Un incitant fiscal majeur pour les sociétés qui créent des logiciels

Si vous êtes actif (active) dans le secteur informatique et avez créé un logiciel ou si vous envisagez de le faire prochainement, cette lettre d'information est pour vous. Elle traite d'un incitant fiscal trop peu exploité par de nombreuses firmes et pourtant majeur. Dommage de s'en priver.


L'article 205/1 du Code des impôts sur les revenus permet en effet aux entreprises concevant des logiciels et qui les commercialisent en tirant des revenus de licences ou des bénéfices liés à leur aliénation, de déduire de leur base imposable 85 % des revenus nets d'innovation visés.

L’introduction d’une demande de décision anticipée auprès du SDA (déjà près de 150 décisions publiées en cette matière ! ) est à privilégier en raison de la technicité de la matière et du respect des conditions légales assez nombreuses qu’elle implique.


L’expérience nous a permis de constater que la principale difficulté dans la mise en œuvre de cet incitant fiscal intéressant est de déterminer avec le plus d’exactitude possible le revenu brut et le revenu net à prendre en considération pour l’application de cette déduction de 85%.


En vue d’éclairer le candidat à ce régime et proposer une méthodologie qu’il conviendrait de suivre, nous proposons de la diviser en en 10 étapes.


Ces dix étapes sont :


1. Fixation des revenus bruts qualifiants

La première étape est de définir les revenus éligibles au régime. Car tous les revenus de la commercialisation des logiciels ne sont pas forcément des revenus de droits de propriété intellectuelle. En effet, des revenus peuvent rémunérer des services de support ou de maintenance qui ne sont pas des revenus d’innovation au sens de la loi (tels des licences, redevances, ou produits de l’aliénation de logiciels).

D’autre part, il est évident qui si la société informatique possède d’autres revenus que ceux liés au logiciels (loyers, vente de hardware, management fees, etc..), ils devront aussi être exclus des revenus qualifiants. La société sera bien inspirée de procéder à une évaluation par revenus, c.à.d. d’identifier (au départ le cas échéant d’une comptabilité analytique) dans son chiffre d’affaire les seuls revenus éligibles.



2. Prise en compte des seuls revenus perçus après le 1er juillet 2016 (date d’entrée en vigueur de la loi) (le coefficient « Y »)

La loi s’applique aux revenus de l’innovation produits à partir du 1er juillet 2016. La difficulté provient donc de ce qu’un logiciel peut avoir été conçu et développé bien avant cette date, même si ce développement se poursuit au-delà de cette date. Donc « l’innovation » est antérieure à cette date. Commet dès lors savoir quelle est la part du revenu résultant de l'innovation après la date du 1er juillet 2016 et refléter la part croissante de celle-ci dans la génération des revenus ?


La solution pragmatique proposée par le SDA est de définir de manière logique un coefficient à appliquer aux revenus bruts de l’année dont on revendique la déduction.

Par exemple, si l’on considère qu’un logiciel est entièrement renouvelé tous les 4 ans, on peut opter pour une incrémentation de 25% par année appliquée au chiffre d’affaires, ce qui donne lieu à un coefficient de 12,5% en 2016 (pour la période du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2016), de 37,5% en 2017, de 62,5% en 2018 et de 87,5 % en 2019, puis 100% à partir de 2020. Ce pourcentage est appelé coefficient Y (voir tableau ci-dessous). D’aucuns défendent même l’idée que l’on peut envisager un renouvellement du logiciel tous les 3 ans s’’il est l’objet de très nombreuses mises à jour.


Les revenus bruts d'innovation perçus par la société, multipliés par ce coefficient sont éligibles pour la déduction pour revenus d'innovation. Le résultat de cette multiplication est appelé chiffre d’affaires résiduel.



3. Déduction de tous les coûts directs et indirects que l’on peut imputer au chiffre d’affaires résiduel

Cette étape consiste à déduire les coûts directs et indirects imputables à ce chiffre d'affaires résiduel (comptes 60 à 64) mais sans y intégrer les coûts de R&D qui se déduisent plus loin.

Ne forment pas des coûts directs et indirects liés aux logiciels des droits d’auteur des dépenses d’une toute autre nature, tels que les honoraires comptables ou d’avocats, les frais de publication du bilan, certaines taxes, des libéralités, …



4. Quelques exceptions à la déduction intégrale des tous les couts directs et indirects

Outre les coûts de R&D dans le compte 62, il est permis d’exclure aussi certains coûts indirects à ce stade ;

  • Les charges locatives afférentes à la partie du bâtiment utilisée à la R&D dans le compte (il s’agit d’une tolérance légale qui permet de les exclure).
  • L’amortissement de la production immobilisée du compte 63 (les amortissements de la production immobilisée constituée à partir du 1er janvier 2016 sont repris en coûts de R&D).



