Il ressort d'un arrêt du 11 janvier 2024 de la Cour de cassation que la mesure anti-abus (art. 344,§1er du CIR) peut être invoquée à l’encontre d'un contribuable qui n'est pas formellement partie à l'ensemble des actes juridiques (composant une même opération) susceptibles d’abus.
Un contribuable peut ainsi se faire redresser dès lors qu’il a bien posé certains de ces actes et a été à tout le moins « impliqué » dans tous les autres, du moment que tous ces actes relèvent d’une « chaine indivisible » préconçue dans une « unité d’intention » à apprécier alors dans son propre chef.
Un couple de parents cède les actions dans leur société opérationnelle à la société holding constituée par leur fils, en réalisant à cette occasion une plus-value sur actions exonérée.
Ensuite, la société opérationnelle distribue un dividende à la société holding (en exonération d’impôt), afin de permettre à cette dernière de payer le prix d’acquisition aux parents.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les parents pourraient se faire redresser sur le fondement de l'article 344,§1er du CIR, même s'ils n'ont pas posé certains actes (constitution de la holding, distribution de dividende,...), à condition qu'ils aient été "impliqués" dans tous les actes en cause.
Autrement dit, il doit avoir été invraisemblable dans l’esprit des parents qu’un acte soit posé (la cession de leurs actions) sans la certitude que les autres actes le seraient aussi. À mon avis, les parents devraient avoir à tout le moins "piloté" ou "téléguidé" les différentes étapes du montage consécutives à la cession des actions pour que la mesure anti-abus s'applique. Pour une application jurisprudentielle: voy. à ce sujet le lien
Prenons la technique bien connue de planification patrimoniale de l'apport d'un bien propre au patrimoine commun suivi de la donation par les époux aux enfants. Celle-ci permet de "casser" la progressivité de l'impôt (droits de donation), puisque la donation est faite par deux donateurs, détenant chacun une quote-part plus faible dans les biens donnés.
Le fisc peut-il s'appuyer sur cette jurisprudence de la Cour de cassation pour pour taxer les enfants (en les soumettant au barème des droits de donation plus élevé), sans tenir compte de l'apport préalable à la communauté?
Pas nécessairement. Contrairement au cas 1, les donataires ne sont en principe pas "impliqués" (pas d'influence) dans le premier acte (apport à la communauté). Les donataires (contribuables redressés) n'interviennent généralement qu'en bout de course et ne sont pas à la manoeuvre... Difficile d'y voir une "unité d'intention" dans leur chef.
Découvrez mon interview dans l'Echo.