Depuis 2013, les tax rulings ont le vent en poupe. Au sein de l'UE, les aides d'Etat interviennent pour moduler les tax rulings en question: "elles peuvent être avérées quand une réduction fiscale est financée par un Etat ou octroyée au moyen de ressources et qu'elle confère un avantage économique à un groupe ou à une entreprise particulière, ce qui fausse la concurrence et affecte le commerce entre Etats membres. Si ces dernières sont régies par l'article 107 TFUE, un tax ruling demeure "une lettre d'intention émise par l'Administration fiscale sur la manière dont l'impôt des sociétés dont elles sont redevables sera calculé ou sur l'application de dispositions fiscales particulières".
Ces matières ont fait l'objet de deux arrêts du Tribunal de l'UE dans les affaires Fiat et Starbucks du 24/09/2019. L'arrêt Apple du 15/07/2020 a également été retenu pour une légère analyse.
Les pratiques de rulings devenues très populaires ont fait l’objet de larges investigations par l’UE surtout quand ces rulings profitaient à des multinationales. Nous avons essayé de circonscrire la notion de ruling fiscal : il s’agit de « lettres d’intention émises par les autorités fiscales afin d’éclairer une entreprise sur la manière dont l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable sera calculé ou sur l’application de dispositions fiscales particulières. »[1]
Quant à la notion d’aide d’État, elle a été définie comme « pouvant être avérée quand une réduction fiscale est financée par un État ou octroyée au moyen de ressources et qu’elle confère un avantage économique à un groupe ou à une entreprise particulière, ce qui fausse la concurrence et affecte le commerce entre États membres ».[2] Elle répond à l’article 107 §1 du TFUE.
Quant à la légalité du principe des tax rulings, elle ne fait pas de doute pour autant qu’ils n’accordent pas un avantage sélectif aux opérateurs économiques spécifiques.
Quant aux méthodes de détermination des prix de transfert, s’agissant des méthodes traditionnnellles fondées sur les transactions, c’est la méthode du prix comparable sur le marché libre (CUP) dont il a été surtout question. S’agissant des méthodes transactionnelles de bénéfices, c’est la méthode transactionnellle de la marge nette (TNMN) qui a surtout été décriée.
Il a été fait état d’un imperium national ou de souveraineté étatique en matière de fiscalité directe.
La fiscalité n’est pas une matière largement harmonisée : en laissant le décisionnel à l’unanimité, rien n’avance, rien ne recule, tout reste statique.
En ce qui concerne la matière des aides d’État et de la notion d’avantage sélectif plus particulièrement, on a dégagé un « three-step test » composé de la détermination du régime fiscal de référence, de l’identification du caractère sélectif de l’avantage octroyé par la mesure fiscale, de la vérification que la mesure n’est pas justifiée par la nature ou l’économie du système dans lequel elle s’inscrit.
L’inquiétude nous a ceint également, elle est d’autant plus prégnante à la connaissance du désamour de l’UE pour les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). Pour nous apaiser, l’arrêt Apple du Tribunal de l’UE est tombée le 15 juillet 2020, une aide d’État illégale n’a pas été avérée et une récupération de 13 milliards d’euros ne sera pas exigée.
Dans les deux arrêts de l’UE du 24 septembre 2019 portant sur des rulings fiscaux (Fiat et Starbucks), il y a eu d’une part, une confirmation de la décision de la Commission dans l’arrêt Fiat, ce qui implique une récupération de l’aide d’État illégale (auprès du Grand-duché de Luxembourg) de l’ordre de 30 millions d’euros, tandis que la décision de la Commission a été infirmée dans l’affaire Starbucks et qu’aucune aide d’État illégale n’a été constatée en l’espèce.
En effet, dans l’affaire Fiat, il y a eu concession d’un avantage économique en ce qu’une diminution de la base imposable a été avérée, cet avantage est sélectif par une réponse favorable aux questions qu’engendrait le « three-step test ».
Dans l’affaire Starbucks, l’existence d’un avantage n’ayant pas été constatée, il a été décidé de n’analyser que sommairement le caractère éventuellement sélectif de celui-ci.
Pour le surplus, quelques faiblesses ont été mises en exergue quant à la logique du raisonnement utilisé par le Tribunal, en effet : le principe « arm’s length » n’est pas un principe de droit européen d’une part; il y a remise en question de l’application de la technique transactionnelle de la marge nette dans ce duo de décisions d’autre part.
Ainsi, alors que ce duo de décisions semblait irréconciliable (blanc du côté de Starbucks et noir du côté de Fiat), une réconciliation fut rendue possible quand la notion d’avantage économique a été analysée des deux côtés (avantage dans le cas Fiat et pas d’avantage dans le cas Starbucks) : il n’y aura pas de constat d’aide d’Etat illlégale dans le cas Starbucks. La notion de sélectivité n’a été éprouvée que dans le cas Fiat aboutissant à la cconfirmation de la décision de la Commission.
Il faut espérer que la Commission prenne note de ses erreurs de raisonnement passées (dans l’arrêt Fiat, la Commission avait échoué dans sa preuve de l’avantage économique octroyé, erreur que le Tribunal a corrigée pour asseoir l’existence de cet avantage ; dans l’arrêt Apple, le Tribunal a entériné l’échec de la Commission dans le rapport de la preuve de l’existence d’un avantage économique). Ses erreurs ne me semblent pas condamnables du tout au tout puisqu’à chaque erreur, le Tribunal rectifie le tir mais elle ne se fourvoie pas dans l’essentiel, puisque la majorité des points de droit soulévés sont confirmés par le Tribunal. Il demeure difficile de tirer quelque conclusion tant le fond des affaires précitées est contrasté (ruling portant sur les prix de transfert pour Fiat, ruling portant sur la méthode répartition des bénéfices pour Apple).
Toute erreur appelant correction, la Commission nous livrera certainement quelque parcours sans faute à l’avenir.
Sources
[1] Communiqué de presse de la Commission européenne du 21 octobre 2015 disponible à l’adresse internet suivante au 10/05/2020 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_15_5880.
[2] Communication de la Commission relative à la notion d’« Aide d'État» visée à l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (2016/C 262/01).