Les premiers qui sont muselés dans un régime autocratique, ce sont les « intellectuels », terme d’ailleurs popularisé lors de l’affaire Dreyfus. La diversité des pensées et des idées se fracasse contre le culte du César, et doit donc être étouffée. Cela s’est produit à travers toute l’histoire, et les exemples contemporains sont légion : les autodafés hitlériens, mais aussi Mao, Staline et d’autres figures autoritaires qui ressurgissent comme des fantômes — qu’on appelle revenants, parce qu’ils reviennent.
Et quand brûler les livres ne suffit pas, on assassine les journalistes.
Au nom de la lutte contre le wokisme ou l’antisémitisme, Trump cherche à cadenasser la liberté de pensée universitaire, même si, je le reconnais, les réalités de diversité m’ont récemment interpellé à Harvard.
Au début, ce sera inoffensif.
Et puis, dans le fond, on n’aime pas les intellectuels, ceux qui ne connaissent pas la “vraie vie”. Ce n’est pas entièrement faux.
Et dans le monde de TikTok, le ressenti immédiat semble surpasser la somme des savoirs.
Et qui peut prouver, finalement, que la Terre n’est pas plate, ou que le Soleil ne tourne pas autour ?
D’ailleurs, dit-on, l’homme ne serait jamais allé sur la Lune.
Parce que la recherche universitaire est fondée sur l’expérimentation.
Et cela est encore plus vrai aux États-Unis, un pays qui valorise l’induction plutôt que l’obéissance déductive.
Là-bas, on ne sépare pas recherche fondamentale et appliquée.
On peut s’enrichir de son invention, contrairement à l’empreinte européenne, qui valorise le chercheur pauvre, dévoué et besogneux.
Il ne faut pas chercher bien loin l’origine de cette différence culturelle :
Les États-Unis sont d’essence protestante, tandis que l’Europe demeure imprégnée d’obéissance catholique.
Donc, aux États-Unis, l’effet du bâillonnement intellectuel sera lent.
Mais comme le protectionnisme économique, il sera peut-être salutaire à court terme, mais mortifère à moyen terme.
Alors, quand Donald Trump affirme :
« Quand les universitaires — corps intellectuels censés donner une direction à la société — pensent à l’opposé de la masse de la population, de plus en plus à droite, c’est la faillite des élites. »
Mais, en réalité, ce n’est pas Donald Trump qui a dit cela…