Principe général anti-abus européen : la Cour de cassation tempère le principe !

L’administration fiscale belge combat de plus en plus les montages d’optimisation fiscale abusifs en invoquant notamment le principe général anti-abus européen. Dans deux arrêts du 25 novembre 2021, la Cour de cassation a réduit la portée de ce principe au seul usage (abusif) d’une règle du droit de l’Union (primaire ou dérivé). A noter que la Cour de cassation devrait prochainement être amenée à se prononcer sur l'application "rétroactive" de ce principe européen anti-abus.

Il apparait, dans la jurisprudence récente des juges du fond en Belgique, que ces arrêts de la Cour de cassation n’ont pas (encore) mis un terme à ce jour aux velléités de l’administration fiscale belge:

  1. Arrêt de la Cour d'appel de Gand du 21 juin 2022 - il était question d’un remboursement de capital opéré par une société belge au profit de son actionnaire personne physique résident belge. La Cour a rappelé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le dossier sous l’angle du principe général anti-abus de droit européen, puisqu’il n’était nullement question de l’usage d’un quelconque avantage issu du droit européen
  2. Arrêt de la Cour d'appel de Gand du 3 janvier 2023 - le fisc s'était fondé sur la mesure générale anti-abus (article 344,§1er du CIR) pour imposer une distribution de dividende de 4.126.987 EUR faite en 2014 à une SPF luxembourgeoise dans le chef de son actionnaire personne physique (manager d'un fonds de private equity) au titre de revenu professionnel. Le fisc considérait que la construction "artificielle" mise en place constituait un "abus fiscal", car elle avait permis au contribuable de se placer en dehors du champ d'application des articles 23, 24 et 25 du CIR (articles du Code qui traitent des revenus professionnels imposables).

La Cour d'appel a rejeté l'application de l'article 344,§1er du CIR, dès lors que la mesure générale anti-abus ne permet pas au fisc de toucher aux faits, lorsqu'il procède à une conversion ou requalification d'actes juridiques. Or, en l'espèce, la SPF n'avait PAS fait de distributions de dividendes à son actionnaire personne physique. Comment pourrait-on dès lors taxer l'actionnaire particulier au titre de revenu professionnel, sans toucher aux faits ?

Le fisc avait invoqué à titre subsidiaire la violation du principe anti-abus de droit européen, au motif que le contribuable s'était placé en dehors du champ des articles 23, 24 et 25 du CIR en faisant usage de la libre circulation des capitaux et de la liberté d'établissement (constitution de la SPF luxembourgeoise). La Cour a écarté cet argument en se fondant sur le fait que la SPF était dotée d'une substance suffisante. Question en suspens: si la SPF n'avait pas eu la substance suffisante requise, le principe anti-abus de droit européen aurait-il permis au fisc de taxer par transparence les revenus de la SPF (la taxe Caïman n'était pas encore en vigueur à l'époque...)?

Voir mon article dans L'Echo.

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