La simplification administrative est à souhaiter, pas le renoncement à la transparence environnementale et sociale.
Qui s’oppose à la simplification administrative ? Personne, bien entendu, et les promesses en la matière sont nombreuses qu’anciennes : réduire le nombre de cases sur la feuille d’impôt, diminuer le nombre de pages du Moniteur, imposer des délais de réaction à l’administration, obtenir l’information souhaitée en ligne, … Que l’antienne soit ancienne signifie que simplifier, c’est tout sauf simple. Cela s’explique. Le monde est complexe, et les arbitrages politiques aussi. Prenons le cas récent de la proposition de taxation des plus-values. Faut-il souhaiter qu’un montant de base soit exonéré, que la durée de détention soit prise en compte, que les entreprises familiales bénéficient d’un traitement différencié, ou que l’absence de cotation boursière soit un critère ?
S’il faut admettre une dose de complexité, il faut néanmoins réaffirmer l’importance de la simplicité. D’abord, pour ne pas embêter les citoyens avec des formalités chronophages et des règles floues, créant de l’insécurité. Ensuite, parce que la complexité est inégalitaire. En matière d’impôt, celui pour qui l’enjeu financier en vaut la peine fera appel à un fiscaliste qui l’aidera dans les méandres de la voie la moins imposée, pas le contribuable aux plus faibles moyens. Enfin, car derrière la complexité se trouvent souvent des intérêts particuliers qui exercent un pouvoir de « capture ». Quand on complexifie la fiscalité avec la déductibilité des primes d’assurance pour l’assistance juridique, le montant de la prime d’assurance augmente. Même chose avec l’épargne-pension, où banques et compagnies d’assurance se sucrent au passage, la FSMA vient de le rappeler. Et ceci n’est pas limité aux impôts. Il en va de même avec les subventions : quand le gouvernement flamand supprime la prime pour l’achat d’une voiture électrique, un constructeur coréen annonce qu’il baisse ses prix à due concurrence. Et les cabinets de consultance sont les bénéficiaires directs des règlementations complexes !
Si la complexité doit donc beaucoup aux lobbies, il nous faut aujourd’hui prendre conscience d’un autre risque. Sous couvert de simplification administrative, un lobbying est à l’œuvre pour pousser un agenda de déréglementation, et notamment en matière environnementale, et malheureusement la Commission européenne y succombe. Elle a conçu des paquets de mesures dits « omnibus » visant à simplifier les règles en matière de durabilité et d'investissements, cela afin, se vante-t-elle, de réduire les charges administratives pour un montant de plus de 6 milliards d'euros. Le montant apparaît élevé, mais est en fait dérisoire : cela représente un trentième d’un pour cent du PIB de l’Union (oui, vous avez bien lu !). Et pour cet avantage infinitésimal, nous voici prêts à renoncer à ce qui, en regard de la nature, semblait être la moindre des choses pour le monde de l’entreprise : être transparent quant à l’incidence de son activité sur l’environnement. Incidemment, une étude commanditée par la Commission impliquant notamment la London School of Economics avait montré en 2020 que le coût des obligations de contrôle (« due diligence ») demandées en matière environnementales et de droits humains aux grandes entreprises était, lui aussi, parfaitement négligeable.[1] Ah, les vents tournent !
Non, simplifier et déréglementer, ce n’est pas la même chose. Avoir un chargeur universel pour les téléphones portables, cela simplifie la vie et réduit les coûts, mais passe par une règlementation ! Pour circuler librement dans l’espace Schengen et exporter dans l’Union, il a fallu réglementer. Bien sûr qu’il y a des réglementations qui peuvent et doivent être simplifiées, mais confondre simplification et déréglementation, voilà une simplification excessive !
[1] European Commission: Directorate-General for Justice and Consumers, British Institute of International and Comparative Law, Civic Consulting, LSE, Torres-Cortés, F. et al., Study on due diligence requirements through the supply chain – Final report, Publications Office, 2020, https://data.europa.eu/doi/10.2838/39830