Dans cette analyse publiée dans l'Echo, M° Denis-Emmanuel Philippe, avocat-associé Bloom et maître de conférences à ULiège nous livre un premier commentaire du projet de réforme de l'imposition des cadres expatriés, travaillant temporairement en Belgique, au coeur du projet de loi-programme.
Les expats (et par ricochet les multinationales qui les recrutent) figurent dans la liste des perdants de l’accord budgétaire fédéral. Le gouvernement Vivaldi a en effet décidé de briser les tabous en sabrant dans leur statut fiscal de faveur. Les recettes supplémentaires escomptées de cette mesure s’élèvent à environ 34 millions d’euros par an.
La charge salariale est l’un des principaux leviers déterminant la stratégie de localisation d’une entreprise multinationale. Or, la Belgique figure chaque année sur le podium des pays où la pression fiscale (et parafiscale) sur les salaires est la plus lourde.
La Belgique s’est appliquée depuis 1983, par la voie d’une circulaire administrative controversée, à offrir aux expats (ou cadres étrangers) un régime fiscal particulièrement avantageux. L’objectif poursuivi consiste à renforcer notre attractivité: en accordant une niche fiscale aux cadres dirigeants, on incite en effet les entreprises étrangères à déployer leurs activités en Belgique, à y investir et à créer de l’emploi.
Quelque 20.000 cadres bénéficient de ce régime aujourd’hui. Il a vocation à s’appliquer à certains cadres détachés en Belgique ou recrutés à l’étranger pour travailler temporairement en Belgique. Il est réservé aux cadres de nationalité étrangère, possédant un niveau de compétence et de responsabilité élevé.
L’avantage fiscal du dispositif actuel est double. En premier lieu, les cadres peuvent bénéficier de diverses allocations non imposables en tant que remboursements de dépenses propres à l’employeur, pour un montant de 11.250 euros. En second lieu – et c’est bien là que réside l’attrait principal du régime –, les cadres en séjour temporaire en Belgique sont considérés comme des “non-résidents”, de sorte qu’ils sont seulement imposés sur leurs revenus découlant de l’exercice de leur activité professionnelle en Belgique.
La rémunération afférente aux jours de travail à l’étranger n’est, quant à elle, pas imposable en Belgique. C’est ce que l’on appelle la “travel exclusion” dans le jargon des fiscalistes.
Si le cadre fait des déplacements professionnels à l’étranger à hauteur de 50%, l’impôt belge ne sera calculé que sur la moitié de sa rémunération. En pratique, force est de constater que cette partie de la rémunération non imposée en Belgique n’est souvent taxée nulle part ailleurs, car les cadres ne sont généralement pas résidents fiscaux dans un autre pays; autrement dit, ce sont des “apatrides fiscaux”.
Un parallèle (osé) pourrait être fait avec les fameux “excess profit rulings”, c’est-à-dire ces accords fiscaux par lesquels les autorités fiscales belges ont validé l’exonération des bénéfices dits “excédentaires” de sociétés belges appartenant à un groupe d’entreprise multinational, sans exiger que les bénéfices en question soient inclus dans la base imposable d’une société étrangère du groupe. Ce qui ouvrait la voie royale vers une “non-imposition” totale.
La Cour des comptes avait déjà émis de vives critiques à l’égard du régime fiscal des cadres étrangers (absence de base légale, absence de délai maximal pour bénéficier du régime, insuffisance des contrôles fiscaux, soupçons d’évasion fiscale, etc.).
Suivant le projet de loi soumis au Conseil d’État, le nouveau régime, qui sera applicable à partir du 1er janvier 2022, présentera notamment les caractéristiques suivantes:
Source : Bloom. 3 décembre 2021