Puis-je enregistrer en cachette une conversation et m'en servir à titre de preuve?

Cette question nous est souvent posée lors d’entretiens avec des clients : peut-on enregistrer « en cachette » une partie adverse, lors d’une conversation en tête-à-tête, ou une telle pratique est-elle considérée comme illégale ?

La Cour de cassation estime que l’article 8.1 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) n’interdit pas le simple enregistrement d’une discussion par une personne qui y participe, à l’insu des autres participants[1]. En droit belge, l’enregistrement d’une conversation n’est pas non plus, en principe, prohibé.

Néanmoins, rappelons qu’aux termes de l’article 314, §2, al. 2 du Code pénal, est puni « quiconque qui, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, utilise un enregistrement, légalement effectué, de communications non accessibles au public ou de données d’un système informatique ».

La jurisprudence est, sur ce point, très claire : « l’enregistrement caché d’une conversation ne peut être admise comme une preuve que dans des circonstances exceptionnelles et en particulier si la preuve du fait peut seulement être rapportée de cette manière »[2]. C’est ce qu’a confirmé le tribunal de première instance de Bruxelles dans un jugement du 16 juillet 2014 : ce type de preuve n’est admise que lorsqu’il n’y a « pas d’autre choix »[3].

La Cour de cassation rappelle que l’usage d’un enregistrement est interdit lorsqu’il ne répond pas à « l’attente raisonnable du respect de la vie privée ». Elle estime également que :

« L'utilisation d'une preuve obtenue illégalement ne peut être écartée, sauf disposition contraire expresse de la loi, que si l'obtention de cette preuve porte atteinte à la fiabilité de celle-ci ou compromet le droit à un procès équitable. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment de la manière dont la preuve a été obtenue, des circonstances dans lesquelles l'illégalité a été commise, de la gravité de celle-ci et de la mesure dans laquelle elle a porté atteinte au droit de la partie adverse, du besoin de preuve de la partie qui a commis l'illégalité et de l'attitude de la partie adverse (Art. 6 CEDH)[4]. »

Il appartient dès lors au juge d’apprécier l’utilisation et la production des enregistrements à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles ils ont été effectués. Il tient compte du critère de l’attente raisonnable du respect à la vie privée des participants à la discussion et de l’objectif de l’enregistrement[5]. Il prend en considération, notamment, le contenu de la conversation, les circonstances dans lesquelles elle s’est tenue, la qualité des participants ainsi que celle du destinataire de l’enregistrement.

Vous êtes dans une situation aussi délicate et vous ne savez pas comment réagir ? N’hésitez pas à contacter le département de Me David BLONDEEL, qui vous assistera à chaque étape de votre dossier.

Me David BLONDEEL & Me Cassandre NOEL

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[1] Cass., 9 janvier 2001, Arr. Cass. 2001, 26; Cass. 9 septembre 2008, Arr. Cass. 2008, p. 1890.

[2] Gand (14e ch.), 16 février 2010, T.G.R. 2010, p. 260.

[3] Civ. Bruxelles (réf.), 16 juillet 2014, J.T., 2015, p. 20.

[4] Cass. 14 juin 2021, J.L.M.B., 2021, p. 1470 ; voy., dans le même sens, Cass. 10 mars 2008, J.L.M.B., 2009, p. 580.

[5] Cass., 9 septembre 2008, Arr. Cass. 2008, p. 1890.

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