La question alimentaire fait partie de la crise que nous traversons: déplacements de repas et de consommation de boissons de l'HORECA vers le domicile, intérêt important pour le "sec" et succès des aliments surgelés, constitution de stocks (la ruée sur les magasins des débuts de crise), hausse des prix, pour certains produits en tout cas, difficultés dans le secteur de l'aide alimentaire, augmentation des ventes de certains équipements (machines à pain, congélateurs), (re)découverte par beaucoup de consommateurs des circuits courts, un rappel de l'importance des saisonniers.
Si on ne sait pas encore comment évolueront ces comportements après le déconfinement, l'alimentation fait l'objet depuis quelques années d'analyses, de propositions de changements structurels et de démarches (circuits courts, montée du bio, etc.) qui, dans le cadre du défi climatique et des enjeux de biodiversité, ne sont pas près de s'arrêter.
Dans ce contexte, la nouvelle analyse de l'Institut pour un Développement Durable propose une mise en perspective des dépenses alimentaires dans la consommation des ménages belges.
L'augmentation de long terme du niveau de vie a conduit à un recul de la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages de 27,8% en 1960 à 11,1% en 2018. On constate néanmoins que cette part est plus ou moins stable autour de 11% depuis l'an 2000.
Attention, il faut noter qu'une une part croissante des dépenses alimentaires est désormais assurée via les restaurants et les dépenses à l'étranger, deux consommations qui ont augmenté plus vite que les dépenses alimentaires.
La structure des consommations alimentaires a bien sûr bougé au cours du temps. Entre 1978 et 2018 on observe (notamment) :
On a été longtemps habitués à une baisse structurelle des prix des produits alimentaires relativement à la moyenne des prix.
Mais des inflexions sont apparues depuis 2000, en particulier au cours des années 2005-2012 qui ont enregistré des hausses significatives des prix d'une série de produits emblématiques. Ont, par exemple, vu leur prix augmenter plus vite que la moyenne des prix : les pommes de terre (leur prix à triplé entre 1996 et 2020!), le beurre, les œufs, les farines, le pain et le lait. Par contre, pour la viande de porc et le yaourt, les prix ont évolué au même rythme que la moyenne des prix.
Ces produits emblématiques ne donnent bien sûr qu'une image partielle des évolutions des prix alimentaires. Mais au total, les prix alimentaires ont augmenté de 9% de plus que la moyenne des prix entre 1996 et 2020 (2 premiers mois).
Les unes dans les autres, ces évolutions aboutissent à ce que la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages remonte au cours de ces dernières années.
Contrairement à ce qui est souvent avancé, la part des dépenses alimentaires dans le total des dépenses des ménages ne bouge pas d'un quartile à l'autre.
Par contre, la part des achats alimentaires indirects, via les repas à l'extérieur ou livrés à domicile, augmente avec les revenus, de 2,9% pour le 1er quartile à 5,2% pour le 4ième quartile.
Analyser les tendances passées, même récentes, alors que l'on s'attend à des inflexions majeures dans la foulé de le crise peut paraître vain.
Ce qui convaincu l'Institut pour un Développement Durable de le faire malgré tout c'est que la nature et l'ampleur de ces changements pourront être mieux appréhendées sur base des tendances passées. Et la principale dans cette perspective est que la part des dépenses alimentaires dans les dépenses des ménages était, déjà avant la crise, appelée à augmenter.
Quant aux évolutions de la structure des dépenses alimentaires il est évidemment trop tôt pour savoir celles qui, le cas échéant, connaîtront des points d'inflexion et/ou des accélérations.
Ceci dit, une fois de plus on constate que l'appareil statistique belge manque d'ambition pour suivre au plus près ce qui sera un enjeu socio-économique majeur de la période qui s'est ouverte avec la crise sanitaire ;
Illustrations ?
Pour le reste et pour la suite, on verra. Mais l'augmentation récente, pour la première fois depuis longtemps, du nombre d'indépendants actifs en agriculture est le signe que cela bouge sur le terrain, voire un signe d'espoir.
Plus de développements dans la note jointe.
A votre disposition.
Philippe Defeyt
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