
La grille des loyers désormais contraignante en Région bruxelloise soulève des questions de fond. A l’opposé de ses louables objectifs, la mesure freine les investissements résidentiels, menace la qualité de l’offre et aggrave la pénurie de logements. Des solutions existent pour concilier pression sur les loyers et dynamisme du marché.
L’ordonnance bruxelloise contre les loyers abusifs est entrée en vigueur le 1er mai dernier. Si l’objectif affiché rassemble à juste titre, le choix de l’outil interroge. De fait, la grille des loyers soulève de nombreuses critiques sur le terrain : elle est rigide, peu transparente et repose sur des données anciennes. Elle ne tient pas compte des évolutions post-Covid, de la diversité des biens, ni de la réalité des coûts de construction ou de rénovation.
Or, en prétendant définir un « juste loyer » sur la base de critères simplifiés, elle envoie un signal flou aux opérateurs. Elle s’applique à l’ensemble du marché alors qu’elle vise à protéger les locataires victimes de biens insalubres et de loyers manifestement abusifs. Ce n’est pas une ordonnance contre les abus : c’est une régulation générale des prix qui ne dit pas son nom.
Mais au-delà du principe, ce sont surtout les effets concrets qui inquiètent. En réduisant la lisibilité du marché et en introduisant un risque réglementaire accru, la grille risque de freiner les investissements.
Moins d’acquisitions, moins de rénovations, moins de constructions : c’est l’offre, et donc l’accessibilité au logement, qui s’en trouvent menacées. Une régulation mal calibrée finit par produire l’effet inverse de celui recherché. Elle fige le marché. Aussi, elle incite les petits investisseurs à vendre, souvent à des acquéreurs qui deviendront propriétaires occupants, ce qui retire des biens du marché locatif. Or, dans un contexte marqué par une mobilité accrue, des parcours de vie plus fragmentés et des difficultés d’accès à la propriété, le marché locatif joue un rôle clé.
L’ordonnance sur les loyers abusifs décourage également l’effort de qualité, car dans le calcul du loyer maximal, la grille ne valorise pas suffisamment le confort ni les éléments qui interviennent dans le coût total du logement (charges, entretien locatif, etc.) et n’accorde pas à la performance énergétique le poids qu’elle devrait représenter.
S'il doit y avoir un encadrement, alors celui-ci se doit d'être cohérent, fondé sur des incitants clairs et des règles stables. Pour rééquilibrer le marché et augmenter l’offre, il existe des pistes permettant de concilier attractivité pour les investisseurs et attractivité pour les locataires.
Le logement est un bien de première nécessité. Il mérite mieux qu’une réponse partielle, appliquée de manière précipitée. Pour protéger les locataires, il faut créer les conditions pour qu’ils aient le choix : des logements de qualité, en suffisance et à loyer abordable. Cela suppose d’écouter aussi ceux qui construisent, rénovent, financent et gèrent ce parc.
Nous appelons à un cadre prévisible, transparent et constructif, aligné avec les objectifs climatiques et sociaux. Nous sommes prêts à y contribuer. Mais en adoptant une logique punitive, c’est toute la dynamique du marché locatif bruxellois qui risque de se gripper et, avec elle, l’espoir d’un logement réellement accessible pour tous.
Signataires
Sam Bordon, Head of Investment d’ION
Preben Bruggeman, CEO de Home Invest Belgium
Julie De Bruyn, Investment Director chez Buysse & Partners
Etienne de Callataÿ, Chief Economist d’Orcadia Asset Management
Laurent Hanseeuw, administrateur délégué de sociétés immobilières
Toon Haverals, Managing Partner de LIFE.BE
Katrien Kempe, administratrice de l’UPSI
Romeo Mercken, CEO de Quares
Saskia Roosen, Head of Investment Management Belux de PATRIZIA
Jean-Baptiste Van Ex, CEO de Vicinity
Pierre Verlinden, Administrateur délégué de Goddard Loyd