Le précompte immobilier est un impôt régional que les propriétaires de biens immobiliers doivent payer chaque année. Il se compose d'une taxe de base destinée à la Région, et de centimes additionnels destinés aux communes. Ces centimes additionnels sont actuellement fixés de manière uniforme pour l'ensemble du territoire communal, quel que soit le type ou la localisation du bien.
Cependant, cette situation pourrait bientôt changer, grâce à une réforme portée par le gouvernement bruxellois, qui a approuvé en première lecture un projet d'ordonnance visant à instaurer le précompte immobilier différencié. Ce mécanisme permettrait aux communes de moduler les centimes additionnels en fonction de différents critères, tels que:
L'objectif de cette réforme est de moderniser la fiscalité communale, de la simplifier et de la rendre plus équitable. En effet, le précompte immobilier différencié pourrait permettre aux communes de :
Le précompte immobilier différencié existe déjà en Flandre, où il a été introduit en 2023. Les communes flamandes ont ainsi la possibilité de fixer des taux différents pour les biens occupés par le propriétaire, les biens loués à des fins sociales, les biens situés dans des zones de rénovation urbaine, etc. Selon le ministre flamand des Finances, Matthias Diependaele, cette mesure a permis aux communes de réduire leur pression fiscale globale, tout en tenant compte des besoins spécifiques de leur territoire.
Le projet d'ordonnance bruxellois doit encore recevoir l'avis du Conseil d'État, avant d'être soumis au vote du Parlement. Si tout se passe bien, le précompte immobilier différencié pourrait entrer en vigueur à Bruxelles dès 2025.
Cette initiative ne doit pas masquer une réalité bruxelloise : la pression fiscale immobilière y est forte, très forte et largement supérieure à celle des deux autres régions.
En 2023, les centimes additionnels s'élevaient en moyenne à 3.272 en région Bruxelloise, pour 2.585 en Wallonie et 899 en Flandres. Ces centimes étaient 30% moins élevés en 2012 (à 2.750) dans la même région. Cette évolution est distincte de l'inflation qui, elle, a gonflé le précompte de près de 10% en 2023 et 4% en 2024…
L'initiative vient des ministres du Budget et de l'Emploi. Ce dernier est aussi bourgmestre empêché à Schaerbeek, commune où l'augmentation s'élève sous son ère à 63%, avec des centimes additionnels à 4.191, ce qui en fait le record de Belgique.
Sachant que cette commune dispose également de taxe sur les surfaces de bureaux et que le budget communal ne permettra aucun arbitrage favorable, on peut s'inquiéter sur les perspectives fiscales immobilières de Schaerbeek. Ne devient-il pas lourd d'y posséder un bien?
Ce qui est vrai à Schaerbeek est également vrai pour toutes les autres communes bruxelloises. Car ce ne serait objectif de ne pas rappeler que parallèlement à cette hausse disproportionnée de la fiscalité immobilière cohabite une modération de la fiscalité à l'impôt sur le revenu. Et sur ce point certaines communes bruxelloises, dont Schaerbeek, ont tenu leur parole en baissant leurs décimes additionnelles à l'IPP. Schaerbeek est d'ailleurs le bon élève bruxellois sur ce point! L'idée de cette réforme est de défiscaliser 'un peu' le travail pour fiscaliser 'un peu plus' le patrimoine (et plus précisément l'immobilier). Le principe est habile et raisonnable, mais dans les faits, le second progresse plus que le premier, tandis que le premier n'est pas très rentable pour la commune, car ses habitants disposent de revenus professionnels modiques.
Ce « shift" interpelle, car il masque, en réalité, les volontés communale et régionale de gonfler leurs moyens alors que le problème majeur reste celui du sous-financement de Bruxelles. Se retourner sur les propriétaires pour se refaire une santé est donc un leurre qui ne produira pas de solution à long terme et des effets de bord à court terme, comme l'augmentation continue des loyers ou la fuite progressive des investisseurs immobiliers…
Au-delà de l'impact sur les loyers, il y a aussi l'ambition de maintenir une population bruxelloise contributive : la fameuse classe moyenne supérieure. Or, les statistiques montrent un exode continu vers la périphérie, et en particulier la flandres dont la fiscalité immobilière est sensiblement plus attractive! Des recherches, y compris une menée par l'Institut Bruxellois de Statistique (IBSA) en juin 2023, ont démontré que les individus quittant Bruxelles sont principalement issus de la classe moyenne supérieure. La réduction de la base fiscale due à ces départs pourrait mettre en péril l'équilibre financier de Bruxelles, menaçant de diviser la région en zones de prospérité et de déclin économique, avec certaines communes prospérant tandis que d'autres seront confrontées à un appauvrissement progressif.
Ne serait-il pas tant d'y penser sérieusement en privilégiant les choix, notamment des politiques fiscales, au regard de leurs effets à long terme?
Restons de bon ton. L'idée d'intégrer, par flexibilité, les charges immobilières dans un seul impôt est louable. Elle facilitera sa gestion, son anticipation et son recouvrement.
Mais cette proposition reste avant tout un outil, candidat de plus à la dérive, car il n'est pas conditionné.
Concrètement, n'importe quelle commune pourra le déployer sans atteindre l'objectif de simplification qui aurait dû être contraignant selon un nouvel adage "pas de précompte différencié sans simplifier" (la fiscalité immobilière).
Mais la contrainte est difficile, car elle le serait pour deux niveaux de pouvoir (commune et région), ce qui rend presque l'ambition intangible. Et ça, c'est la politique belge et sa langoureuse inefficience…