Et voilà : Trump est élu et Musk est son évangéliste. Quel en sera l’aboutissement?
La lente et insidieuse destruction des corps représentatifs intermédiaires et l’instauration, aux États-Unis, d’un régime autocratique et plébiscitaire. L’avis du peuple ne passera plus par ses représentants, mais par un sondage permanent sur Twitter. Il n’est donc plus question de structuration de la pensée, mais plutôt d’expression des ressentis. Chacun de ces derniers vaut plus que la somme des savoirs et éruditions, puisque la réalité sera celle de l’instant, amnésique et fugace. Dans ce contexte, les intellectuels deviennent des rebuts de la société, car ils contredisent le peuple, qui a raison sans savoir peut-être où il va, et l’histoire elle-même devient inutile.
Voilà où mène le populisme : vers une forme inductive, émotive, et un jour frénétique et hystérique du pouvoir. D’ailleurs, Donald Trump a mis au vote sur Twitter l’association d’Elon Musk au gouvernement américain. C’est donc le ressenti d’un réseau qui impose sa solution. Ce sera donc une agitation permanente, un « story telling » sans fin, comme une série Netflix qui feront des électeurs des somnambules perdus dans la trame du récit de l’histoire du monde. La gestion politique deviendra devenue tâtonnante, empirique, inductive et pragmatique, alors qu’une vision déductive serait préférable. Bertolt Brecht (1898-1956) soulignait déjà ce paradoxe en référence à la République de Weimar : «Tout le pouvoir vient du peuple. Mais où va-t-il ? » Il ajoutait néanmoins qu’il n’était pas possible de «dissoudre le peuple pour en élire un autre à sa place»
Mais même chez nous, cela arrive : un homme politique belge a dit, avant les élections de juin 2024 : « Quand les journalistes et les universitaires – corps intellectuels qui sont censés donner une direction à la société – pensent à l’opposé de la masse de la population qui est de plus en plus à droite, c’est la faillite des élites ».
Le monde va perdre son ancrage, sa verticalité pour devenir un filament d’émotions fugaces. Mais je vais plus loin : Twitter va devenir le plus grand autodafé de l’histoire. Qu’est-ce qu’un autodafé ? C’est une cérémonie où des hérétiques étaient condamnés au supplice du feu par l’Inquisition. Mais c’est aussi la destruction des livres, donc du savoir, par le feu. L’Église catholique mettait à l’index ; d’autres régimes furent plus radicaux.