Taxation des locations « AirBNB » : position confirmée par l’administration fiscale

A l’occasion d’une décision rendue le 26 septembre 2023, le Service des Décisions Anticipées s’est prononcé sur le traitement fiscal de la location pour une courte durée d’un bien immobilier accompagnée de services accessoires.

Cette décision offre une parfaite synthèse des règles applicables à cette situation courante mais pourtant complexe sur le plan fiscal.

Les faits de la cause

Monsieur X est célibataire et travaille en tant que salarié au sein d'une banque établie en Belgique. Il est propriétaire de son habitation qui a été construite en 2022 sur un terrain dont il a fait l'acquisition en 2020. Il s'agit d'une maison unifamiliale, dont la construction a été financée par un crédit hypothécaire. Il envisage de donner en location une chambre avec fourniture du linge de maison via l’intermédiaire d’une plate-forme de location en ligne.

A l’appui de sa demande, Monsieur X indique qu’un service très limité sera fourni dans le cadre de ladite location:

  • Il procédera lui-même au nettoyage du logement chaque semaine ;
  • Il n’y aura pas de réception physique des hôtes mais les clés seront simplement placées dans une boîte aux lettres ;
  • La gestion d'une réservation nécessitera peu d'investissement. Il recevra une notification en cas de demande et vérifiera la disponibilité du logement. Le cas échéant, la location sera inscrite au planning des locations ;
  • Aucun petit-déjeuner ne sera fourni ;
  • Aucun voyage touristique ne sera proposé ;
  • Seul le linge de maison sera en principe fourni au locataire.

Il est précisé également que les lieux ne seront en outre loués qu'à des particuliers qui ne les utiliseront pas pour l'exercice de leur activité professionnelle.

Comme c’est le cas de manière générale, un prix global sera facturé aux locataires du logement par la plateforme de location, laquelle ne permet pas de décomposer le prix pour la location proprement dite et les services fournis.

Monsieur X précise également qu’il est propriétaire d'un second bien immobilier dont il a donné 10 % à sa fille et que ce bien est donné en location dans le cadre d'un bail de résidence principale de longue durée.

Traitement fiscal préconisé par l’administration fiscale

Le Service des décisions anticipées expose de façon systématique le cheminement à suivre pour déterminer le régime fiscal attaché à la location « AirBNB » sur le plan des impôts directs, à savoir:

  1. S’agit-il d’un revenu professionnel ?
  2. Le régime fiscal de la location immobilière ;
  3. Le régime fiscal de location mobilière ;
  4. Le régime fiscal des services fournis.

Le Service aborde également le régime TVA attaché à une telle location.

L’activité de location est-elle professionnelle ?

La réponse à cette question est extrêmement factuelle et va in fine dépendre du temps et de l’énergie consacrés au développement de l’activité de location.

Le Service des décisions anticipées se réfère à cet égard au commentaire administratif du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « CIR 92 ») qui, se fondant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, dispose que « par occupation lucrative, il y a lieu d'entendre, lorsqu'elle est exercée par une personne physique, un ensemble d'opérations qui sont suffisamment fréquentes et liées entre elles pour constituer une occupation continue et habituelle et qui, débordant les limites de la gestion normale du patrimoine privé, présentent un caractère professionnel (Cass., 6.5.1969, Grazia et de Mesmay, Bull., 475, p. 1043; id., 24.9.1968, Petit, Bull., 466, p. 1298) » et que « peuvent être retenus comme éléments de fait pouvant révéler l'exercice d'une occupation lucrative à caractère professionnel, outre le nombre, la nature et la succession rapide des opérations réalisées, le rapport existant entre elles, leur importance, l'organisation qu'elles impliquent, le fait qu'elles ont été réalisées à l'aide de fonds empruntés et en association avec deux ou plusieurs personnes, le fait qu'une activité accessoire soit étroitement liée à l'activité principale du contribuable intéressé ou se situe dans le prolongement de cette activité professionnelle [ La seule circonstance qu'une opération accomplie dans le cadre d'une activité accessoire soit étroitement liée à l'activité principale du contribuable ou se situe dans le prolongement de celle-ci, ne suffit évidemment pas pour que cette opération soit considérée comme une occupation lucrative au sens de l'art. 27, CIR 92. Pour cela, il doit en effet être également satisfait au principe général selon lequel l'activité doit entrer dans le cadre d'un ensemble d'opérations qui sont suffisamment fréquentes et liées entre elles ] ».

Dans le cas spécifique de Monsieur X, le Service des décisions anticipées relève que :

  • Monsieur X est salarié au sein d'une banque établie en Belgique
  • la maison d'habitation louée via la plateforme de location ne sera pas utilisée pour son activité professionnelle du Demandeur ;
  • la location ne constitue pas un prolongement de son activité professionnelle ;
  • l'activité de location de seulement deux logements du patrimoine privé du demandeur (dont une chambre via la plateforme de location) ne permet pas de conclure à l'existence d'une activité professionnelle ;
  • le temps consacré aux activités de suivi et aux services est très limité.

Sur cette base, il conclut à juste titre que les revenus tirés de la location ne constituent pas des revenus professionnels au sens de l'article 23 du CIR 92, mais doivent être considérés comme des revenus immobiliers au sens de l'article 7, § 1, 2°, a), deuxième tiret du CIR 92.

Régime fiscal des revenus tirés de la location immobilière

Les revenus de biens immobiliers bâtis situés en Belgique qui sont donnés en location à une personne physique qui ne les affecte ni totalement ni partiellement à l'exercice de son activité professionnelle sont constitués du revenu cadastral indexé majoré de 40%%, conformément à l'article 7, § 1, 2 °, a), deuxième tiret du CIR 92.

