Quelle rémunération faut-il attribuer pour avoir droit au taux réduit et échapper à la cotisation de 5%

La réforme de l’impôt des sociétés est entrée en vigueur le 1er janvier. La confusion semble régner chez beaucoup de praticiens au niveau des conditions pour bénéficier du taux d’imposition réduit de 20,4% et au niveau du calcul de la cotisation distincte de 5% applicable aux sociétés qui attribuent à leur dirigeant une rémunération jugée insuffisante.


Le Ministre des Finances a, en réponse à une question parlementaire, apporté des éclaircissements.


Taux d’imposition réduit de 20,4%


Les PME qui répondent à certaines conditions peuvent à partir de 2018 bénéficier d’un taux d’imposition réduit de 20,4% sur les premiers 100.000 € de revenus imposables.


Ces conditions sont les suivantes :


  • La société doit être une PME selon l’article 15 du Code des sociétés (critères de taille)
  • Le capital de la société doit majoritairement être détenu par des personnes physiques
  • La société ne doit pas être considérée comme une « société financière »
  • La société doit octroyer une rémunération minimum à au moins un dirigeant personne physique (la fameuse « condition de rémunération »)


L’ancienne condition en matière de distribution de dividendes (maximum 13% du capital libéré) a, elle, disparu.


Condition de rémunération


La condition de rémunération prévoit que la société doit attribuer une rémunération d’au moins 45.000 € à au moins un dirigeant personne physique.


La notion de rémunération de dirigeant d'entreprise comprend les ATN et les loyers requalifiés. Le texte légal précise que la rémunération allouée à prendre en compte est la "rémunération à charge du résultat de la période imposable". La rémunération inclut donc les tantièmes attribués par l'Assemblée Générale après la clôture de l’exercice comptable.


L’exigence d’octroi d’une rémunération d’au moins 45.000 € connait deux exceptions :


  • 1ère exception : sociétés « starters »


Les sociétés « starters » ne sont pas soumises à la condition de rémunération. Sont considérées comme « starters » les sociétés PME au sens de l'article 15 C.Soc. pendant leur quatre premières périodes imposables. Attention, lorsque l'activité de la société consiste en la continuation d'une activité qui était exercée auparavant par une personne physique ou une autre société, la période de quatre ans débute à la date du commencement de l'activité reprise.


  • 2ième exception : sociétés qui ont une base imposable inférieure à 45.000 €


Lorsque le résultat de la période imposable est inférieur à 45.000 €, la rémunération ne doit pas atteindre 45.000 € mais seulement le montant de ce résultat.


Par « résultat de la période imposable », il faut entendre base imposable après application des déductions fiscales.


La rémunération du dirigeant doit donc être comparée au bénéfice comptable majoré du montant des dépenses non admises et diminué des exonérations et déductions fiscales.


Exemple : une société a réalisé un bénéfice comptable de 30.000 € et a attribué une rémunération de 36.000 € à son gérant. La déclaration fiscale fait apparaître des dépenses non admises (hors impôt) de 5.000 € et une déduction pour investissement de 500 €.

La base imposable sera égale à 34.500 € (30.000 + 5.000 – 500) et la société pourra donc bénéficier du taux d’imposition de 20,4% car la rémunération de 36.000 € -certes inférieure à 45.000 €- est supérieure à la base imposable de 34.500 €.


Il faut noter que, si à l’occasion d’un contrôle fiscal l’administration rectifie la déclaration de cette société et majore les dépenses non admises de 2.000 €, la base imposable passe à 36.500 € et excède alors la rémunération octroyée. Le contrôle entraine donc, d’une part, un impôt complémentaire sur les 2.000 € de rectification et, d’autre part, la perte du taux réduit sur la totalité de la base imposable.


Cotisation distincte de 5% sur insuffisance de rémunération


Une nouvelle cotisation distincte a été instaurée à charge des sociétés qui attribuent à leur dirigeant une rémunération jugée insuffisante.


