Requalification d’un “share deal” en “asset deal”
Depuis qu’un arrêt de la Cour d’appel de Gand (3 janvier 2023) a écarté la mesure anti-abus (article 344, §1er du CIR) au motif que celle-ci ne permet pas de “toucher aux faits” dans le cadre de la phase de redressement de l’abus fiscal, certains praticiens brandissent cet argument – parfois à tort et à travers, à mon estime – pour conclure à son inapplication, notamment dans le cadre de discussions autour de la requalification d’un “share deal” en “asset deal” (requalification d’une vente d’actions d’une société immobilière en vente d’immeuble).
Force est toutefois de reconnaître qu’ils sont parfois suivis par le juge fiscal.
Ainsi, dans un jugement du 25 mars 2024, le tribunal de première instance d’Anvers a considéré qu’une vente d’actions d’une société immobilière (B) par une société holding (A) – à l’issue d’une scission partielle – ne pouvait être requalifiée en vente d’immeubles sur le fondement de l’article 344, §1er du CIR.
La considération que le contribuable redressé en l’espèce, la société holding cédante A, n’avait jamais été propriétaire des immeubles en question (détenus par sa filiale B), et qu’elle n’aurait jamais pu encourir une quelconque imposition sur une hypothétique plus-value réalisée sur ces immeubles, semble avoir été déterminante dans le jugement rendu.
Imposer la société cédante (la holding A) comme si elle avait réalisé elle-même la plus-value sur ces immeubles, qui étaient la propriété d’une autre société (sa filiale B, dotée d’une personnalité juridique distincte), allait alors, d’après le juge, jusqu’à changer les faits, bien au-delà des limites de la redéfinition des actes juridiques qui est permise au fisc en redressement de l’abus.
On peut toutefois se poser la question de savoir si le redressement postulé par le fisc impliquait réellement de venir “toucher aux faits” ?
Cf. à cet égard les développements qu’Aymeric Nollet et moi-même avons consacrés à cette question épineuse dans le dernier numéro du Journal de Droit Fiscal.