes figurant au passif du bilan de la société. Toutefois, la créance n’est pas encore exigible. Le dividende est décrété mais pas encore mis en paiement. L’assemblée fixe alors la date de paiement ou laisse le soin de décider de cette date à l’organe d’administration.
3. Paiement du dividende
Le dividende est en principe payé en espèces. Il pourrait être payé en nature, sous forme de biens.
Les sociétés proposent parfois à leurs actionnaires un dividende optionnel : ils ont alors le choix entre un dividende en espèces et l’attribution d’une action nouvelle. La mise en œuvre d’un dividende optionnel constitue une technique d’augmentation de capital par apport en nature : les actions nouvelles sont libérées par l’apport de la créance de dividende. Il est à noter que cette technique est à distinguer de l’attribution gratuite d’actions à l’ensemble des actionnaires (« actions de bonus ») puisque, dans cette hypothèse, l’augmentation de capital se fait au moyen de réserves ou de bénéfices non préalablement affectés à une distribution de dividendes.
4. Prescription
Les actions en paiement de dividendes se prescrivent par cinq ans (art. 2277 C. civ.). Les actions de tiers en restitution de dividendes indûment distribués sont prescrites par cinq ans, à partir de la distribution (art. 2 :143, § 1er CSA).
Source : Avocats Lenoir