5. Application d’une marge de routine sur des tels frais

Une rémunération de routine correspondant à l'application d'une marge de 5% sur les coûts directs et indirects est attribuée aux activités non-R&D. Cette marge est justifiée, selon le SDA, lorsque les ventes ne sont pas réalisées par des tiers mais sont réalisées « online » (en interne). Cette marge est en général fixée à 5 ou 6 % sur ces coûts. L’idée est ici que la société a fait l’économie des coûts de commercialisation en ne sollicitant pas des vendeurs extérieurs et, dès lors, une marge (un « cost plus ») doit être appliqués sur ces coûts internes. Cette règle nous parait plus stricte que le prescrit légal mais est appliquée systématiquement par le SDA.

A noter que si le compte de résultat 61 (services et biens divers) inclut des prestations de services fournies par des tiers, on peut défendre que ces tarifs incluent une marge commerciale, et dès lors aucune marge de routine ne doit y être appliquée.



6. Détermination du revenu brut

Le résultat à l’issue des 5 premières étapes forme le revenu brut de l’innovation.



7. Diminution des dépenses globales de R&D imputables au logiciel

Comme la loi précise que le régime de déduction des revenus d’innovation porte sur les revenus nets d’innovation, il faudra que les revenus d’innovation soient diminués :

· des dépenses de l’année reprises dans les frais de R&D

· + les frais de R& D des exercices comptables antérieurs se clôturant après le 30 juin 2016 (puisque la loi entre en vigueur le 1er juillet 2016) (les frais historiques).

Tout solde négatif est reporté à l’année suivante.

Les frais des exercices comptables précédents peuvent être étalés sur une période de maximum 7 exercices d'imposition afin de permettre au contribuable qui a réalisé des investissements substantiels en phase initiale de bénéficier de l'incitant fiscal dès qu'il commence à percevoir des revenus.

Par ailleurs, ces frais historiques ne doivent en principe être soustraits que durant la première année au cours de laquelle la déduction est appliquée pour un droit de propriété intellectuelle déterminé, mais si ces dépenses dépassent les revenus de propriété intellectuelle, le solde sera reporté sur l'année suivante.

Les revenus d’innovation doivent être compris dans le résultat imposable en Belgique pour être éligibles. La déduction ne s’applique pas aux revenus imputés à des établissements stables étrangers.



8. Détermination des revenus d’innovation nets

Le revenu brut de l’innovation diminué des « dépenses globales » de R&D à imputer au logiciel forme le revenu d’innovation net.



9. Le ratio Nexus

Le but de cette fraction (définie par l’OCDE) est de ne pas admettre pour la déduction les brevets acquis et les frais de R&D sous-traités auprès d’entreprises liées (en vue d’éviter toute optimisation fiscale entre entreprises liées).

En revanche, les frais de R&D encourus au sein de l’entreprise et ceux qui sont sous-traités auprès d’entreprises tierces ne pénalisent pas le ratio Nexus.


Dans cette fraction, figure au numérateur les dépenses « qualifiantes », à savoir :

  • Les frais de R&D internes
  • + les frais de R&D externe hors groupe (ou ceux qui sont refacturés sans marge par une entreprise liée)

Au dénominateur, on trouve les dépenses qualifiantes et non qualifiantes :

  • · Les frais de R&D internes
  • · + les frais de R&D externe hors groupe (ou ceux qui sont refacturés sans marge par une entreprise liée)
  • · Les frais d’acquisition de droits de propriété intellectuelle (ex. achat de brevets)
  • · Les frais de R&D externe intragroupe

Donc, si une société n’externalise pas la R&D à des entreprises liées ou ne fait pas l’achat de droits de propriété intellectuelle, le ratio Nexus est de 100% et la déduction pour revenus d’innovation de 85 % ne subit dès lors aucune limitation.



10. Application de la déduction de 85 % sur le revenu net final de l’innovation

Cette déduction interviendra, dans les opérations à l’I.Soc, juste après la déduction pour revenus RDT.

Le montant total de revenus d’innovation à exonérer ne peut excéder, par période imposable, le bénéfice restant après la déduction pour RDT, mais avant la constitution de cette réserve exonérée.

S’il reste un bénéfice insuffisant, après la déduction pour RDT, pour constituer entièrement cette réserve exonérée, la partie qui excède le montant limite peut être reportée sur les périodes imposables suivantes, en tenant compte des montants limites pour ces périodes imposables.

A noter que le régime de la déduction pour revenus d’innovation n’empêche pas l’application de la déduction pour investissements afférente au même droit de propriété intellectuelle.

La déduction pour investissement est en effet calculée sur la base du prix d’acquisition ou du prix de revient, tandis que la déduction pour revenus d’innovation octroie un avantage fiscal aux revenus nets résultant de ce droit de propriété intellectuelle.


Pour plus de détails : http://www.oeccbb.be/publications/details/71

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