Taxe Caïman : quel est l'impact de sa réforme de 2024 sur les fondateurs (involontaires) d’une construction juridique?

Souvenons-nous que la taxe Caïman a introduit dans notre Code des impôts sur les revenus (« CIR/92 »), d’une part, une obligation de déclaration des « constructions juridiques », et d’autre part, un régime de taxation spécifique par transparence, aux personnes physiques ayant la qualité de « fondateur » d’une telle construction.

L’objectif poursuivi est de rendre inefficient, du point de vue de l’impôt sur les revenus, le recours à des structures patrimoniales, généralement peu ou pas taxées, appelées « constructions juridiques », en imposant le « fondateur » de cette structure sur les revenus de celle-ci, comme s’il les avait perçus directement.

En vue de pallier à certaines lacunes du système telles qu’épinglées par la Cour des comptes, une importante réforme du régime de la taxe caïman est entrée en vigueur le 1er janvier 2024.

De la « construction en chaîne » à la « construction intermédiaire »

Parmi les nombreuses et importantes modifications, l’apparition de la notion de « construction intermédiaire » peut être mise en exergue.

Jusqu’à l’année dernière, il était fait appel à la notion de « construction en chaîne » induisant que pour qu’une personne physique puisse être considérée comme fondateur d’une construction juridique, celle-ci devait détenir directement des droits dans cette construction, laquelle pouvant, le cas échéant, elle-même faire partie d’une chaine de constructions juridiques. Il était essentiel que chacune des entités prises isolément soit qualifiée de construction juridique.

Ce qui précède induisait que si la chaine de construction juridique était interrompue par une entité suffisamment taxée, le lien avec la personne physique et la ou les constructions juridiques était rompu et partant l’application de la taxe caïman n’était plus possible.

Désormais, ce postulat ne peut plus être retenu, en ce que les fondateurs qui détiennent une participation, même indirecte, dans une construction juridique par l’entremise d’une « construction intermédiaire », sont également soumis à la taxe caïman.

La notion de « construction intermédiaire » désigne toute entité, disposant ou non de la personnalité juridique selon le droit qui la régit, qui détient tout ou partie des actions, parts ou droits économiques, dans une construction filiale ou une autre construction intermédiaire.

Il en résulte qu’à présent, une personne physique belge détenant, de manière indirecte, une participation dans une construction juridique peut également se voir appliquer la taxe Caïman et ce, peu importe le niveau auquel se situe cette construction dans la chaîne de participation.


En vue de pallier à certaines lacunes du système telles qu’épinglées par la Cour des comptes, une importante réforme du régime de la taxe Caïman est entrée en vigueur le 1er janvier 2024.

Incidences pratiques

D’un point de vue pratique, cette modification législative est particulièrement lourde de conséquences puisqu’une personne physique qui investirait par l’intermédiaire d’une société belge normalement soumise à l’impôt des sociétés en Belgique doit, afin de s’assurer que la taxe caïman ne peut trouver à s’appliquer, s’adonner à une analyse minutieuse de l’ensemble de la chaîne sous-jacente des différentes participations, afin de déceler l’existence éventuelle d’une construction dont cette personne physique pourrait être considérée comme fondateur.

Si, parmi les entités faisant partie de la structure de participation, devait figurer une entité pouvant être qualifiée de construction juridique, la personne physique belge détenant indirectement cette participation se retrouverait considérée comme fondateur avec les obligations que cela comporte, notamment d’un point de vue déclaratif.

De cet impératif déclaratif, il résulte que la case idoine de la déclaration fiscale à l’impôt des personnes physiques doit être remplie, ainsi que le dépôt d’une annexe spécifique (276 CJC).

En outre, la présence d’une construction intermédiaire emportera des conséquences en termes de délais d’imposition et d’investigation par l’administration fiscale.

En effet, lorsqu’un contribuable est tenu de déclarer une construction juridique, sa déclaration fiscale est considérée comme « complexe », ce qui induit d’une part que le délai de dépôt en ligne de la déclaration est prolongé et d’autre part, que les délais d’investigations et d’imposition sont portés à 10 ans.

En ce sens, l’obligation déclarative d’un contribuable considéré comme fondateur d’une construction juridique se voit sanctionner par une amende 6.250€

Soulignons que l’amende précitée est appliquée par année, par contribuable et par construction juridique non mentionnée. Les conséquences financières pour le contribuable peuvent donc s’avérer importantes, à plus forte raison en considération des délais d’investigation et de taxation particulièrement longs.

Dans une large mesure, l’administration fiscale peut compter sur l’assistance fournie dans le cadre des mécanismes d’échanges d’informations prévus au niveau international.

La rectification est donc aisée pour l’administration fiscale en ce que le simple fait pour un contribuable de ne pas avoir déclaré une construction juridique permet d’infliger une amende, alors que le contribuable peut simplement avoir oublié cette déclaration ou tout simplement ignorer qu’il rentre dans le champ d’application de la loi, compte tenu notamment de la nouvelle mouture de la réglementation de la taxe Caïman.

Pour éviter les désagréables surprises, on ne peut donc que conseiller à tout contribuable d’être particulièrement vigilant à la notion de « construction intermédiaire » et de procéder à une analyse précise de la chaine de participation même s’il investit par l’intermédiaire d’une société belge normalement soumise à imposition.

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