Cette mesure est applicable tant aux grandes entreprises qu’aux PME. Elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2018 (exercice d’imposition 2019).


Principe


Selon le nouvel article 219quinquies CIR, une société qui n'alloue pas une rémunération suffisante à au moins un dirigeant d'entreprise (dirigeant personne physique de la première ou seconde catégorie) est soumise à une cotisation distincte de 5,1% (5% + 2% de contribution complémentaire de crise). Le taux de cette cotisation distincte sera porté à 10% à partir de la phase 2 de la réforme (1er janvier 2020).


Cette cotisation est déductible à l'impôt des sociétés.


Rémunération minimum pour le calcul de la cotisation distincte


La notion de rémunération minimum pour le calcul de la cotisation distincte renvoie aux règles en matière de taux réduit. Cela signifie que les deux exceptions commentées ci-dessus (sociétés « starters » et base imposable inférieure à 45.000 €) sont aussi applicables pour le calcul de la cotisation de 5,1%.


Dans notre exemple ci-dessus, aucune cotisation distincte n’est due car la rémunération de 36.000 € excède la base imposable de 34.500 €.


Le Ministre des Finances a précisé que la cotisation distincte doit être calculée sur la différence entre :


1) La rémunération qui aurait été nécessaire pour obtenir le taux réduit ; et

2) La rémunération la plus élevée attribuée à un des dirigeants d’entreprise


Pour déterminer le montant sub 1) un recalcul est nécessaire : il faut ajouter la rémunération accordée à la base imposable et ensuite diviser par 2 pour connaître la « rémunération requise ».


Le tableau ci-dessous illustre cette méthodologie de calcul:




Une société en perte ou qui dispose de déductions fiscales qui ramènent sa base imposable à zéro n'est donc jamais soumise à la cotisation distincte.


Calcul « consolidé » pour les sociétés liées


Un régime spécifique a été introduit pour les sociétés liées permettant en quelque sorte de « consolider » le calcul de la cotisation distincte de 5,1% (article 219quinquies, §6 CIR).


Ce régime permet de ne payer qu’une seule fois la cotisation distincte de 5% pour l’ensemble des sociétés liées éligibles (cotisation unique). Dans ce cas, l'ensemble des rémunérations allouées à un dirigeant par les sociétés liées être pris en compte pour le calcul de la cotisation unique. Mais le montant de la rémunération minimum doit alors atteindre 75.000 €. Il n’est pas prévu d’exception au montant de 75.000 € au cas où la base imposable consolidée serait inférieure, ni d’exception pour les sociétés starters.

C’est la société liée qui a la base imposable la plus élevée qui est redevable de la cotisation unique.


Ce régime est soumis à deux conditions :


  • Les sociétés doivent être des sociétés liées au sens de l’article 11 du Code des sociétés
  • La moitié au moins des dirigeants d'entreprise doivent être les mêmes personnes


Exemple





Les sociétés A, B et C sont détenues par la même personne physique qui est gérant unique de chacune d’elles. A octroie à son gérant une rémunération de 30.000 € et C une rémunération de 20.000 € Il s’agit donc de sociétés liées au sens du Code des sociétés (consortium). Elles sont éligibles à une cotisation unique, celle-ci s’élèvera à 1.275 € [(75.000 – 30.000 – 20.000) x 5,1%]. La cotisation sera due par la société A qui a la base imposable la plus élevée des 3 sociétés.


Si les sociétés n’étaient pas des sociétés liées, chacune d’elle aurait été redevable d’une cotisation individuelle :


  • Pour A de 765 € [(45.000 – 30.000) x 5,1%]
  • Pour B de 765 € [(15.000 – 0) x 5%]
  • Pour C de 510 € [(30.000 – 20.000) x 5%]


Au total, les cotisations distinctes se seraient donc élevées à 2.040 € au lieu de 1.275 € avec le calcul consolidé.

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