Une répression financière pour éviter le néant monétaire

Depuis les années quatre-vingt, de luttes incessantes contre l’inflation aux accroissements vertigineux de l’endettement privé et public, jusqu’à son rachat massif par les banques centrales, un sentiment d’effroi face à une fragilité systémique s’installe, car le système monétaire semble hors de contrôle. Les signaux d’alarme concernant des défaillances monétaires se multiplient.

Il suffit de songer aux taux d’intérêt négatifs imposés par la BCE pendant près d’une décennie, telle une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes. Par ailleurs, les banques centrales ont dû intervenir pour créer de la monnaie, afin de financer les États à travers l’achat de leurs dettes publiques, contractées dans l’optique de stabiliser ou soutenir une croissance économique chancelante.

Après avoir été sauvées in extremis par les États lors de la crise bancaire liée aux subprimes en 2008, les banques commerciales européennes ont été, en partie, dispensées de financer leurs propres États, eux-mêmes contraints de stimuler une économie privée vacillante. Ayant failli provoquer une apocalypse monétaire, les banques commerciales ont été exemptées de mettre leurs bilans au service des États qui leur avaient assuré leur survie.

On pourrait certes envisager un financement illimité des États par une création monétaire infinie (c’est-à-dire que la BCE acquiert sans fin des obligations publiques), mais cela engendrerait des risques inflationnistes et de perte de crédibilité monétaire, plongeant les nations dans un chaos sans précédent.

Mais derrière ou après la création monétaire des banques centrales, il ne reste plus rien pour freiner la dérive du capitalisme. Et le problème de ce dernier, c’est son absence mortelle de limite.

Il ne reste plus rien, car derrière les banques centrales qui incarnent la confiance associée à la monnaie, aucune institution supérieure n’existe. Il n’y a pas de BCE derrière la BCE. C’est le vide, l’abîme.

Pour cette raison, je crois que le système financier européen va retrouver un point d’équilibre non dans l’expansion ultérieure du financement par les banques centrales ou une quelconque implosion systémique, mais par une aspiration en lui-même consistant en l’utilisation dirigée des dépôts bancaires et des réserves d’assurances — qui sont eux-mêmes les reflets de cette création monétaire — vers le financement des États.

L’aboutissement de la création monétaire par les banques centrales signera alors sa propre fin par un contrôle étatique accru des banques commerciales, au sein desquelles la monnaie créée par les banques centrales est logée. En d’autres termes, faute de pouvoir être financés ad infinitum par les banques centrales, les États vont devoir se financer auprès des institutions financières qu’ils contrôlent de manière prudentielle.

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