Peu importe le montant des loyers qu’il percevra, la base imposable de Monsieur X sera déterminée en fonction de la quote-part du revenu cadastral de la chambre qu’il louera.

Ainsi si la quote-part de la chambre louée dans le revenu cadastral de la maison de Monsieur X est de 15 % et que ce revenu cadastral est de 1.000 EUR, le revenu cadastral attaché à la chambre sera de 150 EUR.

En 2024, Monsieur X sera donc imposé annuellement sur un montant de 150 EUR multiplié par 2,1773 (coefficient d’indexation à confirmer pour 2024 - 2,0915 en 2023) et par 1,40, soit 457,23 EUR. Ce montant sera soumis au taux progressif par tranches de l’impôt des personnes physiques.

Régime fiscal des revenus tirés de la location mobilière

Les revenus provenant de la location de biens mobiliers constituent des revenus de capitaux et biens mobiliers, conformément à l’article 17, § 1, 3° du CIR 92. Conformément à l’article 171, 3° du CIR 92, ces revenus seront imposés distinctement au taux de 30 %.

L'article 4, 2°, b), de l’arrêté royal d’exécution du CIR 92 (ci-après « AR/CIR 92 ») prévoit que lorsqu'il s'agit de biens meubles garnissant des habitations, chambres ou appartements meublés et qu'il est stipulé un loyer global pour les biens mobiliers et immobiliers, les 2/5 dudit loyer sont censés représenter le montant brut au titre de revenus imposables de biens mobiliers.

L’article 4 de l’AR/CIR 92 dispose par ailleurs que la partie du loyer afférente aux meubles peut bénéficier d’une déduction forfaitaire de frais de 50 %.

Si les loyers globaux perçus annuellement s’élèvent à 10.000 EUR, 40 % de ce montant sera considéré comme rémunérant la location mobilière, soit 4.000 EUR. Ce montant pourra bénéficier d’une déduction forfaitaire de frais de 50 %, soit 2.000 EUR. Le solde de 2.000 EUR sera soumis à une imposition distincte au taux de 30 %. L’imposition s’élèvera donc à 600 EUR.

Régime fiscal des revenus obtenus en contrepartie des services fournis

En l’espèce, un prix global sera facturé au locataire via la plateforme de location pour la fourniture du logement.

Il est néanmoins convenu qu'un montant forfaitaire (devant correspondre à un prix de marché) correspondant à la fourniture du linge de maison sera fixé distinctement entre les parties.

Les revenus obtenus en contrepartie de cette prestation limitée doivent être considérés comme des revenus divers conformément à l'article 90, alinéa 1er, 1° du CIR 92 et imposables au taux distinct de 33 % conformément à l’article 171, alinéa 1er, 1°, a) du CIR 92 (majoré des centimes additionnels communaux).

Conformément à l’article 97 du CIR 92, les revenus visés à l'article 90, alinéa 1er, 1°, s'entendent de leur montant net, c'est-à-dire de leur montant brut diminué des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver ces revenus. S’il dispose de la preuve des frais qu’il aura supportés, Monsieur X pourra donc les déduire de la base imposable au taux distinct de 33 %. Il n’y a donc pas, en ce qui concerne ces revenus, de forfait de frais comme en matière de revenus mobiliers.

Sur le plan de la TVA

Depuis le 1er juillet 2022, si un logement meublé est loué pour une durée de moins de trois mois en proposant un service tel que la réception physique des hôtes, la mise à disposition du linge de maison ou la fourniture du petit déjeuner (la fourniture d’un seul de ces services étant suffisante), le bénéficiaire des revenus est assujetti à la TVA, et doit appliquer 6 % de TVA sur l'intégralité des loyers perçus.

Cette règle s'applique indépendamment de la qualification des revenus locatifs en revenus professionnels.

Un particulier, tel que Monsieur X, qui remplit les conditions d’assujettissement à la TVA, devra appliquer la TVA, quand bien même agirait-il dans un contexte purement privé en dehors de toute activité professionnelle.

Inversement, le fait que la législation TVA impose au bénéficiaire des revenus un assujettissement à la TVA ne sera pas de nature, en ce qui concerne l'impôt des personnes physique, à ce que l'activité de location soit considérée comme ayant un caractère professionnel. Le fait que certaines opérations puissent constituer une activité professionnelle à l'impôt des personnes physiques réside en fait et doit être jugé au cas par cas au moyen de circonstances de fait concrètes comme nous l’avons exposé ci-avant.

Conclusions

La mise en location de logements pour une courte durée avec la livraison de services entraîne pour le bailleur une fiscalité complexe en raison de la diversité des types de revenus qui sont rencontrés.

Dans sa décision n° 2023.0630 du 26 septembre 2023, le Service des décisions anticipées offre une parfaite synthèse de la matière.

Celle-ci est d’autant plus utile qu’en raison de l’entrée en vigueur de la directive « DAC 7 », les plateformes telles qu’AirBNB communiqueront, dès ce mois de janvier 2024, aux autorités fiscales toutes les informations dont elles disposent relatives aux locations ainsi qu’aux revenus qu’elles ont générés.

Les administrations fiscales pourront ainsi vérifier si les revenus perçus à l’occasion des locations ont été régulièrement déclarés et si la TVA a été correctement appliquée dans les cas où elle devait l’être.

François Collon

Collon, avocats en droit fiscal

Avenue Emile De Mot, 9 - 1000 Bruxelles

E-mail : fcollon@collon-law.be – Web : www.collon-law.be

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