Vente d’actions d’une société opérationnelle à une société holding créée par un des enfants

Cette opération relève-t-elle de la gestion du patrimoine privé ?


Votre client (e) vous consulte et vous expose la situation suivante : Il (ou elle) a créé et assuré tout au long de sa vie professionnelle le développement d’une société commerciale ou industrielle . Elle est florissante et il (elle) souhaite, vu son âge ou son désir de lever le pied, céder l’affaire à l’un de ses enfants déjà actif au sein de l’entreprise et qui est le seul à poursuivre les activités familiales car il est déjà impliqué dans la gestion de celle-ci. Les autres enfants exercent d’autres emplois sans rapport avec l’entreprise. Pour ne point léser ses autres enfants, il est décidé que l’enfant-repreneur rachète les actions et ne bénéfice donc pas d’une donation des actions (sauf le cas échéant pour partie à hauteur du travail promérité) .


Un pacte successoral est conclu avec tous les enfants pour la répartition de l’ensemble des avoirs du père ou de la mère.

L’enfant-repreneur, ne disposant pas des fonds nécessaires, constitue à cette fin une holding et le père(la mère) vend ensuite ses actions à cette holding. Alimentée par de futurs dividendes et management fees, la holding pourra au fil du temps rembourser l’emprunt bancaire souscrit pour payer la dette d’ acquisition des actions.


Cette opération relève-t-elle de la gestion du patrimoine privé ? En d‘autres termes, peut-on affirmer que la plus-value dégagée par le père (ou la mère) est exonérée sur base de l’article 90, 9° du CIR ?


Ce schéma, que nous rencontrons assez fréquemment au cabinet, relève de la planification classique de transmission d’une entreprise familiale.


Précisons d’emblée que cette hypothèse n’est pas celle des holdings internes et plus-values internes, puisque les actionnaires de la société opérationnelle et de la holding ne sont pas identiques.


Ce mécanisme qui fait intervenir une personne morale agissant en tant que holding créée à cet effet permet de racheter la cible en utilisant un endettement bancaire contracté par la holding ou en créant une dette de la holding vis-à-vis du vendeur est assez répandu. Il permet de prendre le contrôle d’une société en minimisant ou en évitant l’apport personnel


Les éléments qui plaident pour l’exonération de la plus-value ont été définis par le SDA et peuvent être résumés comme suit :


Le SDA n’y voit en principe rien qui s’écarte de la gestion du patrimoine privé pour les raisons suivantes :


  • La vente des actions par un contribuable à son enfant est une opération simple qui ne recourt pas à des mécanismes complexes ;
  • Il n’y a pas de court laps de temps qui sépare l’acquisition des titres et la vente à la holding ( le contribuable est propriétaire des actions et parts depuis de nombreuses années) ;
  • Le contribuable ne détient pas d’autres participations. L’ensemble des participations qu’elle détient sera vendu lors de l’opération envisagée ;
  • L'opération de vente répond à des motifs économiques et ne poursuit pas exclusivement un objectif fiscal car l’opération d’apport met en place un véhicule de contrôle commun du groupe dans un objectif de planification successorale, de continuité opérationnelle et de renforcement financier ;
  • L'opération est conditionnée à la production d’un rapport d’un réviseur d’entreprises qui doit évaluer l’entreprise ;
  • L'opération correspond à des actions d'une entreprise rentable et bien établie que la contribuable connaît parfaitement.


Ce qui interpelle toutefois, lorsqu’une demande de ruling est introduite (ce que nous ne pouvons que conseiller) est que le demandeur se trouve régulièrement confronté à cette autre condition introduite il y a quelques années par le SDA : la société cédée à la holding doit avoir versé régulièrement des dividendes dans les années précédant la vente. L’administration fiscale veut s’assurer également que l’opération (apport/vente) n’a pas pour but la distribution sans taxation des liquidités excédentaires créées auparavant au sein des sociétés opérationnelles.


Un contribuable sera dès lors inspiré d’envisager de distribuer avant l’opération des dividendes correspondant à ces liquidités excédentaires ou à tout le moins de justifier pour quelles raisons il ne les distribue pas.


Pour évaluer les liquidités excédentaires, il convient de prendre en considération la politique de gestion du groupe au sein duquel a lieu l’opération, ainsi que les besoins en liquidités indispensables à la bonne marche de ce dernier.


Cette condition nous parait assez discutable, dans la mesure où elle n’est en rien en relation avec la nature et l’objectif général de l’opération de vente d’action à une holding d’acquisition qui sont avant tout la pérennité de l’exploitation familiale. Le fait que des dividendes aient ou non été distribués peu avant cette opération importe peu, selon nous.


A nouveau, on peut se demander si, ce faisant, le SDA n’ajoute pas une condition extra-légale à la validation d’un tel schéma somme toute fort classique et qui ne poursuit pas un objectif exclusivement ou principalement fiscal (d’autant que la plus-value n’est dans ce schéma pas une plus-value interne).


Pierre-François COPPENS

Conseil fiscal ITAA ;

Fondateur de l'A.D.F.P.C. ;

Chargé de formations à la Chambre Belge des Comptables





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