Les SCI françaises dites translucides dans le tourbillon de la fiscalité belge ?

I. Nous avons, dans le cadre d’une précédente note, attiré l’attention sur le fait que le législateur fiscal belge n’a pas couvert les sociétés immobilières françaises dites translucides.

FiscalitéF.F.F.Les SCI françaises translucides et la Belgique : le désamour ?

Ces sociétés ne sont pas spécifiquement mentionnées dans l’article 2, § 1er, 13°, b), alinéa 2, 2° CIR 1992 qui étend l’application de la taxe dite Caïman aux SCI qui ne respecteraient pas certaines conditions depuis décembre 2023 (Loi 22.12.2023).

Il faut donc se référer aux travaux parlementaires dans lesquels à plusieurs reprises il est dit : «

  • La SCI française est une société civile immobilière fiscalement translucide, dotée de la personnalité juridique.
  • Dans une construction SCI, la société est propriétaire du bien immobilier et les associés détiennent des parts sociales.
  • En principe, la SCI est fiscalement transparente en France. Cela signifie que les associés sont imposés en France comme s’ils étaient directement propriétaires du bien.
  • En raison de la présence de la personnalité juridique, cette société est en principe considérée comme une personne imposable distincte du point de vue belge.
  • -Par conséquent, cette forme juridique entre dans le champ d’application de la taxe Caïman lorsque les actionnaires sont des habitants du Royaume. » (je mets des tirets).

Qu’a voulu dire le législateur ?

D’après lui, la SCI française est « une société civile immobilière fiscalement translucide, dotée de la personnalité juridique. Dans une construction SCI, la société est propriétaire du bien immobilier et les associés détiennent des parts sociales ». Il est correct d’affirmer que dans le cas de sociétés translucides la SCI est propriétaire du bien immobilier et que les associés détiennent des parts sociales mais .... toutes les SCI françaises ne sont pas fiscalement translucides !

Le législateur poursuit « En principe, la SCI est fiscalement transparente en France. Cela signifie que les associés sont imposés en France comme s’ils étaient directement propriétaires du bien. En raison de la présence de la personnalité juridique, cette société est en principe considérée comme une personne imposable distincte du point de vue belge » (je mets en caractères gras). Ceci n’est vrai que pour les SCI dites fiscalement transparentes dont les membres sont considérés, sur le plan fiscal comme personnellement propriétaires des locaux à la jouissance desquels leurs parts sociales leur donnent vocation. Ici gît toute la confusion et on peut la comprendre vu le nombre de commentateurs qui parlent de translucidité pour couvrir une transparence fiscale. Sauf qu’une SCI fiscalement translucide, on l’appelle aussi semi-transparente, n’est pas une SCI fiscalement transparente, ce sont des concepts totalement différents.

Le législateur conclut : « Par conséquent, cette forme juridique entre dans le champ d’application de la taxe Caïman lorsque les actionnaires sont des habitants du Royaume ».

Conclusion : De la construction du texte résulte que le législateur vise (a) des SCI ayant une personnalité juridique, (b) fiscalement transparentes, (c) dont les associés sont imposés comme s’il étaient directement propriétaires du bien.

Cette définition n’est pas celle d’une SCI translucide. Les sociétés dites translucides ou semi-transparentes ne sont donc pas visées par la définition des SCI couvertes par la taxe Caïman.

II. J’en veux pour autre preuve une modification en matière de cadastre belge apparaissant dans la loi du 17 février 2021, sans aucune explication dans les travaux parlementaires comme si pour le législateur elle allait de soi. Désormais l’article 471, § 1er, 2° ,b) CIR 1992 se lit comme suit : « Un revenu cadastral (belge) est déterminé pour tous les biens immobiliers bâtis … pour autant que ces biens soient situés à l'étranger et qu'une construction juridique, dont un habitant du Royaume … est fondateur, soit titulaire d'un droit réel sur ces biens ». Ce sera alors au seul fondateur, dénommé « le contribuable belge » (article 473, § 1er CIR 1992), à déclarer à l’administration belge tout bâtiment propriété de la SCI / Construction juridique (articles 473, § 1er et § 3° CIR 1992).

Nous avons une SCI détentrice d’un droit réel sur un immeuble mais comme elle est réputée être fiscalement une construction juridique belge seul le fondateur, réputé contribuable belge en matière de cadastre, peut et doit faire attribuer un revenu cadastral belge à l’immeuble. Dés qu’une SCI française possédant un immeuble est considérée comme étant une construction juridique selon le droit belge, il y a une obligation à demander à l’administration belge de fixer un revenu cadastral belge pour cet immeuble.

Cette SCI ayant la personnalité juridique on pourrait croire que c’est elle, SCI / Construction juridique, qui devra effectuer cette déclaration. Non, c’est au fondateur, le contribuable belge (article 473, § 1er CIR 1992), à le faire.

Le législateur belge fait ainsi fi de la personnalité juridique de la SCI / Construction juridique en raison de la transparence fiscale (belge) et attribue un revenu cadastral belge à l’immeuble à déclarer par le fondateur comme s’il en était propriétaire. Le formulaire à introduire auprès de l’administration du cadastre belge ne mentionne pas la SCI / Construction juridique pourtant détentrice des droits réels sur l'immeuble. Le fondateur / contribuable belge se fait attribuer fiscalement une propriété en France, d’un immeuble de la SCI.

Nous avons une similitude totale avec la SCI fiscalement transparente en France dont « Les membres sont considérés, sur le plan fiscal, comme personnellement propriétaires des locaux à la jouissance desquels leurs parts sociales leur donnent vocation » (Circulaire DGFIP – point 50). Notons ainsi que pour l’acquisition d’immeubles neufs par une SCI transparente afin d’établir la valeur cadastrale française le formulaire H1 doit être souscrit par le seul porteur de parts.

III. Pour un même immeuble en France propriété de la SCI française devenue construction juridique belge selon des critères internes dont l’application aux SCI françaises fiscalement translucides est questionnable, sans référence à la convention préventive de la double imposition nous aurons un revenu cadastral français qui se retrouve sur les enrôlements à la taxe foncière puisque sa base d'imposition est égale à la moitié de la valeur locative cadastrale française et un revenu cadastral belge, ce dernier dans le cadre de l’article 5/1, § 1er, (al 1°) CIR 1992 où, toutefois, la transparence fiscale ne peut s’appliquer qu’aux, et uniquement aux, revenus perçus par la SCI. Selon les commentateurs belges, c’est manifestement le cas d’un revenu cadastral belge.

Allez comprendre.

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