
Le 11 juin 2025, le Tribunal de première instance de Bruxelles (affaire n° 2024/85/A) a rendu une décision importante en matière d’application de la Directive Intérêts et Redevances (2003/49/CE).
Il a jugé que l’exonération du précompte mobilier prévue par cette directive peut encore s’appliquer même si le certificat fiscal est introduit au-delà du délai de 15 jours suivant le paiement ou l’attribution des intérêts, pour autant que les conditions de fond soient remplies.
Cette position contraste avec celle adoptée par la Cour d’appel de Gand le 18 mars 2014, selon laquelle le certificat devait être remis au plus tard dans les quinze jours après le paiement des intérêts.
Cette interprétation stricte a longtemps dominé la pratique administrative et influencé les analyses de risques dans les opérations de fusions-acquisitions (M&A), notamment en raison du risque de remise en cause rétroactive de l’exonération.
La Cour de Bruxelles a privilégié une lecture plus substantielle que formelle de la règle.
Elle constate qu’aucun texte, ni en droit belge ni dans la directive, n’exige explicitement que le certificat soit disponible au moment du paiement.
Le certificat est donc considéré comme un moyen de preuve permettant de démontrer que les conditions de l’exonération sont réunies, et non comme une condition constitutive du droit à l’exonération.
Cette approche « fond sur forme » s’inscrit dans la logique du droit fiscal européen, qui tend à faire primer la réalité économique sur les contraintes administratives, dès lors que la substance juridique est respectée.
Il s’agit certes d’une décision de première instance, susceptible d’appel, mais elle marque une évolution significative.
Elle invite à réévaluer la pratique consistant à refuser l’exonération pour simple tardiveté, sans examen de fond.
Une telle approche, plus conforme à l’esprit du droit de l’Union, favorise la proportionnalité et la sécurité juridique des opérateurs transfrontaliers.
En pratique, cette question demeure un risque fiscal souvent sous-estimé dans les audits d’acquisition.
Un simple retard dans le dépôt d’un certificat peut entraîner une exposition substantielle au précompte mobilier, avec des effets financiers lourds.
La décision de Bruxelles apporte un équilibre bienvenu entre rigueur administrative et logique économique, mais elle ne dispense pas les contribuables d’une discipline documentaire rigoureuse.
Cette affaire illustre l’évolution du contentieux belge vers une application plus cohérente du principe de primauté de la substance sur la forme en droit fiscal européen.
Elle constitue un précédent intéressant, à suivre de près dans les prochaines décisions d’appel.